Washington (awp/afp) - Vétuste, lent, peu fréquent, souvent même inexistant, le train est le parent pauvre des transports aux Etats-Unis, loin derrière voiture et avion. Des travaux gigantesques ont commencé, avec l'ambition de doubler le nombre de passagers d'ici 2040.

L'administration du président Joe Biden a annoncé vendredi que la première ligne de train à grande vitesse dans le pays verrait le jour en 2028, entre Las Vegas et Los Angeles. Ce projet et des dizaines d'autres s'inscrivent dans le plan d'investissements dans les infrastructures que M. Biden avait fait adopter peu après son arrivée à la Maison Blanche.

Et qui comprend 66 milliards de dollars pour les trains de voyageurs, la somme la plus importante depuis la création en 1971 d'Amtrak, la compagnie publique - pour délester les entreprises privées de fret de l'encombrant transport de passagers. L'objectif: doubler le nombre de passagers d'ici 2040, a expliqué à l'AFP Laura Mason, vice-présidente exécutive d'Amtrak, responsable des travaux de rénovation.

"Ce sera une véritable transformation pour le transport ferroviaire de voyageurs aux Etats-Unis", une "nouvelle ère", s'enthousiasme-t-elle, alors que "beaucoup des infrastructures que nous utilisons aujourd'hui (...) ont été construites il y a bien plus de 100 ans". Au programme: créations et prolongations de lignes, fréquences supplémentaires, rénovation de gares, nouveaux trains plus rapides et confortables, ...

Cela permettra par exemple de réouvrir la ligne entre la Nouvelle-Orléans (Louisiane) et Mobile (Alabama), détruite il y a près de 20 ans par l'ouragan Katrina. La gare de Baltimore (Maryland), elle, est en travaux pour accueillir plus de trains.

Réseau "squelettique"

C'est pourtant le train qui a permis la Conquête de l'Ouest au 19è siècle. Le pays "ne serait pas ce qu'il est aujourd'hui sans les chemins de fer", a rappelé le secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg, jeudi, regrettant que "malgré cet héritage", les États-Unis soient "à la traîne par rapport aux autres pays".

Le réseau, aujourd'hui, "est squelettique", résume pour l'AFP Jim Mathews, responsable de l'association des passagers du rail aux Etats-Unis: "beaucoup de voyages ne sont tout simplement pas possibles". "Cela dépend de l'endroit", explique-t-il. Voyager dans le nord-est, entre Boston, New York et Washington, "est une expérience relativement indolore. C'est plus lent que ça ne devrait l'être (mais) cela va bientôt s'améliorer".

Des trains tout neufs, fabriqués par le français Alstom dans l'Etat de New York, y circuleront d'ailleurs bientôt, pour remplacer les actuels, fabriqués par le consortium Alstom-Bombardier. En revanche, pour traverser le pays d'est en ouest, "il faut bien compter deux jours, deux jours et demi de voyage. Vous devrez changer de train à Chicago. Et si vous souhaitez dormir dans une cabine, vous devez la réserver des mois à l'avance", déplore Jim Mathews.

Au Texas par exemple, le trajet entre Dallas et Houston - à peine 400 kilomètres, moins que Paris-Lyon - dure près de 24 heures, avec une correspondance. La révolution promise ne consiste pas seulement à réparer les rails et y poser de nouveaux trains, précise Laura Mason, mais à "modifier la façon dont les gens se déplacent. Comment pouvons-nous encourager le passage des voitures et avions, au train?"

Prix, confort, durée, connexions, ... Tout y passe.

"Relaxant"

Le contexte est favorable au ferroviaire, affirme-t-elle, saluant "un réel changement depuis la pandémie, quant à la manière dont les gens veulent se déplacer", puisque "de plus en plus de gens choisissent de prendre le train". Pour des préoccupations environnementales, la tranquilité, la connexion au wi-fi pour travailler, ou simplement pour "l'expérience", ajoute Laura Mason.

A la gare de Washington, Alan Beaubien, qui vit en Floride, est en déplacement professionnel: "Dès que je suis dans le Nord-Est, je voyage en train", car "vous pouvez (y) emprunter le train n'importe où". Mais "dans le Midwest ou l'Ouest, vous n'avez pas autant d'options". Chukwuemeka Chuks-Okeke est lui aussi un usager fidèle d'Amtrak: "il n'y a pas d'embouteillages, et (...) c'est relaxant". Il juge aussi "que nous pourrions faire mieux pour réduire notre empreinte carbone en prenant le train".

Les 66 milliards de dollars ne sont qu'un "début", avait assuré, le 6 novembre, Joe Biden, surnommé "Amtrak Joe", pour ses trajets quotidiens entre Washington, et son fief de Wilmington (Delaware), lorsqu'il était sénateur. "Nous pouvons faire encore bien plus", avait-il promis.

Avec un coup d'oeil appuyé vers l'Asie: "vous pouvez prendre un train en Chine et circuler à 210 miles/heure (338 km/h, NDLR). (...) Nous pouvons le faire ici, aux États-Unis".

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