par Emmanuel Jarry

L'Elysée ne s'en cache pas : la visite du président français dans l'ex-capitale impériale est une visite "essentiellement économique". Elle sera d'ailleurs marquée par la signature de 20 à 25 accords et contrats.

La France est cette année l'invitée d'honneur de ce forum, qui se veut la vitrine de la nouvelle Russie.

Nicolas Sarkozy, qui s'exprimera devant le forum et aura un entretien et un dîner avec son homologue russe Dmitri Medvedev, compte bien pousser les feux d'une coopération en plein essor mais toujours à la traîne d'une Allemagne traditionnellement très active dans ce pays.

"L'objectif est d'aider la transformation de la Russie et son arrimage à l'Europe", explique l'Elysée, où l'on fait aussi état d'une volonté commune de diversifier cette coopération, y compris dans des domaines comme l'énergie verte et la finance.

Mais pour Thomas Gomart, spécialiste de la Russie à l'Institut français de relations internationales (Ifri), l'intensification des échanges entre Berlin et Moscou nourrit aussi une double préoccupation chez les dirigeants français.

"Paris est préoccupé par le glissement oriental de l'Allemagne et le questionnement de Berlin sur le projet européen que cela suppose", a-t-il dit à Reuters. "Il y a aussi en France la crainte de se laisser distancer par l'Allemagne."

Une double préoccupation d'autant plus sensible que l'Allemagne ne se contente plus d'être le premier partenaire économique de Moscou mais fait également le forcing pour en devenir un partenaire politique et diplomatique privilégié en Europe occidentale - une place occupée jusqu'ici par la France.

INVESTISSEMENT PHARAONIQUE

Le 5 juin dernier, la chancelière allemande Angela Merkel et le président Dmitri Medvedev ont ainsi annoncé à la surprise de leurs autres partenaires européens la création d'un "Comité politique et de sécurité UE-Russie".

Les dirigeants français ne dissimulent pas leur souci de ne pas laisser Berlin distancer Paris en Russie.

"La chancelière allemande investit, comme ses prédécesseurs, dans la relation germano-russe de façon intense", explique l'Elysée. "Il est donc important que la France conforte sa place parmi les quelques pays que la Russie considère comme des partenaires privilégiés."

L'"année croisée" France-Russie a été l'occasion d'une visite d'Etat de Dmitri Medvedev en France début mars et d'une visite du Premier ministre Vladimir Poutine le 11 juin.

Nicolas Sarkozy a en revanche annulé sa participation aux célébrations du 65e anniversaire de la défaite de l'Allemagne nazie en 1945, le 9 mai à Moscou, pour cause de crise de l'euro - mais Angela Merkel, elle, y était.

Cette fois, le président français se déplace avec une importante délégation - sept ministres, dont Christine Lagarde (Economie), Christian Estrosi (Industrie), Anne-Marie Idrac (Commerce extérieur) et Dominique Bussereau (Transports) - et les principaux patrons du CAC 40.

L'Elysée reste très mystérieux sur un investissement d'environ deux milliards d'euros par un groupe privé russe en France, qui serait annoncé samedi.

Il pourrait s'agir des tours jumelles Hermitage Plaza de 323 m de haut, un projet pharaonique dans le quartier d'affaires de La Défense, près de Paris, annoncé en mars 2009 à Cannes par le P-DG du promoteur russe Hermitage, Emin Iskenderov.

EDF, GDF-SUEZ, ALSTOM ...

Vladimir Poutine a dit le 11 juin que Dmitri Medvedev ou lui-même assisterait à la pose de la première pierre, annoncée pour août 2011.

Ce projet s'inscrit dans le cadre du renouveau de La Défense lancé en 2006 par Nicolas Sarkozy, alors président du Conseil général des Hauts-de-Seine, mais qui peine à se concrétiser.

A ce jour, le permis de construire des tours Hermitage Plaza, annoncé pour avril dernier, n'a toujours pas été déposé, selon une porte-parole des Etablissements publics d'aménagement de La Défense (Epad) et de Seine Arche (Epasa).

GDF-Suez signera pour sa part, à l'occasion de la visite de Nicolas Sarkozy à Saint-Pétersbourg, le contrat final lui permettant d'entrer dans le projet de gazoduc North Stream avec le Russe Gazprom et deux partenaires allemands.

EDF signera un protocole d'accord en vue de sa prise de participation dans le projet de gazoduc South Stream.

Alstom signera deux contrats pour la fourniture, avec le russe Transmashholding (TMH), de 200 locomotives aux chemins de fer russes et de 200 autres aux chemins de fer du Kazakhstan, pour un montant total de plus d'un milliard d'euros.

"Une annonce très importante devrait être faite par un très grand groupe français" de l'agroalimentaire, dit-on à l'Elysée.

Enfin, le conglomérat russe AFK Sistema pourrait reprendre le constructeur de composants électroniques Altis Semiconductor, à Corbeil- Essonne, dans la région parisienne.

Avec Juliette Rouillon, édité par Sophie Louet