Le 16 décembre dernier, Kirk Kerkorian, principal actionnaire de MGM Mirage, inaugurait en grande pompe le plus vaste complexe immobilier jamais financé par des fonds privés, CityCenter. Son emplacement ? Sur le Strip, l'artère de toutes les tentations de Sin City. Trois mois après, il est temps de revenir sur cet audacieux pari.

En lançant ce projet en 2004, MGM Mirage voulait rompre avec ce qui faisait le succès de Las Vegas, ses casinos géants, ses hôtels tape-à-l'œil et ses monuments européens recyclés en carton pâte. A l'époque, l'idée de bâtir une ville dans la ville, conçue sur des principes de développement durable et respectant un design plutôt sobre, était considérée comme aventureuse, même par les plus optimistes.

Déployés sur 27 hectares de terrain, les 167 hectares de surface exploitable de CityCenter abritent quatre hôtels, deux tours d'appartement, deux centres de conférence, la salle du nouveau spectacle du Cirque du Soleil (« Viva Elvis ! »), une galerie marchande de marques de luxe et, pour faire couleur locale, un « petit » casino sans prétention. Le principe : prouver au monde qu'il était possible de faire pousser une ville 'verte' au milieu du désert.

Les gamblers ne reconnaissent plus leur ville !
Sur ce plan, le pari est réussi : CityCenter consomme un tiers d'eau et d'électricité en moins qu'un complexe immobilier classique d'envergure équivalente, grâce à la présence de sa propre centrale au gaz naturel. Sa boucle hydrique recycle en outre par deux fois les eaux usées, avant de les utiliser pour irriguer les jardins. Tout ça (et on en oublie) pour un surcoût de seulement 5% du budget total, estimé au départ à 7,4 milliards de dollars...

Capitaine Kirk, malgré son âge canonique (93 ans), a toujours le sens des affaires. Il a en effet bien compris tout l'intérêt de faire venir à Vegas une autre clientèle que celle, désormais traditionnelle, des accros aux jeux et aux divertissements en tout genre. Il aurait alors perçu « la forte valeur marketing d'un bâtiment écologique », selon Dick Rizzo, patron de Perini Building, qui a construit le complexe. « CityCenter donne aux touristes une nouvelle raison de venir à Las Vegas, au moment même où l'économie est en train de se relever », assure pour sa part Jim Murren, PDG de MGM Mirage.

Du côté de la ville, déjà satisfaite des 12 000 emplois créés par le nouveau complexe, on ne cache pas son optimisme : « D'après nos prévisions, CityCenter suscitera à lui tout seul une augmentation de 2% à 5% du nombre de visiteurs à Las Vegas cette année », prévoit le bureau local du tourisme. Sans compter que pour cette cité symbole de gaspillage, un tel projet écolo n'avait rien de déplacé.

Mais Kerkorian ne pense pas qu'aux chiffres. Le but du géant des casinos était de démontrer qu'une autre histoire de Las Vegas, le tapis vert de l'Amérique, pouvait s'écrire. Ce pari est semble-t-il d'ores et déjà gagné, même si les premiers bilans de fréquentation ne sont pas encore connus.