TOULOUSE, 10 septembre (Reuters) - Le tribunal de grande instance de Toulouse (Haute-Garonne) a examiné lundi les demandes d'indemnisation de 46 victimes présumées d'effets secondaires de la nouvelle formule du Levothyrox produit par Merck.

Ces patients, dont 25 avaient obtenu de la juridiction toulousaine la délivrance de l'ancienne formule du médicament en juin 2018, réclament au laboratoire des indemnités et des expertises auprès des personnes ayant été malades.

Au titre du préjudice d'anxiété des malades, qui ignoraient que la composition du Levothyrox avait été modifiée, l'avocat a demandé au tribunal 15.000 euros par personne. La même somme a été réclamée au titre du préjudice moral.

Le préjudice d'anxiété a été reconnu pour la première fois par la Cour de cassation en mai 2010, au bénéfice de salariés exposés à l'amiante. Il se définit comme un préjudice moral découlant d'une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclarer à tout moment une maladie.

"Ces malades ont été méprisés et non-informés du changement de la composition de leur médicament, qui entraînait alors pour certains un ensemble d'effets secondaires importants", a déclaré Jacques Lévy, avocat des 46 plaignants, précisant "qu'ils avaient été dans l'incertitude, croyant être atteint d'une maladie grave, de mars à septembre 2017".

Il a notamment appuyé sa plaidoirie sur le rapport remis le 3 septembre 2018 au ministère de la Santé sur l'amélioration de l'information sur les médicaments.

"Ce rapport pointe le défaut d'information des patients qui n'ont pas été informés du changement de formule et des effets indésirables", a assuré Me Lévy.

Pour Jacques-Antoine Robert, conseil du laboratoire Merck, ces demandes sont irrecevables.

"Les préjudices d'anxiété et moral appartiennent à la catégorie des préjudices psychiques et corporels, qui ne s'appliquent qu'aux actes médicaux, pas à la prise de médicaments", a-t-il plaidé devant le tribunal.

DEMANDE D'EXPERTISES

L'avocat des plaignants a réclamé la mise en place d'une expertise de la nouvelle formule du Levothyrox par un collège d’experts "pour savoir ce qui a rendu malade près d'un tiers des patients".

"Ce nouveau médicament n'est pas conforme à son usage puisqu'il entraine des troubles pour certains", a ajouté Jacques Lévy, s'interrogeant sur les possibles conséquences sur les organes.

L'avocat de Merck ne s'est pas opposé à certaines expertises sur une minorité de patients, qui pourraient prouver grâce à des documents médicaux les troubles qu'ils ont rencontrés avec la prise de la nouvelle formule du Levothyrox.

La décision du tribunal a été mise en délibéré au 5 novembre.

En France, près de trois millions de personnes prennent du Levothyrox pour corriger une hypothyroïdie liée à l'insuffisance de production d'hormones par la thyroïde ou à son absence.

Le Levothyrox a changé de formule en France en mars 2017. Durant l'été 2017, des milliers de patients ont commencé à signaler des effets secondaires parfois très gênants (fatigue, maux de tête, insomnie, vertiges, douleurs articulaires et musculaires et chute de cheveux).

Le troisième rapport de pharmacovigilance sur le Levothyrox, dévoilé en juillet par l'Agence du médicament, ne permet toujours pas d'expliquer la vague des effets indésirables attribués par certains patients à la nouvelle formule. (Julie Rimbert, édité par Jean-Baptiste Vey)