Début mars, la Banque centrale du Bangladesh avait ordonné l’éviction de Muhammad Yunus de la tête de l’établissement de microcrédit qu’il a fondé, la Grameen Bank. La raison officielle ? Une question d’âge. Yunus a 71 ans et dans le droit bancaire du pays aucun dirigeant ne peut dépasser 60 ans.

Celui que l’on appelle le banquier des pauvres a contesté une première fois, en vain, cette décision devant la justice, avant d’en appeler à la juridiction la plus haute, la Cour suprême, pour le même résultat : il ne peut plus diriger sa banque, détenue à 25% par les pouvoirs publics. Certains observateurs disent au passage redouter une nationalisation de l’établissement créé par Yunus.

Ce nouveau camouflet s’explique plus largement par les liens plus que tendus qui unissent les autorités du Bangladesh au milliardaire. Ce dernier a notamment été traité de « suceur de sang des pauvres » par le Premier ministre, qui accuse notre baron de détourner l’argent que les plus démunis mettent dans les caisses de la Grameen Bank.

Secret de polichinelle, cette inimitié date de 2007, quand Muhammad Yunus a créé son (éphémère) parti politique. Depuis, les accusations se succèdent, et il n’y a pas un mois sans que Yunus n’essuie de critiques des pouvoirs publics. Ces derniers ne se sont d’ailleurs même pas donné la peine d’expliquer la décision de la Cour suprême, un fait « sans précédent », dénonce un conseiller de l’ancien prix Nobel.

Digne dans la défaite, Muhammad Yunus a demandé aux salariés de sa banque de faire preuve dans leur travail d’un « plus grand dévouement » afin de satisfaire à la vocation de l’établissement : aider les pauvres à créer leur entreprise. Actuellement, la Grameen Bank octroie des prêts à 9 millions de personnes, dont 97% de femmes.