Un peu plus d'un an après, le germano-canadien Chris Viehbacher - premier non-français à diriger Sanofi - a tenu sa promesse et même au-delà : c'est au contraire la culture d'innovation et d'ouverture de Genzyme qui a "contaminé" le géant pharmaceutique français.

Preuve de la prédominance de Genzyme, le nouveau responsable scientifique du groupe, le Docteur Gary J. Nabel, est basé à Cambridge, Massachusetts, au siège de la biotech.

Même le siège parisien de Sanofi a pris des allures de biotech avec ses larges plateaux ouverts et ses nombreuses salles de réunion censées encourager l'échange d'idées entre les collaborateurs du groupe.

"C'est une stratégie adoptée par Sanofi dans le monde entier", observe un analyste qui a requis l'anonymat. "C'est une approche assez différente, il faudra un peu de temps pour l'appliquer en France. Mais partout ailleurs, ça fonctionne déjà."

L'hybridation en cours entre Sanofi et Genzyme montre à quel point les groupes pharmaceutiques s'inspirent des méthodes plus agressives et plus risquées des biotechs, non seulement pour produire de nouvelles molécules mais également pour transformer en profondeur leurs méthodes et leur organisation.

Les géants de la pharmacie disposent de moyens financiers considérables pour financer la R&D mais leur organisation souvent centralisée et bureaucratique constitue un frein puissant à l'innovation, élément indispensable pour résister à la concurrence des médicaments génériques moins coûteux.

L'acquisition de Genzyme par Sanofi est intervenue après l'achat par Roche, de la biotech californienne Genentech, à l'origine des nouveaux médicaments du groupe suisse.

EFFETS COLLATÉRAUX

Le résultat de la recherche menée dans le passé par Sanofi a été pour le moins décevant. Le groupe a mis sur le marché moins de nouveaux médicaments que ses concurrents en dépit d'investissements en R&D souvent supérieurs, selon le Boston Consulting Group.

L'histoire de Sanofi, fruit de multiples acquisitions qui l'ont propulsé parmi les cinq premiers groupes mondiaux, peut expliquer partiellement cette contre-performance. Elle s'est traduite notamment par une multiplication de centres de recherche qui se reposaient sur le siège pour prendre des décisions plutôt que de partager les informations entre eux.

"La stratégie et les décisions étaient centralisées à Paris", rappelle Matt Gurin, qui dirige la division sciences de la vie du cabinet Hay Group, consulté par Aventis lors du rachat du groupe franco-allemand par Sanofi en 2004.

"Tous les médicaments vedette (blockbusters) de Sanofi sont le fruit d'acquisitions, pas d'innovations", ajoute-t-il.

Le groupe compte désormais sur les découvertes de Genzyme dans les maladies rares et notamment sur le Lemtrada, son traitement contre la sclérose en plaques, pour renouveler sa gamme, alors que plusieurs de ses médicaments phare sont désormais concurrencés par des génériques.

Afin d'accélérer la découverte de nouveaux traitements, Sanofi a renforcé sa coopération avec le monde universitaire, a fusionné des centres de recherche et a multiplié les efforts pour repérer les travaux prometteurs réalisées en dehors du groupe.

Sanofi a également réduit ses coûts et a mis l'accent sur l'augmentation de la productivité de ses laboratoires de recherche aux Etats-Unis et en Europe.

Chris Viehbacher a créé un choc cette année en décidant de réduire les coûts en France où, selon lui, les chercheurs n'ont découvert aucun nouveau médicament important en 20 ans.

Ce projet a généré une levée de boucliers de la part des syndicats et du gouvernement français, qui a exigé du PDG qu'il revoit à la baisse son plan de suppressions d'emplois, ce qu'il a fait.

La nouvelle stratégie de Sanofi semble en tout cas porter ses fruits sur le plan boursier.

Le titre, qui a progressé de plus de 18% depuis le début de l'année, a ravi à Total la première place du CAC 40 avec une capitalisation boursière de 88,7 milliards contre 88,5 milliards pour le géant pétrolier, jeudi dernier à la clôture de la Bourse.

Avec la contribution de Noëlle Mennella, Jean-Michel Bélot pour la version française, édité par Matthieu Protard

par Elena Berton

Valeurs citées dans l'article : SANOFI, TOTAL