(Répétition sans changement d'une dépêche diffusée vendredi)

* La Fed sera plus "faucon", la BCE plus "colombe"

* L'euro a vécu jeudi sa pire journée depuis près de deux ans

* Le pétrole cher, l'Italie et le commerce inquiètent toujours

* La BoE et l'Opep animeront la semaine à venir

par Marc Angrand

PARIS, 18 juin (Reuters) - Au terme d'une semaine animée, l'horizon des politiques monétaires de la Réserve fédérale américaine et de la Banque centrale européenne (BCE) se fait plus net mais les marchés n'en ont pas pour autant terminé avec les trois grands facteurs de risque du moment: les tensions commerciales, la politique italienne et la cherté du pétrole.

De la réunion de la Réserve fédérale, au-delà de la nouvelle hausse d'un quart de point du taux des "fed funds", les investisseurs ont surtout retenu qu'elle devrait être suivie de deux tours de vis supplémentaires d'ici la fin de l'année, soit un de plus que prévu jusqu'à présent.

Cette précision n'a pas perturbé outre-mesure les marchés financiers, même si elle est à même de favoriser l'aplatissement de la courbe des taux américains, voire son inversion, une évolution encore considérée par certains comme annonciatrice d'une récession.

Un raisonnement que certains réfutent cependant, arguments macroéconomiques à l'appui.

"Presque à chaque fois qu'on a eu une courbe des taux négative, on a eu une récession", reconnaît ainsi Philippe Weber, coresponsable des études et de la stratégie de CPR Asset Management. "Mais la causalité semble beaucoup plus facile à établir quand le taux nominal des 'fed funds' monte que quand la courbe des taux est négative. Or le niveau actuel des 'fed funds' n'a jamais provoqué de récession."

LA BCE S'ENGAGE MAIS LIMITE SA MARGE DE MANOEUVRE

La BCE, elle, a davantage perturbé les marchés: tout en annonçant la fin de ses achats d'actifs pour décembre prochain, elle s'est engagée à ne pas relever ses taux d'intérêt avant la fin de l'été 2019, une promesse inhabituelle pour une institution réticente à s'engager sur un calendrier.

Et "potentiellement, c'est un risque", souligne Stéphane Déo, stratégiste et codirecteur de la gestion de LBPAM. "La BCE est engagée sur tous les instruments importants de sa politique monétaire pour plus d'un an. Cela limite considérablement ses marges de manoeuvre si les conditions de marché changent."

Plusieurs observateurs notent entre autres que la BCE limite ainsi les moyens de réagir à une nouvelle crise au sein de la zone euro en cas de dérapage budgétaire sévère en Italie. Un risque que Mario Draghi a minimisé devant la presse en évoquant un "épisode localisé" à propos des tensions récentes sur les rendements italiens.

Dans l'immédiat, la principale conséquence des décisions du Conseil des gouverneurs a été la baisse de l'euro: la promesse de statu quo sur les taux pour plus d'un an lui a fait perdre 1,9% sur la seule journée de jeudi, du jamais vu depuis deux ans.

Malgré une amorce de rebond vendredi, il s'acheminait vers un repli de plus de 1,25% sur l'ensemble de la semaine. De quoi assurer un soutien bienvenu aux actions de la zone euro: après trois semaines dans le rouge, l'indice large européen Stoxx 600 affiche un rebond hebdomadaire de 1,04% et revient à l'équilibre depuis le début de l'année.

LA CROISSANCE BRITANNIQUE DÉTERMINANTE POUR LA BOE

Après la Fed et la BCE, la Banque nationale suisse (BNS), la banque centrale de Norvège et la Banque d'Angleterre (BoE) se réunissent à leur tour la semaine prochaine.

La Norges Bank pourrait ouvrir la voie à une hausse de taux dès le mois de septembre, donc plus tôt que prévu jusqu'à présent, après des indicateurs économiques meilleurs qu'attendu, mais c'est le communiqué de la Banque d'Angleterre qui sera décortiqué le plus soigneusement.

Les économistes restent en effet partagés sur l'opportunité d'une hausse de taux au Royaume-Uni, où l'activité montre des signes de faiblesse et où l'inflation est tombée à son plus bas niveau depuis un an.

Pour Brian Hilliard, économiste de Société générale, le statu quo jeudi est assuré mais pour la suite, le comité de politique monétaire (MPC) de la BoE devrait se déterminer principalement en fonction de l'évolution de la croissance au deuxième trimestre.

"Le MPC devrait souligner les risques à la baisse sur sa prévision actuelle de 0,4% et pourrait même profiter de l'occasion pour l'abaisser. S'il le fait, le marché devrait exclure presque totalement la possibilité d'une hausse de taux en août."

L'OPEP FERA-T-ELLE RETOMBER LE PRIX DU BARIL ?

L'une des clés de l'évolution des politiques monétaires au cours des prochains mois se trouve peut-être entre les mains de l'Opep, qui tiendra vendredi à Vienne une réunion cruciale.

L'"Opep+", le groupe informel rassemblant les pays du cartel et plusieurs autres gros producteurs de brut, dont la Russie, pourrait en effet augmenter ses pompages pour faire retomber les cours, après l'envolée de près de 70% en un an du Brent.

Un espoir nourri entre autres par Donald Trump, qui s'en est pris directement à l'Opep mercredi en dénonçant l'inflation des prix à la pompe aux Etats-Unis.

Le président américain reste par ailleurs à l'offensive sur le front commercial, après avoir perturbé le sommet du G7 au Canada: il a annoncé vendredi son intention de taxer à 25% quelque 50 milliards de dollars (43 milliards d'euros) d'importations en provenance de Chine. Pékin n'est pas en reste, qui a déjà promis une riposte rapide.

Donald Trump risque fort de poursuivre son discours protectionniste au moins jusqu'aux élections de mi-mandat début novembre. Au risque de peser sur le moral des chefs d'entreprise et celui des investisseurs, comme l'a montré cette semaine la chute de l'indice ZEW en Allemagne.

Les indices PMI "flash" pour le mois de juin, attendus vendredi prochain, devraient préciser l'impact de ces facteurs sur l'activité et les carnets de commandes des entreprises.

A plus long terme, le président américain pourrait être forcé de modérer sa politique protectionniste sous la pression des grandes multinationales, estime toutefois François-Xavier Chauchat, coresponsable des études de Dorval Asset Management.

"'Corporate America' va venir taper sur l'épaule de Donald Trump", prédit-il.

Pour l'économiste, "c'est le Trump géopolitique qui a fait le plus de mal à l'économie mondiale" en remettant en cause l'accord sur le nucléaire iranien, favorisant ainsi la hausse du pétrole.

"Ce sera l'un des grands points d'interrogation du deuxième semestre, souligne-t-il: soit on assiste à une stabilisation du pétrole, soit à une poursuite de la hausse, à cause de Donald Trump, même sans le vouloir."

Plus bénin sans doute, un autre risque sera néanmoins à prendre en compte au cours des quatre prochaines semaines à venir: celui de "l'effet Coupe du monde" de football.

Comme le rappelle Freddy Desquenne, gérant de portefeuille senior chez Candriam, "depuis 1950, le marché américain perd en moyenne 2,6% pendant les périodes de Coupe du monde (entre mi-juin et mi-juillet approximativement tous les quatre ans), contre un gain de 1,1% sur la même période pour les années sans Coupe du monde".

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(Edité par Blandine Hénault)