Saint-Nazaire (awp/afp) - Les chantiers navals de Saint-Nazaire s'apprêtent à nouveau à changer de mains: l'italien Fincantieri a été retenu mardi par la justice sud-coréenne pour la reprise de STX France, officiellement mis en vente, tout comme son actionnaire majoritaire, en octobre.

Seul candidat à avoir déposé une offre pour reprendre la filiale florissante du groupe sud-coréen STX Offshore and Shipbuliding qui accumule les difficultés financières, le constructeur naval italien, basé à Trieste et comptant près de 19.000 employés, a été retenu par le tribunal de commerce du district central de Séoul, chargé d'examiner la procédure de redressement judiciaire de la maison-mère de STX France.

Fincantieri a confirmé avoir "été sélectionné comme repreneur exclusif dans le cadre de la vente de la participation de 66,66% dans la société STX France SA", dans un bref communiqué sans autre commentaire.

Revendu à STX en 2008 par le Norvégien Aker Yards qui l'avait racheté en 2006 à Alstom, le dernier fleuron naval français, avec ses quelque 2.600 salariés, a un carnet de commandes rempli jusqu'à 2026: 14 paquebots de croisière à construire, mais aussi des sous-stations électriques dans le domaine des énergies marines renouvelables.

La désignation de Fincantieri met fin à une longue période d'incertitudes sur l'identité du repreneur de STX France, dont l'actionnaire majoritaire se débat depuis des années avec des pertes croissantes provoquées par une gestion défaillante et une demande mondiale en berne.

Mais avant qu'un accord soit signé pour acquérir 66,6% de STX France, Fincantieri doit encore se mettre d'accord sur un prix d'achat avec le groupe sud-coréen et entrer en discussions avec l'Etat français, qui en détient le tiers restant, et dispose d'une minorité de blocage.

- Incertitudes et inquiétudes syndicales -

"On est désormais fixés", souligne Christophe Morel, délégué CFDT chez STX France. "Mais il y a encore quelques étapes à franchir" et des interrogations sur une possible entrée au capital de l'industriel français DCNS ou d'armateurs.

Les craintes des syndicats sont loin d'être levées, tant sur le plan industriel et stratégique que sur la question de l'emploi.

"On ne sait toujours pas comment Fincantieri va nous faire fonctionner, quelle stratégie ils vont développer pour les chantiers", déplore François Janvier (CFE-CGC), pour qui l'arrivée du constructeur italien "n'est pas la meilleure nouvelle possible".

Pour Nathalie Durand-Prinborgne, déléguée FO, "c'est une grosse déception". Le syndicat, qui réclame de longue date la nationalisation du chantier naval, estime qu'il est "encore temps pour l'Etat d'intervenir", en mettant en place le décret Montebourg de protection des entreprises stratégiques.

- Crainte d'un transfert technologique vers la Chine -

Les syndicats s'inquiètent qu'à moyen terme des synergies soient mises en place pour "supprimer des postes en doublons" entre Fincantieri et STX, qui réalisent tous deux des paquebots de croisière, mais aussi des navires militaires.

Autre crainte des syndicats, un transfert du savoir-faire français vers la Chine, Fincantieri ayant signé un accord de transfert de technologie avec un groupe chinois, et, à plus long terme, une délocalisation de la production.

Majoritaire chez STX France, la CGT entend demander au secrétaire d'Etat à l'Industrie Christophe Sirugue, attendu mercredi à Saint-Nazaire, "des garanties en termes d'emploi et un véritable plan de développement sur trois à cinq ans au regard du carnet de commandes", explique son secrétaire général, Sébastien Benoît. "Cette poule aux oeufs d'or, il faut la défendre", assure-t-il. M. Sirugue avait déclaré début novembre que le gouvernement préférerait un repreneur industriel pour racheter STX France.

Reconnaissant l'"expertise" et le "savoir-faire" du groupe italien, le président (LR) des Pays de la Loire Bruno Retailleau souhaite toutefois que dans le cadre d'un "tour de table du capital équilibré, le niveau de participation de l'Etat et de DNCS soit proche de celui de Fincantieri".

Fincantieri, qui se présente comme le principal constructeur naval occidental et compte 20 sites sur 4 continents, a construit plus de 7.000 navires en 230 années. Ses clients: des croisiéristes mais aussi de nombreuses marines étrangères, dont la US Navy.

afp/rp