PARIS (awp/afp) - L'Agence américaine du médicament (FDA) a autorisé vendedi un traitement contre une maladie génétique rare marquant l'arrivée sur le marché d'une nouvelle classe de traitements: la thérapie par ARN interférent (ARNi), un mécanisme naturel réduisant au silence un gène défectueux.

Le Patisiran a été développé par la biotech américaine Alnylam, associée au groupe pharmaceutique français Sanofi, qui percevra des redevances sur les ventes de ce produit, indiqué pour traiter l'amylose héréditaire à transthyrétine (ATTRh), une maladie grave affectant en particulier le système nerveux et le coeur.

Le coût du traitement est de 450.000 dollars par patient par an.

"Entre l'ADN et les protéines, il y a l'ARN messager", une molécule intermédiaire par laquelle transitent les ordres des gènes aux cellules pour fabriquer des protéines, rappelle à l'AFP Antoine Barouky, directeur général d'Alnylam France.

Quand la fabrication des protéines s'emballe, les ARN messagers sont normalement neutralisés par "un petit policier", l'ARN interférent, qui réduit au silence les gènes nocifs ou déréglés. D'où son surnom d'"arme du silence", ajoute M. Barouky.

Mais dans le cas de maladies génétiques notamment, ce mécanisme naturel de régulation des gènes est débordé et devient inefficace: d'où l'idée de le renforcer.

Le mécanisme de l'ARNi a été découvert à la fin des années 1990 par deux chercheurs américains, Andrew Fire et Craig Mello, récompensés en 2006 du Nobel de médecine.

Alnylam est un pionnier du développement clinique de thérapies par ARNi pour des pathologies impliquant le foie, comme l'ATTRh, une maladie invalidante et souvent mortelle qui affecterait 50.000 personnes dans le monde, selon la société.

"On a mis seize ans pour y arriver. Il fallait trouver un moyen d'amener ce brin d'ARN interférent à l'endroit précis où l'ARN messager exprime les protéines", explique M. Barouky.

Dans le cas du Patisiran, ce véhicule de l'ARNi a pris la forme de nano-particules lipidiques, impliquant une injection intraveineuse toutes les trois semaines et à vie.

Mais pour ses autres traitements encore en développement, Alnylam a trouvé un autre véhicule: un sucre présent à l'état naturel dans le foie et plus commode à administrer, par injections sous-cutanées et à des intervalles de temps plus longs.

La société dispose notamment d'une autre thérapie ARNi en développement avancé, le Fitusiran, ciblant l'hémophilie et d'autres troubles hémorragiques rares, dont Sanofi a acquis les droits commerciaux début 2018.

Alnylam et d'autres biotechs dans le monde creusent la piste de "l'arme du silence" pour de nombreuses autres indications: cancers, hépatite B, maladies cardiovasculaires, ophtalmologiques, rénales ou encore neurodégénératives, comme Alzheimer.

Alnylam a aussi obtenu fin juillet un avis favorable d'un comité d'experts de l'Agence européenne du médicament (EMA) pour une prochaine commercialisation du Patisiran dans l'UE.

D'autres thérapies par ARN existent déjà

Des stratégies thérapeutiques voisines existent déjà, mais sans recourir aux ARN interférents: les thérapies dites "antisens", bloquant l'activité nocive d'une séquence d'ARN messager en lui superposant une séquence d'ARN de synthèse correctrice.

"Comme les thérapies par ARN interférents, les thérapies antisens interrompent une cascade biologique. Elles ont la même finalité, mais leurs mécanismes d'actions sont différents", résume à l'AFP François Denis, directeur médical France d'Akcea, filiale de la biotech américaine Ionis Pharmaceuticals, pionnière des thérapies antisens.

Akcea et Ionis viennent d'obtenir une première autorisation européenne de mise sur le marché de Tegsedi, une thérapie antisens ciblant la même maladie que le Patisiran d'Alnylam, l'ATTRh.

"Il reviendra aux experts de définir un ordre d'utilisation de ces traitements, et d'identifier les facteurs prédictifs de réponse à un médicament plutôt qu'à un autre" en fonction des patients, selon M. Denis, interrogé par l'AFP.

La première thérapie antisens approuvée commercialement remonte aux années 1998-99. Mais c'est avec l'arrivée du Spinraza (Nusinersen) de la biotech américaine Biogen, fin 2016, que l'intérêt pour cette classe thérapeutique a véritablement décollé.

Spinraza a nettement amélioré les fonctions motrices d'enfants atteints de certains types d'amyotrophie spinale, une maladie héréditaire d'atrophie des muscles.

Le coût de ce traitement (aux Etats-Unis, 750.000 dollars par patient la première année, deux fois moins à partir de l'année suivante) demeure en revanche un frein à son usage.

Et toutes les thérapies en développement basées sur la modification de l'ARN ne seront pas forcément couronnées de succès, rappelle la FDA sur son site, comme pour rappeler qu'il n'y a jamais de remède miracle.

etb/fka/nas