(Répétition sans changement d'une dépêche transmise vendredi)

* Les marchés oscillent au gré des nouvelles

* La crainte d'une récession prend de l'ampleur

* La Chine inquiète, la zone euro aussi

* Les annonces de la Fed très attendues

par Patrick Vignal

PARIS, 17 décembre (Reuters) - Des marchés très nerveux ont encore joué à se faire peur au cours d'une semaine pleine de tumulte et l'ascenseur émotionnel que prennent toutes les classes d'actifs ne paraît pas près de s'arrêter à quelques jours d'une réunion très attendue de la Réserve fédérale américaine.

Le scénario est désormais bien rodé : les mauvaises nouvelles, qui ne manquent pas, entraînent les actions à la baisse. Le moindre rayon d'espoir les fait remonter, parfois au cours d'une même séance, mais pas suffisamment pour entraîner un rebond significatif.

Les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine et les risques européens, Brexit et politique budgétaire italienne en tête, entretiennent un climat anxiogène qu'alimentent également les signes d'un ralentissement de la croissance mondiale et la crainte d'une récession globale à plus ou moins long terme.

"Notre analyse est que le risque de récession pour l'année prochaine reste relativement faible, inférieur à 20%, mais on entre dans cette phase de fin de cycle où les marchés sont relativement nerveux face à ce thème de récession", explique Isabelle Mateos y Lago, directrice générale au BlackRock Investment Institute.

"Les marchés pourraient faire des sauts importants en fonction des nouvelles qui arrivent, ce qu'ils font déjà depuis quelques semaines."

Actions, taux, changes, matières premières... Tous les actifs sont animés par des mouvements pendulaires, plus marqués à la baisse qu'à la hausse en ce qui concerne les actifs risqués.

SIGNAUX D'ALERTE

L'aversion au risque est alimentée en outre par des signaux d'alerte comme la menace d'une inversion des courbes des rendements obligataires américains, phénomène qui annonce historiquement l'arrivée d'une récession à un horizon d'un à deux ans.

Il faudrait mentionner également la "croix de la mort" qui s'est formée sur le S&P-500, à savoir la figure graphique qui se dessine lorsqu'une moyenne mobile courte chute pour briser une moyenne mobile longue, descendante elle aussi.

En l'occurrence, la moyenne mobile à 50 jours du S&P 500 est passée sous celle à 200 jours, ce qui laisse historiquement présager de nouvelles baisses des actions avant un rebond.

Autre signe guère réjouissant, près de le moitié des composants du S&P-500 sont désormais officiellement en "bear market", territoire défini par un recul de 20% ou plus par rapport au dernier pic sur un an.

La semaine qui s'est achevée a donc été marquée par des hauts, comme après la publication, mardi par Reuters, d'un entretien avec Donald Trump dans lequel il évoque la poursuite du dialogue avec son homologue Xi Jinping sur les questions commerciales, et des bas, notamment à la suite d'indicateurs chinois peu rassurants annoncés vendredi.

Les nouvelles de Chine sont venues s'ajouter aux inquiétudes formulées la veille par la Banque centrale européenne (BCE) concernant les perspectives économiques de la zone euro et confirmées vendredi par l'annonce d'un ralentissement de l'activité du secteur privé en Allemagne et de sa contraction en France, sous l'effet notamment du mouvement des "Gilets jaunes".

QUE VA DIRE LA FED ?

La BCE a confirmé son intention d'arrêter définitivement ce mois-ci ses achats de titres sur les marchés mais s'est engagée à continuer à stimuler une économie confrontée à un ralentissement inattendu et à des turbulences politiques.

"Derrière ces prévisions et cette tonalité plutôt "dovish", on s'oriente vers une politique de la BCE qui sera plus en forme de gestion du risque qu'une simple normalisation des taux d'intérêt avec l'arrêt du quantitative easing", déclare Patrice Gautry, chef économiste de l'Union bancaire privée (UBP).

La BCE, ajoute-t-il, ajustera sa communication en fonction des signaux conjoncturels, à l'image de la Réserve fédérale américaine (Fed), qui devrait annoncer mercredi qu'elle relève ses taux pour la quatrième fois de l'année.

Les marchés s'interrogent surtout ce que fera la Fed l'année prochaine, les estimations variant de quatre hausses de taux en 2019 à aucune, ce qui en dit long sur les incertitudes entourant la suite du cycle de resserrement monétaire aux Etats-Unis.

"Au cours des dernières semaines, sur fond de tensions commerciales entre les Etats Unis et la Chine, des inquiétudes sur la croissance américaine ont pris le dessus dans un contexte de forte volatilité et de correction des marchés d'actions", explique Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires d'Allianz GI.

"Le scepticisme sur la capacité de la Fed à poursuivre sa politique de resserrement monétaire s'est ainsi emparé du marché, s'illustrant de manière concomitante par une ré-évaluation à la baisse des anticipations de hausses des taux", ajoute-t-il.

La Fed devrait donc maintenir le cap du resserrement monétaire en confirmant sa stratégie de relèvement des taux mais pourrait réviser légèrement à la baisse ses prévisions de hausses de taux pour 2019, passant de trois à deux, prédit-il.

ATTENTION AUX OBLIGATIONS

L'actualité est chargée sur le front monétaire avec également les annonces, jeudi, de la Banque du Japon, dont on ne s'attend pas à ce qu'elle resserre sa politique dans un avenir proche, et de la Banque d'Angleterre, qui ne devrait rien annoncer non plus en pleine confusion autour des négociations sur le Brexit.

Les indicateurs économiques vont également se bousculer à l'approche de Noël, avec notamment à l'agenda vendredi, du côté des Etats-Unis, les chiffres définitifs de la croissance au troisième trimestre ainsi que ceux des revenus et dépenses des ménages et des commandes de biens durables.

Il sera temps ensuite de penser à 2019, qui s'annonce difficile à naviguer avec beaucoup de volatilité en vue.

Un optimisme prudent est tout de même de mise du côté des actions, selon Fidelity, qui prévient cependant que les marchés obligataires pourraient gâcher la fête et invite à surveiller comme le lait sur le feu les "spreads" de crédit en Chine et les prêts à effet de levier aux Etats-Unis.

Curtis Evans, directeur des investissements obligataires pour la société de gestion, voit des signes d'avertissement dans une autre figure graphique, à savoir l'évolution comparée des "spreads" de crédit américains et du S&P-500.

Ces deux courbes ont tendance à s'écarter, ce qui offre de troublantes similitudes avec 2007, juste avant la crise financière, fait-il remarquer.

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(édité par Blandine Hénault)