par Pascale Denis

Les dépréciations d'actifs liées au plongeon des Bourses et au recul des plus-values obligataires érodent les fonds propres des assureurs et pèsent sur leurs ratios de solvabilité.

"Le secteur est dans une situation de stress inédite", estiment les analystes de CA Cheuvreux. "La solvabilité est fortement attaquée (...) Ils sont en moins-values latentes sur l'ensemble de leurs actifs", relèvent-ils. Des recapitalisations ne sont pas à exclure, selon eux, même chez de grands acteurs, en cas de nouvel effondrement des Bourses ou des taux longs, d'explosion des défauts sur les obligations privées ou de rachats massifs sur les produits d'épargne.

"Avec l'évolution des actifs et l'impact de la valeur de marché, 2009 sera difficile, les dividendes vont baisser, les revenus financiers et les plus-values latentes aussi", renchérit un analyste qui a souhaité garder l'anonymat.

Un gérant de fonds juge pour sa part que "les assureurs vont avoir un jour ou l'autre un problème de solvabilité si les marchés ne remontent pas" et que la défiance du marché à l'égard du secteur est justifiée.

Pour Citigroup, ils disposent d'un "certain coussin de sécurité. Mais des appels au marché restent un risque qui dépendra de l'évolution macro-économique".

Jusqu'ici, seuls les néerlandais ING et Aegon ont eu recours à des augmentations de capital.

RÈGLES COMPTABLES

Moins pessimiste, Emmanuelle Calès, analyste de la Société générale, estime que les assureurs puisent dans leurs bilans constitués les années précédentes et "tiennent bien dans la crise". "Le secteur ne subira pas les pertes abyssales des banques et devrait passer les annuels sans appel au marché notable, avec, il est vrai, l'aide d'un certain assouplissement des règles comptables", dit-elle.

Car dans une situation de crise d'une rare ampleur, les assureurs bénéficient d'une certaine latitude dans ce domaine.

Pour CA Cheuvreux, les ratios de solvabilité (proches du seuil minimum de 100% en moyenne, contre 150%-200% il y a un an) ne sont pas comparables entre eux et ne reflètent pas les vraies contraintes des assureurs. Les assureurs peuvent aussi, selon la typologie de classement de leurs actifs, comptabiliser leur dette subordonnée dans leurs fonds propres. "Certains, comme Axa, ont beaucoup tiré sur cette possibilité. Qu'en sera-t-il demain ?", s'interroge un gérant de fonds.

Aujourd'hui, les pouvoirs publics européens ne veulent pas, après les banques, voir les assureurs faire appel aux garanties publiques", soulignent les analystes de CA Cheuvreux.

Aux dires des analystes, les produits de titrisations de type ABS ne constituent pas un réel sujet d'inquiétude, les groupes les plus exposés - ING, le réassureur Swiss Re ou Aegon - étant en nombre relativement limité.

RISQUES SUR LES OBLIGATIONS PRIVÉES

En revanche, ils se disent plus préoccupés par les obligations privées qui peuvent représenter jusqu'à 30% du portefeuille, le risque de défaillance d'entreprises étant accru par la récession mondiale. "Une hausse du taux de défaut peut constituer un risque systémique pour le secteur en 2009-2010", estime un analyste qui a souhaité garder l'anonymat.

Après une chute des bénéfices opérationnels d'environ 30% attendue en moyenne en 2008, un nouveau repli de 15% est anticipé cette année. Si les cash flows restent positifs en vie comme en dommage, la vie concentre les risques les plus importants, alors que dans le dommage, la rentabilité technique devrait mieux résister à la faveur d'une hausse des tarifs.

Mais de l'avis général, les assureurs sont aujourd'hui mieux armés que lors de la dernière crise de 2002-2003, car mieux gérés. Ils ont aussi réduit leur exposition aux actions (à 7%-9% en moyenne, contre 10%-12% auparavant) et amélioré leurs techniques de gestion des risques, notamment via des opérations de couverture.

Par ailleurs, la consolidation devrait se poursuivre, avec la disparition de petits acteurs, en France comme en Europe.

"Les opportunités de croissance n'ont jamais été aussi présentes", relève Emmanuelle Calès, faisant allusion à la mise en vente des actifs d'assurance de groupes bancaires en difficulté comme Fortis ou Natixis ou de l'américain AIG, et évoquant une période "d'opportunité stratégique majeure pour les acteurs consolidants".

Pour un analyste, l'assurance devrait cette année encore surperformer la banque, plus exposée aux actifs toxiques. L'indice européen du secteur a abandonné 47% en 2008, surperformant celui de la banque qui a plongé de 65%. Depuis janvier, l'assurance perd 7,11%, la banques 6%.

Edité par Jean-Michel Bélot