NEW YORK (awp/afp) - La faillite de Silicon Valley Bank (SVB), une banque considérée comme solide emportée en à peine deux jours, a fait clignoter quelques signaux d'alarme pour le secteur bancaire mais les risques d'une contagion généralisée restent encore limités, selon plusieurs analystes.

Les problèmes rencontrés par la banque "sont très spécifiques" et ne sont pas de nature "à affecter l'ensemble du secteur bancaire, encore moins les grandes banques", avance Ken Leon, analyste pour le cabinet CFRA. Les obligations accrues imposées par les régulateurs après la crise financière de 2008 ont joué leur rôle, avance-t-il.

Même son de cloche chez les analystes de Morgan Stanley qui, dans une note, insistent: "nous voulons être très clair... Nous ne pensons pas que le secteur bancaire soit confronté à une pénurie de liquidités".

La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, a estimé vendredi que le secteur bancaire restait "résilient". Une des conseillères économiques de la Maison Blanche, Cecilia Rouse, a pour sa part souligné que le secteur était "fondamentalement différent de ce qu'il était il y a dix ans".

Après la faillite de Lehman Brothers et la crise financière de 2008-2009, les régulateurs ont en effet imposé aux banques des obligations accrues, notamment en termes de capital à leur disposition pour éponger les éventuelles pertes. Les autorités européennes et américaines organisent également régulièrement des tests de résistances pour les plus grosses banques.

Difficultés à prédire

Pour Eric Compton de Morningstar, les déboires de SVB rappellent cependant "qu'il peut être très difficile de prévoir" comment les risques liés aux niveaux de liquidités peuvent évoluer au cours d'un trimestre et "quand ils peuvent se matérialiser".

Fermée vendredi par les autorités américaines, SVB a souffert de sa concentration sur un type de clients, selon Morgan Stanley.

La banque finançait "principalement des entreprises dans les domaines de la technologie, des biotechnologies de la santé et (faisait) partie intégrante de l'écosystème du capital-risque", expliquent les analystes.

Or entre la hausse des taux d'intérêt, qui a grandement renchéri le prix de tout emprunt, et les difficultés du secteur tech lui-même, ces clients ont beaucoup retiré d'argent ces derniers mois.

SVB devait donc lever des liquidités en urgence. Elle a annoncé mercredi soir vouloir lever du capital, sans y parvenir, et vendre pour 21 milliards de dollars de titres financiers, mais en perdant 1,8 milliard de dollars au passage.

Comme la plupart de ses clients ont plus de 250.000 dollars sur leurs comptes, le montant maximum que les autorités américaines remboursent habituellement en cas de faillite, nombre d'entre eux ont cherché à retirer leur argent, précipitant la faillite de la banque.

Alors que les grandes banques américaines, après un vent de panique jeudi à Wall Street, se sont plutôt ressaisies vendredi, des banques considérées comme plus localisées ou spécialisées ont continué à souffrir.

Ainsi First Republic Bank, qui s'adresse plutôt aux clients fortunés, a perdu 15% tandis que Signature Bank, fortement exposée au secteur des cryptomonnaies, a chuté de 23%.

620 milliards de pertes potentielles

La perte engendrée par la vente des titres financiers de SBV a aussi remis en lumière le risque que la montée des taux d'intérêt opérée depuis un an par la banque centrale américaine pour tenter de lutter contre l'inflation, fait peser sur les banques.

D'un côté, les banques en profitent "car cela augmente leurs revenus nets d'intérêts", soit la différence entre les intérêts qu'une banque gagne sur les prêts consentis à ses clients et les intérêts qu'elle verse aux épargnants, rappelle Ken Leon.

Mais cela augmente aussi les taux auxquels elles empruntent elles-mêmes et affecte "la demande pour les prêts", ajoute-t-il.

Par ailleurs, la montée des taux abaisse mécaniquement la valeur des obligations détenues par les banques.

La FDIC a récemment prévenu que leurs pertes potentielles à cet égard s'élevaient actuellement à 620 milliards de dollars.

Mais il n'y a pas de raisons a priori pour que les grandes banques, qui ont des dépôts "amplement suffisants" provenant "de sources diversifiées", se voient obligées de vendre à perte des obligations avant qu'elles arrivent à terme, remarque Ken Leon.

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