PARIS (awp/afp) - Ernest-Antoine Seillière, dont le procès pour fraude fiscale débute lundi, est rattrapé à 84 ans par les ennuis judiciaires liés à la gestion de l'empire Wendel dont il a hérité, après avoir marqué de son empreinte l'histoire du patronat en ferraillant contre les 35 heures.

En démissionnant avec fracas du Conseil national du patronat français (CNPF) après la décision en 1997 du gouvernement socialiste d'abaisser la durée légale du travail à 35 heures, Jean Gandois avait estimé qu'il fallait désormais un "tueur" pour s'engager dans cette bataille: ce fut chose faite avec l'élection du baron Seillière.

Né le 20 décembre 1937 à Neuilly (Hauts-de-Seine), cet héritier de la dynastie industrielle Wendel, père de cinq enfants, entreprend tout d'abord de rénover l'organisation patronale, qui devient sous sa direction, en 1998, le Mouvement des entreprises de France (Medef).

Puis il cherche à unifier "les entrepreneurs" dans le combat contre les 35 heures, qu'il mène sans relâche. "On avait un chevalier blanc, il avait du panache et le caractère pour s'opposer à qui de droit", se souvient Sophie de Menthon, qui était à l'époque membre du comité éthique du Medef.

Avec Denis Kessler, vice-président du Medef, il choisit d'engager le patronat français dans la "Refondation sociale", vaste chantier de négociations avec les syndicats, conçu comme une réponse au "dogmatisme" législatif et réglementaire du gouvernement Jospin.

A cette époque, il se fait aussi connaître du grand public grâce aux Guignols de l'info sur Canal+, où sa marionnette s'indigne des droits et avantages des salariés.

Malgré un maigre bilan en matière d'accords signés, la principale organisation patronale se construit entre 2000 et 2002 un corpus de propositions sur les grands dossiers, qui bouscule des syndicats souvent contraints à un positionnement défensif.

Réélu en 2003, il écourte son second mandat, pour prendre la tête en 2005 de l'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe, devenue en 2007 Business Europe.

Il retourne par ailleurs à Wendel comme président du conseil de surveillance. Un autre chantier qui a marqué son existence, Seillière ayant largement oeuvré pour faire de ce groupe familial un empire.

Plaintes et enquêtes

En 1976, quand il intègre l'entreprise des maîtres de forge née en Lorraine en 1704, cette dernière est en effet exsangue après la descente aux enfers de la sidérurgie française, nationalisée par le gouvernement.

Cet énarque, passé par le Quai d'Orsay et plusieurs cabinets ministériels, qui a aussi étudié à Harvard aux Etats-Unis, s'emploie patiemment à reconstruire la maison.

Il a occupé plusieurs postes de direction dans la Compagnie générale d'industrie et de participations (CGIP), entité au sein de laquelle avaient été rassemblés tous les actifs non-sidérurgiques du groupe, et Marine-Wendel, holding dont dépendait CGIP jusqu'à la fusion des deux sociétés en 2002.

Ernest-Antoine Seillière devient le PDG du nouvel ensemble, Wendel Investissement, qui sera renommé Wendel en 2007.

Financier intraitable, il embauche Jean-Bernard Lafonta, un ancien de la banque Lazard et de BNP.

Aux manettes, ce dernier multiplie les opérations financières en ayant recours au mécanisme du LBO, qui permet de faire des acquisitions grâce au levier de l'endettement.

Mais ces méthodes de gestion font progressivement grincer des dents dans la famille Wendel. L'OPA contre Saint-Gobain est particulièrement décriée: elle vaudra à Wendel une amende de 1,5 million d'euros de l'autorité boursière.

Les plaintes et les enquêtes se multiplient. En 2012, une information judiciaire est ouverte à la suite d'une série de plaintes de l'administration fiscale concernant un montage financier baptisé Solfur, mis en oeuvre en 2004 et qui avait porté ses fruits en 2007.

A l'issue de cette opération d'intéressement, une quinzaine de dirigeants et cadres de Wendel avaient obtenu un gain total de 315 millions d'euros - 79 millions pour Seillière - pour un investissement de départ d'1,6 million. Dans cette affaire, les prévenus sont soupçonnés d'avoir manoeuvré, via un montage complexe, pour soustraire ces plus-values à l'imposition.

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