* Une tour ultra-moderne de 160 m, 88 salles d'audience

* Un exemple de partenariat public-privé

* Cour de cassation et Cour d'appel resteront île de la Cité

par Emmanuel Jarry

PARIS, 15 avril (Reuters) - Une page d'histoire se tournera lundi à 8h30 quand des justiciables franchiront pour la première fois les portes du nouveau tribunal de Paris, entre boulevard des Maréchaux et périphérique, pour une première audience civile.

Conçu par l'architecte de renommée internationale Renzo Piano, il domine de sa tour de 160 m et de 38 étages, en béton, verre et métal, tout un secteur encore en chantier, en bordure du quartier des Batignolles et d'anciennes fortifications, dans le nord de la capitale.

Avec son atrium ruisselant de lumière, ses 40 ascenseurs, ses jardins suspendus, ses 40 guichets d'accueil, ses 88 salles d'audience modulaires habillées de bois clair, sonorisées, dotées de matériel vidéo dernier cri et de tablettes de commande tactiles, son restaurant de 800 places pour le personnel, "c'est le plus grand palais de justice d'Europe, l'un des plus modernes et des plus beaux", ne craint pas de dire le secrétaire général du tribunal de grande instance (TGI) de Paris.

Jean-Baptiste Acchiardi y a pris ses quartiers ces derniers jours pour superviser le déménagement du TGI et veiller aux dernières mises au point techniques avant le grand jour.

Il avoue un peu de nostalgie mais se reprend vite : "Il n'était plus possible de rendre une justice sereine dans l'ancien palais", explique-t-il.

L'ancien Palais de justice, écrin de la Sainte-Chapelle construite au XIIIe siècle par Saint-Louis sur l'île de la Cité, au coeur de la capitale, a le prestige des sites historiques, un temps demeure des souverains français et du Parlement de Paris, ravagé par des incendies et reconstruit à plusieurs reprises, avant de devenir le siège du tribunal révolutionnaire qui envoya la reine Marie-Antoinette à la guillotine le 16 octobre 1793.

Restauré et agrandi tout au long du XIXe siècle et sous la IIIe République, il ne répondait plus aux normes d'une justice moderne, avec ses 26 salles d'audience vieillottes et incommodes, ses 24 kilomètres de couloirs et les 75 cellules insalubres de sa "souricière" pour les détenus en attente de comparution.

PARTENARIAT PUBLIC-PRIVÉ

Il a fallu déménager 42 km linéaires de documents, soit l'équivalent de 1.500 camions ou prés de 100.000 cartons, dont une partie était encore chargée vendredi alors que les derniers jugements en correctionnelle étaient rendus dans l'ancien Palais de justice, ainsi que 2.500 postes informatiques.

Le nouveau tribunal, conçu pour consommer moitié moins d'énergie que les tours de bureaux les plus récentes du quartier d'affaires de la Défense, accueillera une centaine d'audiences par jour, sensiblement le même nombre que l'actuel palais, mais dans des conditions incomparablement plus confortables, à la fois pour les justiciables, les magistrats et les avocats.

Alors que la Cour de cassation et la Cour d'appel de Paris resteront pour leur part sur le site de l'île de la Cité, le nouveau tribunal regroupera sur 120.000 m2, au lieu de 86.000 m2 dans l'ancien palais, les services du TGI, jusqu'ici dispersés sur une dizaine de sites, le parquet national financier et les 20 tribunaux d'instance d'arrondissement, qui seront fusionnés en un seul TI pour l'ensemble de la capitale.

Les premières audiences pénales sont prévues le 23 avril et le nouveau tribunal doit être pleinement opérationnel le 21 mai.

Le tribunal de Paris, construit par le groupe Bouygues , est un exemple de partenariat public-privé auquel l'Etat, à court d'argent, recourt de plus en plus.

Attenant au nouveau siège de la police judiciaire parisienne , il sera loué à Bouygues 50 millions d'euros par an, auxquels s'ajouteront 35 millions d'euros annuels pour son entretien, soit un total de 2,4 milliards d'euros sur 27 ans, au terme desquels il deviendra la propriété de l'Etat.

"L'Etat n'est pas bien outillé pour maintenir ses bâtiments. Ce partenariat nous assure que la souplesse du privé fera fonctionner le bâtiment, pourra le réparer suffisamment vite", soutient Jean-Baptiste Acchiardi. (édité par Julie Carriat)