* Des CFA pour former des jeunes selon les besoins

* Huit CFA prêts à être lancés, une dizaine en projet

* Un risque de déstabiliser les CFA existants

par Caroline Pailliez

PARIS, 4 mars (Reuters) - Une vingtaine d'entreprises se préparent à lancer leurs propres centres de formation d'apprentis (CFA) pour compenser l'inadéquation, selon eux, de l'offre, profitant d'une nouvelle possibilité de la réforme de l'apprentissage.

Schneider Electric, Safran, Arc international, Groupe Nicollin ou encore Adecco, Accor, Sodexo et Korian comptent franchir le pas dans les prochains mois pour disposer d'un bassin de salariés formés selon leurs besoins.

Huit CFA seraient prêts à être lancés, selon le ministère du Travail, une dizaine seraient encore en projet.

"On constate que nos métiers sont insuffisamment connus et insuffisamment reconnus du grand public. Ces métiers méritent d'être un peu plus mis en lumière", a déclaré lundi Anna Notarianni, présidente de Sodexo France, qui a expliqué connaître des difficultés de recrutement au même titre que la plupart des entreprises de services.

L'entreprise de restauration collective a annoncé lundi avoir signé un partenariat avec le groupe hôtelier Accor , le leader du recrutement intérim Adecco et le spécialiste de la gestion de maisons de retraite médicalisées Korian pour la mise en place d'un centre de formation autour des métiers de la cuisine et de la restauration.

"Notre enjeu à nous c'est d'attirer, (...) de rendre nos métiers plus attractifs", a dit le directeur des ressources humaines de Korian, Rémi Boyer.

Or, il constate une "fragmentation de l'offre" de formation. Pour l'instant, l'entreprise fait affaire avec "une petite centaine de CFA" en France dont une quarantaine sur les métiers de la cuisine. "Ce système-là, (...) n'est pas optimal par rapport à nos besoins massifs (de recrutement) et les besoins qui nous attendent demain", dit-il.

Ce CFA devrait accueillir une première cohorte de 1.000 étudiants d'ici janvier 2020 et s'implanter dans trois régions: l'Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Région Sud.

"MIXER LES PUBLICS"

A plus petite échelle, Nicollin, une entreprise de 6.000 salariés spécialisée dans les métiers de l'environnement, qui ne trouvait pas de centre de formation autour de son siège opérationnel à Montpellier, ouvrira d'ici septembre un BTS (brevet de technicien supérieur) pour une douzaine d'élèves.

Le groupe veut non seulement dénicher de nouveaux talents, mais aussi former ses managers. Ces derniers pourront valider des compétences en suivant certains modules de la formation.

"On veut mixer les publics, permettre à nos salariés en interne de s'adapter aux évolutions du métier", dit la responsable formation, Patricia Jarlot, qui précise que certains métiers dans son secteur sont amenés à disparaître.

La réforme de la formation professionnelle et de l'apprentissage adoptée en septembre 2018 modifie en profondeur la structure de financement du secteur. Il n'est plus nécessaire de demander l'autorisation aux régions pour créer un CFA ni de réclamer auprès d'elles des subventions.

Chaque CFA sera financé au "coût contrat", c'est-à-dire en fonction du nombre d'élève inscrit dans l'établissement selon un montant qui aura été déterminé par les branches professionnelles. Quelque 200 branches ont déjà publié ce montant, selon le ministère du Travail. Les autres disposent d'un délai allant jusqu'au 15 avril.

"Notre responsabilité, c'était de faire une loi qui permette à l'ensemble des acteurs de pouvoir se saisir mieux, plus vite, plus intensément, de ces sujets", a dit la ministre du Travail, Muriel Pénicaud lors de la présentation du CFA Accor, Adecco, Korian et Sodexo.

"Former des jeunes aux compétences dont les entreprises ont besoin, c’est ça ce que veulent les jeunes", a-t-elle ajouté.

PROFITER À L'ÉCOSYSTÈME

Elle en appelle toutefois aux entreprises pour que ces formations puissent profiter à leurs "écosystèmes", celui de leur filière et de leurs sous-traitants. "C’est très important parce qu’on a besoin de l’effet d’entraînement des grandes entreprises", explique-t-elle.

Les syndicats ne voient pas d'un mauvais oeil ce genre de CFA qui peut d'être directement opérationnel en cas d'embauche.

Mais "il faut être vigilant au contenu de la formation qui doit répondre au cahier des charges des diplômes préparés et non seulement aux besoins techniques de l'entreprise", prévient le secrétaire confédéral de Force ouvrière, Michel Beaugas.

Selon le secrétaire national de la CFDT, Yvan Ricordeau, il faut veiller à l'accompagnement des apprentis qui ne seraient pas embauchés à l'issue de la formation, et s'assurer que ce développement ne se fasse pas aux dépens des CFA existants.

Pour le président de l'Association des directeurs de CFA d'Île-de-France, et directeur du CFA de la Faculté des métiers de l'Essonne, Alain Bao, l'arrivée sur le marché de nouveaux CFA n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle.

"A partir du moment où de grands groupes créent leur CFA, ça va permettre de faire parler de l'apprentissage et d'attirer des publics qui n'y auraient pas forcément songé", dit-il.

Il admet que cela risque de déstabiliser les CFA existants, mais ce sera à ces derniers "d'être inventifs" pour perdurer. (Edité par Yves Clarisse)

Valeurs citées dans l'article : Accor, Adecco Group, Sodexo, Korian