Réunis pour la troisième fois en autant de semaines, les créanciers de la Grèce se sont notamment mis d'accord pour ramener la dette publique à 124% du produit intérieur brut (PIB) d'ici 2020, ce qui représente un allègement de 40 milliards d'euros.

S'il est approuvé par les parlements des pays qui exigent un vote sur de tels textes, à commencer par l'Allemagne, l'accord devrait permettre à Athènes de disposer des fonds nécessaires financement de ses dépenses publiques au moins jusqu'aux élections législatives allemandes de septembre 2013.

"Demain commence un nouveau jour pour tous les Grecs", s'est félicité le Premier ministre grec Antonis Samaras, manifestement soulagé, au terme de douze heures de négociations tendues qui se sont achevées à 3h du matin.

Le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, qui a admis que l'accord avait été "très difficile" à obtenir, a précisé que les ministres approuveraient formellement le 13 décembre le versement d'une nouvelle aide à la Grèce pour recapitaliser ses banques et payer les salaires, retraites et fournisseurs du gouvernement.

Les bailleurs de fonds se sont également engagés à prendre des mesures supplémentaires pour réduire la dette grecque "bien en-deçà" du seuil de 110% du PIB en 2022 - ce qui pourrait passer par un effacement de dette auquel l'Allemagne et les pays d'Europe du Nord se sont jusqu'à présent opposés.

DÉCOTE APRÈS 2016?

"Quand la Grèce aura atteint ou sera sur le point d'atteindre un excédent primaire et aura rempli toutes ses conditions, nous envisagerons s'il le faut de nouvelles mesures pour la réduction de l'endettement total", a simplement déclaré mardi le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble.

Il n'est pas prévu qu'Athènes affiche un excédent primaire (hors service de la dette) avant 2016, ce qui renvoie toute décision sur une éventuelle décote à après les élections en Allemagne - mais n'a pas empêché un début de polémique outre-Rhin, où les députés devraient se prononcer en fin de semaine sur le déblocage de l'aide.

Si le parti chrétien-démocrate (CDU) d'Angela Merkel, l'opposition sociale-démocrate (SPD) et les Verts ont indiqué qu'ils soutiendraient l'accord, Michael Meister, un dirigeant de la CDU, a déclaré à Reuters que le gouvernement devrait préalablement garantir aux députés que l'accord ne prévoyait pas d'effacement de dette.

"Il ne me semble pas qu'une décote fasse partie de l'accord. Mais si ce devait être le cas, le Bundestag devrait décider (...) de ne pas approuver la prochaine tranche d'aide", a-t-il prévenu.

L'euro et les marchés financiers, qui avaient initialement réagi de manière positive à l'accord, sont devenus plus prudents au fil de la journée: vers 14h45 GMT, la monnaie unique reculait face au dollar et les Bourses européennes avaient cédé une partie de leurs gains du début de séance.

Reste que l'accord lève l'une des hypothèques qui pesait sur la zone euro.

"Cela fait un moment qu'il y a une volonté politique de récompenser les mesures d'austérité et de réformes de la Grèce. Cette volonté politique se traduit finalement par un soutien financier", a souligné l'analyste d'ING Carsten Brzeski.

PREMIER VERSEMENT EN DÉCEMBRE

Pierre Moscovici, le ministre français des Finances, a pour part jugé que l'accord constituait "une étape importante dans la résolution de la crise, dans la stabilisation de la zone euro".

Athènes devrait donc recevoir au cours des prochains mois un total de 43,7 milliards d'euros (23,8 milliards pour ses banques et 10,6 milliards pour son budget dès décembre, 9,3 milliards au cours du premier trimestre 2013).

La contribution du FMI, qui représente moins d'un tiers du total, sera versée après un programme de rachat de la dette grecque qui doit avoir lieu le 12 décembre. La directrice du FMI Christine Lagarde a salué un accord qui représente une "réduction majeure de l'endettement pour la Grèce".

L'accord prévoit aussi une réduction de 100 points de base du taux d'intérêt sur les prêts bilatéraux accordés à Athènes en 2010, un allongement - de 15 à 30 ans - de la durée des prêts consentis et un moratoire de 10 ans sur le paiement des intérêts sur les prêts du FESF.

Il a également été décidé que la Banque centrale européenne (BCE) et les banques centrales nationales reverseraient les profits réalisés sur les obligations souveraines grecques qu'elles détiennent, ce qui devrait représenter un total de 11 milliards d'euros selon une source proche des discussions.

Enfin, les Dix-Sept ont accepté de financer le rachat par la Grèce de ses propres obligations détenues par les investisseurs privés à un taux, selon plusieurs sources, fixé à environ 0,35 euro par euro de dette détenu.

Catherine Monin, Jean-Stéphane Brosse et Tangi Salaün pour le service français, édité par Marc Angrand