* L'élément déclencheur est l'importation d'huile de palme

* Des revendications beaucoup plus larges

* Un mouvement de blocage prévu pour trois jours renouvelables (Avec nouveaux sites bloqués)

PARIS, 10 juin (Reuters) - Les agriculteurs ont commencé dimanche à bloquer raffineries et dépôts de carburant en France à l'appel des syndicats FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA), pour protester contre l'importation de produits agricoles ne respectant pas les mêmes normes qu'eux.

Ce mouvement a été déclenché par l'autorisation donnée au groupe pétrolier Total d'importer de l'huile de palme pour faire tourner sa raffinerie de biocarburants de La Mède, dans les Bouches-du-Rhône.

"Mais la réalité, c'est depuis six mois la signature d'accords commerciaux scélérats qui laissent venir des produits (...) qui ne respectent pas les mêmes conditions de production que les produits français", a expliqué la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, à franceinfo.

En fin d'après-midi, une trentaine de tracteurs et environ 150 agriculteurs, selon la FNSEA, bloquaient ainsi le dépôt pétrolier de Vatry, dans la Marne, devant lequel les protestataires ont déversé de la terre et des gravats.

A 22h00, plusieurs dizaines d'agriculteurs ont également commencé à bloquer les entrées de la raffinerie de La Mède, censée reprendre ses activités cet été après 275 millions d'euros d'investissements pour la convertir aux biocarburants.

A 23h30, neuf sites étaient bloqués ou en passe de l'être, dont les raffineries Total de Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime), Grandpuits (Seine-et-Marne) et Feyzin, près de Lyon, selon un porte-parole de la FNSEA contacté par Reuters, ainsi que les dépôts de Strasbourg et Toulouse.

Quatre autres sites devaient suivre dans la nuit, notamment à Dunkerque et en Ile-de-France, et la raffinerie de Donges, en Loire-Atlantique, lundi matin.

Au total, ce sont 14 sites que la FNSEA et JA envisagent ainsi, à ce stade, de bloquer avec des dizaines de tracteurs et des centaines d'agriculteurs qui se relaieront, explique-t-on à la FNSEA, où l'on précise que le mouvement est programmé pour le moment pour "trois jours renouvelables".

A Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques, des agriculteurs ont par ailleurs déversé dimanche en fin d'après-midi deux remorques de pneus et de branchages devant l'entrée du centre scientifique et technique Jean-Féger (CSTJF), laboratoire de Total.

Christiane Lambert a cité parmi les produits importés visés par les protestataires la viande, le sucre et l'éthanol.

"NOUS VOULONS TAPER FORT"

"La discussion sur le Mercosur, les pays d'Amérique du Sud, est en cours et nous ne voulons pas que de nouveaux accords soient signés", a ajouté la présidente de la FNSEA. "Et puis, pour La Mède, c'est 30.000 emplois qui sont en jeu, je pense que ça vaut le coup de se mobiliser."

Elle a rappelé que la France avait développé depuis des années une filière colza pour contribuer à la fois aux carburants verts et à l'alimentation des animaux.

"En faisant venir de l'huile de palme, on porte un coup très dur à la filière colza", a-t-elle fait valoir. "C'est une incohérence que le gouvernement doit résoudre."

"Notre cible, c'est l'Etat", a encore expliqué Christiane Lambert. "Nous avons alerté à plusieurs reprises. Nous avons rencontré des préfets, des parlementaires. Malgré tout, le rouleau compresseur continue sans vraiment d'écoute."

"Nous voulons taper fort (...) pour dire : 'Stop, vous êtes en train de mettre à mal (...) l'agriculture française."

La logique de ce mouvement n'est pas de bloquer le pays mais d'obtenir de l'Etat des discussions sur quatre revendications, souligne-t-on à la FNSEA.

FNSEA et JA demandent l'interdiction d'importer tout produit ne correspondant pas aux standards français, un moratoire pour les charges et normes nouvelles, un allègement du coût du travail, notamment saisonnier, et un ciblage du volet agricole du "Grand plan d'investissement" lancé par le gouvernement pour 2018-2022 sur la mise en oeuvre des décisions des Etats généraux de l'alimentation dans les exploitations.

"Si on a gain de cause, chacun retournera à ses occupations", a déclaré à Reuters une source proche de la direction de la FNSEA, tout en avertissant du "risque que la mobilisation s'installe parce que les gens se radicalisent".

Selon une source au ministère de l'Agriculture, un premier contact avec des représentants de la FNSEA et de JA est prévu lundi au niveau technique pour examiner les revendications des agriculteurs avant une réunion entre le ministre, Stéphane Travert, et Christiane Lambert, dont la date n'est pas fixée. (Emmanuel Jarry, avec Gus Trompiz, Sybille de La Hamaide, Claude Canellas à Bordeaux et Marc Leras à Marseille)