(Répétition sans changement d'une dépêche transmise vendredi)

* Coup de semonce sur les marchés obligataires

* Les taux des emprunts d'Etat à 10 ans sont nettement remontés

* La hausse du pétrole suggère une accélération de l'inflation

* Les banques centrales pourraient réagir plus fortement que prévu

* Les actions trouvent un soutien dans les résultats d'entreprises

par Blandine Henault

PARIS, 15 janvier (Reuters) - Si l'année a débuté en fanfare sur les marchés d'actions, le premier coup de semonce de 2018 est venu des marchés obligataires avec une brusque remontée des taux longs, qui a ravivé les interrogations sur une reprise de l'inflation et les incertitudes sur les politiques monétaires des grandes banques centrales.

Tout est parti de la décision, inattendue, de la Banque de Japon de réduire le montant de ses rachats d'obligations d'Etats japonaises, qui a alimenté les rumeurs sur une possible diminution de son soutien monétaire cette année.

Les informations - remises en cause par la suite par Pékin - sur une possible diminution des achats chinois de bons du Trésor américain, puis la publication du compte rendu de la dernière réunion de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), qui suggère un prochain changement de discours de l'institution, ont encore accéléré le mouvement de remontée des taux des obligations d'Etat de longue échéance.

Le rendement des Treasuries à 10 ans est revenu tout près de 2,6%, au plus haut depuis mars, et celui du Bund allemand a touché un pic à 0,54%, un niveau qu'il n'avait plus atteint depuis le 1er août.

* Evolution des rendements du Bund (en orange) et du 10 ans américain (violet) sur un an:

Ce brusque accès de volatilité a rappelé aux investisseurs qu'un mouvement de correction sur les emprunts d'Etat était possible, voire probable en 2018, réveillant pour certains le spectre d'un krach obligataire.

REMONTÉE DES ANTICIPATIONS D'INFLATION

Au cours des cinq dernières années, trois phases de hausse des taux longs d'au moins 50 points de base en quelques semaines se sont produites, aux deuxièmes trimestres 2013 et 2015 puis au quatrième trimestre 2016, a rappelé Philippe Uzan, directeur des gestions chez Edmond de Rothschild AM (Edram) lors d'une conférence de presse mercredi.

"La probabilité d'un nouvel événement de cette nature est selon nous significative", a-t-il ajouté.

La nervosité est d'autant plus de mise que la récente hausse des cours du pétrole, au plus haut depuis décembre 2014, fait craindre une accélération de l'inflation qui obligerait les banques centrales à resserrer plus rapidement que prévu leur politique monétaire.

Les anticipations d'inflation sont ainsi nettement remontées: dans la zone euro, les swaps d'inflation à cinq ans dans cinq ans, une mesure des anticipations de hausse de prix à long terme très suivie par la BCE, ont renoué avec leurs niveaux de février dernier.

* Evolution du rendement du Bund (en orange) et des swaps d'inflation (violet) sur un an

Dans ce contexte, les investisseurs devraient se montrer extrêmement attentifs à l'évolution des prix au cours des prochains mois.

"Le mouvement des derniers jours sur le marché obligataire se poursuivra seulement s'il est confirmé par les chiffres de l'inflation", souligne Erick Muller, directeur de la stratégie d'investissement chez Muzinich.

Aux Etats-Unis, l'inflation sous-jacente des prix à la consommation a enregistré en décembre sa plus forte progression en 11 mois, ce qui a contribué à tendre les rendements des emprunts d'Etat américains.

Dans la zone euro, les données définitives sur les prix à la consommation pour le mois de décembre seront connues mercredi.

RÉACTION DES BANQUES CENTRALES

Logiquement, les interrogations sur l'inflation s'accompagnent de doutes sur la réaction des banques centrales, dont plusieurs sont déjà appelées en 2018 à entamer une nouvelle phase de normalisation de leur politique monétaire.

Dans ses "minutes" parues jeudi, la BCE suggère d'ores et déjà qu'elle pourrait faire évoluer sa communication dès le début de cette année et ajuster progressivement son discours pour refléter une amélioration des perspectives économiques.

"La 'forward guidance' (le pilotage des anticipations, ndlr) sur une fin du programme de rachats d'actifs (QE) suivie longtemps après par une hausse des taux, ne va pas tenir face à l'amélioration du contexte économique", estime ainsi Erick Muller.

"La BCE va devoir changer les anticipations de marché, qui n'attendent pas de première hausse des taux avant 2019, sur un horizon à, peut-être, fin 2018", indique-t-il.

Le gérant n'anticipe pas de changement dans le discours de la banque centrale lors de la prochaine réunion du 25 janvier, mais lors de la suivante, prévue le 4 mars.

La Banque du Canada doit pour sa part rendre sa décision de politique monétaire mercredi, avant celle de la Banque du Japon le 23 janvier et celle de la Réserve fédérale le 31 janvier.

LES RÉSULTATS D'ENTREPRISES EN SOUTIEN

"Un accès de volatilité et d'inquiétude sur les marchés obligataires affecterait sans doute les spreads de crédit et les actions", redoute Philippe Uzan, chez Edmond de Rothschild.

Toutefois, les actifs risqués disposent de nombreux atouts qui pourraient pousser les investisseurs à considérer les phases de correction comme une opportunité d'achats.

Wall Street est d'ailleurs restée peu sensible à la remontée des taux longs américains, affichant encore des records en clôture vendredi tandis que les Bourses européennes ont surtout été pénalisées par la forte remontée de l'euro, revenu au-dessus de 1,22 dollar pour la première fois depuis décembre 2014.

* Evolution de l'euro/dollar (en orange) et du Stoxx 600 (violet) sur un an

La bonne tenue des résultats d'entreprises constitue, en particulier, un facteur de soutien fondamental pour le marché des actions et du crédit.

En 2017, la croissance globale des résultats des entreprises s'est élevée à 6%, soit la quatrième plus forte performance annuelle depuis le début du siècle, notent les gérants de Comgest.

La saison de publication des résultats du quatrième trimestre, qui doit s'accélérer aux Etats-Unis dans les prochains jours, devrait confirmer la conjoncture favorable aux entreprises.

Selon des données Thomson Reuters, les bénéfices des entreprises cotées au S&P-500 sont attendus en hausse de 11,8% sur la période.

Les investisseurs suivront notamment avec attention les annonces de grandes banques américaines avec Citigroup (mardi), Bank of America et Goldman Sachs (mercredi) et Morgan Stanley (jeudi).

VOIR AUSSI :

3 QUESTIONS À - Une correction en vue sur les taux mais pas de krach obligataire - Invesco

GESTION 2018 - La remontée des taux longs, principal risque pour les marchés - Edram

(édité par Marc Angrand)