par Pascale Denis

PPR, qui avait amorcé son retrait de la distribution avec la cession du Printemps en 2006 et franchi une nouvelle étape avec la mise en Bourse partielle de sa filiale CFAO, à la fin 2009, a explicitement exprimé son souhait de vendre Conforama, la Fnac et Redcats, aux maigres marges et au faible potentiel de développement international.

La rentabilité opérationnelle courante de ces actifs s'échelonne en effet entre 3,4% et 4,3%, bien loin de celle du luxe où elle atteint 27% pour la marque Gucci, principal centre de profit du groupe, mais aussi de celle de l'équipementier sportif Puma dont PPR détient 69% et qui ressort à 13%.

Or le redressement des ventes des trois enseignes intervenu au premier trimestre pourrait, selon les experts du secteur, attiser l'intérêt des acheteurs.

"Il est clair que le redressement de la distribution devrait permettre d'accélérer le processus de cession", estime Isabelle Ardon, gérante spécialiste du luxe à la Société générale.

Pour Luca Solca, analyste de Stanford Bernstein, l'amélioration des ventes et la perspective d'un redressement des marges des filiales devrait aussi permettre de pouvoir les vendre plus cher. "Je pense, dans ce contexte, qu'une cession pourrait intervenir vers la fin de l'année 2010", dit-il.

Interrogé par les analystes mercredi soir, Jean-François Palus, directeur financier de PPR, a assuré que le groupe restait en contact avec des acheteurs potentiels mais que les difficultés d'accès au crédit restaient un obstacle.

CORRECTION EN BOURSE

Très touchées par la crise, les ventes de la chaîne d'ameublement Conforama et celles de la Fnac (distribution de produits électroniques et culturels) se sont redressées au premier trimestre 2010, avec des hausses respectives de 2,6% et 1,6%, tandis que celles de Redcats, pôle de vente à distance en France (La Redoute), mais aussi en Europe et aux Etats-Unis, ont limité leur repli à 0,5%.

Avec la cession attendue de ces enseignes et la reprise de la consommation constatée au premier trimestre dans le secteur du luxe, le titre a quasiment doublé en Bourse depuis ses plus bas de juin 2009, et signé la plus forte hausse (+23%) du secteur du luxe depuis janvier.

La valeur, qui a touché un plus haut de l'année à 110,90 euros le 26 avril, a cédé du terrain jeudi sur des prises de bénéfices consécutives à un chiffre d'affaires sans surprise.

Elle a clôturé en repli de 1,9% à 102,00 euros à la Bourse de Paris, alors que le CAC a pris 1,4% et que l'indice européen diversifié des biens de consommation a gagné 0,9%.

Soucieux de préserver sa notation financière (BBB-) PPR, dont la dette nette, bien que réduite grâce au produit de la mise en Bourse de CFAO, atteignait encore 4,4 milliards d'euros à la fin 2009, a fait savoir qu'il procèderait d'abord à la cession de ses actifs de distribution avant de passer à des acquisitions d'envergure.

ACHETEURS POTENTIELS

Avec cette contrainte, d'attrayantes - et rares - cibles du luxe peuvent échapper à PPR, comme la griffe de prêt-à-porter haut de gamme Tommy Hilfiger récemment rachetée par Phillips-Van Heusen, maison mère de Calvin Klein, pour environ trois milliards de dollars (2,2 milliards d'euros).

Au total, avec les 42% du capital de CFAO qu'il détient toujours, les analystes estiment entre 4,5 et 5,0 milliards d'euros la valorisation des enseignes de PPR.

Parmi les acheteurs potentiels de la Fnac, les noms de l'américain Best Buy, un des leaders mondiaux de la distribution de produits et services technologiques ou celui du britannique DSG International, spécialiste de la distribution de produits électroniques sont souvent évoqués.

La famille Mulliez, propriétaire de la chaîne de distribution Auchan et d'enseignes de distribution spécialisées concurrentes de la Fnac, comme Boulanger ou Cultura, est également citée, tandis que certains analystes évoquent une éventuelle introduction en Bourse.

Pour Conforama, spécialiste de l'ameublement d'entrée de gamme, outre des fonds de "private equity", le grand rival suédois Ikea, qui lui a ravi la première place en France, pourrait être intéressé, bien que des problème de concurrence puissent se poser. La chaîne pourrait aussi attiser l'intérêt du groupe Adéo, qui détient l'enseigne de bricolage et d'équipement de la maison Leroy Merlin.

De l'avis général, Redcats reste l'actif le plus difficile à vendre compte tenu des difficultés d'un secteur aujourd'hui fortement concurrencé par les "pure-players" internet.

L'allemand Otto, qui détient 50% du concurrent 3 Suisses International, pourrait cependant vouloir marier les deux groupes.

"LIFESTYLE"

Les cibles étant rares dans le luxe - Armani, Versace, Prada, Chanel ou Bulgari restent contrôlés par des capitaux familiaux - PPR entend assoir son développement international sur des marques de "lifestyle" ou de sport très typées, à fort potentiel.

La norvégienne Helly Hansen, détenue depuis 2006 par le fonds Altor ou le suisse Odlo aux mains du fonds Towerbook pourraient figurer parmi les cibles potentielles. A une autre échelle, la marque américaine Abercrombie & Fitch, coqueluche des adolescents, pourrait aussi être attrayante.

Avec la contribution d'Astrid Wendlandt, édité par Marc Joanny