* Trump a promis baisses d'impôts et dépenses d'infrastructure

* Les investisseurs en attendent une poussée inflationniste

* Ils ciblent le dollar, les métaux de base et la construction

* Hausse des rendements obligataires et pentification des courbes

par Jamie McGeever

LONDRES, 10 novembre (Reuters) - Le mouvement de fuite vers les valeurs refuges provoqué par la victoire de Donald Trump à l'élection présidentielle américaine a vite laissé la place à un retour vers les actifs risqués et le dollar au détriment des placements obligataires, les investisseurs anticipant un effet dopant sur la croissance et l'inflation de la politique expansionniste promise par le candidat républicain.

Si Donald Trump tient ses promesses de donner un coup de fouet à l'économie américaine par des baisses d'impôts massives et une relance des dépenses d'infrastructure, les effets se feront sentir bien au-delà des frontières des Etats-Unis.

Les analystes de M&G Investments, une société de gestion spécialisée sur l'obligataire, n'ont pas hésité cette semaine à voir dans l'élection de Trump le début de "la fin de l'austérité à l'échelle mondiale."

Les investisseurs cherchent désormais à identifier les gagnants et les perdants de cette nouvelle donne qu'il s'agisse de pays, de classes d'actifs, de secteurs voire de valeurs en particulier. Dans la première catégorie figurent les métaux industriels comme le cuivre ou l'acier et des entreprises des secteurs des matériaux de base et de la construction, dans le second, les emprunts d'Etat.

"Le coeur de l'offre de Mr Trump, c'est la reflation", ont dit jeudi les équipes en charge de l'allocation d'actifs et de la stratégie sur les changes de Nomura, ajoutant que la hausse des prix et des taux d'intérêt de marché doit être validée par une accélération de la croissance de l'économie réelle.

"Le processus de découverte des prix (des actifs) liés à la reflation intérieure prendra du temps", ont-ils aussi prévenu.

En attendant, ils recommandent d'acheter du dollar contre l'euro, le yen et le dollar canadien parce que l'impulsion inflationniste attendue obligera la Réserve fédérale américaine à relever les taux plus rapidement qu'anticipé actuellement.

Ils tablent sur une hausse du dollar jusqu'à 110 yens dans les trois mois contre 106,75 actuellement, jusqu'à 1,40 dollar canadien (contre 1,34) et s'attendent à ce que l'euro recule jusqu'à 1,05 dollar (contre 1,09).

Michael Hasenstab, directeur des investissements du fonds Templeton Global Macro partage, comme d'autres, ces vues.

"Nous continuons d'anticiper une hausse de l'inflation aux Etats-Unis, une hausse des rendements des Treasuries, des dépréciations du yen et de l'euro et des appréciations des devises des pays émergents mais de manière sélective", a-t-il dit.

Les anticipations d'inflation aux Etats-Unis, mesurées par les swaps d'inflation à 5 ans dans 5 ans, se sont envolées dès les premières confirmations de la victoire de Donald Trump pour atteindre 2,38% mercredi, au plus haut depuis juillet 2015, contre 2,24% la veille.

Les rendements des obligations du Trésor américain à long terme se sont tendus en réponse aux anticipations d'une politique monétaire plus restrictive qu'attendu jusqu'alors pour faire face à un possible retour des pressions inflationnistes.

Les rendements des Treasuries à 10 ans et 30 ans sont au plus haut depuis le mois de janvier.

La hausse du rendement à 30 ans a été particulièrement spectaculaire avec un bond de plus de 30 points de base depuis le début de la semaine qui pourrait se traduire par sa plus forte hausse hebdomadaire depuis 2009 et l'une des plus marquante des trois dernières décennies.

Ces mouvements ont entraîné une "pentification" de la courbe des taux, soit un accroissement de l'écart entre les taux à court et à long termes. L'aplatissement des courbes de taux est généralement considéré comme un signal avant-coureur d'un ralentissement de l'activité et il en va à l'inverse en cas de pentification.

POINT DE RETOURNEMENT

Les marchés américains sont loin d'être les seuls concernés. Les marchés obligataires des pays développés ont connu une phase haussière quasi-ininterrompue au cours des 35 dernières années mais pour de nombreux analystes cette année devrait marquer un point de retournement.

Les swaps d'inflation à 5 ans dans 5 ans au sein de la zone euro ont enregistré leur plus forte hausse depuis août 2015 et le rendement de l'emprunt d'Etat allemand (Bund) à 30 ans a bondi de 20 points de base.

Nomura s'attend à ce que le phénomène de pentification touche d'autres segments de la courbe des taux. L'écart entre le rendement des Treasuries à 2 ans et à 10 ans devrait ainsi atteindre 120 points de base contre 75 points de base actuellement, selon le courtier japonais.

Le retournement des marchés obligataires en réponse au changement des perspectives de croissance et d'inflation trouve des prolongements sur les marchés de matières premières et d'actions.

Bank of America Merrill Lynch a renouvelé jeudi sa recommandation de "surpondérer" les secteurs européens des matériaux de base et du pétrole sur lesquels les investisseurs sont encore "sous-pondérés".

Le cours du cuivre a pris plus de 5% jeudi, atteignant un plus haut de 16 mois à 5.714 dollars la tonne. Le Nickel a aussi atteint un plus haut depuis juillet 2015 et le zinc s'échange à un pic de 5 ans et demi. .

Ces mouvements se propagent déjà en Bourse aux secteurs et aux valeurs correspondants et ArcelorMital s'est ainsi envolé de plus de 10% mercredi.

Le secteur devrait continuer sur sa lancée, estime Barclays, surtout si la Chine répond au programme expansionniste de Trump très centré sur les Etats-Unis par une relance budgétaire destinée à soutenir sa propre économie.

"Le résultat des élections américaines est une bonne surprise pour les valeurs sidérurgiques. Mr Trump veut encourager les dépenses d'infrastructures et adopter des mesures protectionnistes, ce qui soutiendra encore l'industrie sidérurgique locale", selon la banque britannique.

Les actions du groupe de matériaux de construction irlandais CRH, qui réalise la moitié de son chiffre d'affaires aux Etats-Unis, ont atteint un plus haut de neuf ans jeudi à 34,40 euros, juste en dessous de leur pic historique de 34,56 euros. Dans leur sillage, l'indice sectoriel européen des matériaux et de la construction a touché un plus haut de neuf ans, lui aussi. (avec Alistair Smout, Marc Joanny pour le service français, édité par Wilfrid Exbrayat)

Valeurs citées dans l'article : CRH PLC, ArcelorMittal