PARIS, 12 janvier (Reuters) - Taïwan, au coeur des tensions entre les Etats-Unis et la Chine, élira son nouveau président samedi, tandis que la saison des résultats se poursuivra outre-Atlantique et que les flux de donnés chinois, européens et britanniques donneront davantage d'indications sur les trajectoires économiques respectives.

Tour d'horizon des perspectives de marché dans les prochains jours:

1/ ELECTIONS TAÏWANAISES

L'élection présidentielle se tiendra samedi à Taïwan, et le match entre le Parti démocrate progressiste (DPP) au pouvoir défendant l'autonomie de l'archipel, le Kuomintang favorable à un rapprochement avec Pékin, sera suivi de près.

"Les programmes économiques des candidats se ressemblent beaucoup sur les questions sociales et le travail, mais divergent sur les politiques industrielles et énergétiques. La plus grande différence porte cependant sur le positionnement face à la Chine", résume Alicia Garcia Herrero, cheffe économiste Asie-Pacifique chez Natixis.

Taïwan est l'un des principaux points de friction entre les Etats-Unis et la Chine, qui a déjà dénoncé le "danger" pour la paix que représenterait une victoire du DPP, tandis que les analystes craignent que l'approche de l'élection américaine présidentielle ne pousse les Etats-Unis à relancer la guerre commerciale, populaire auprès des électeurs.

Les investisseurs se montrent inquiets d'une possible réaction de la Chine, relève Natixis, qui souligne que les incertitudes géopolitiques ont déclenché des sorties de capitaux dans la région au deuxième semestre 2023 - les investisseurs sont depuis retournés sur le marché sud-coréen, mais pas le marché taïwanais.

2/ RÉSULTATS AMÉRICAINS

La saison des résultats, ouverte par la publication des chiffres trimestriels et pour l'année de JPMorgan Chase, Bank of America, Citigroup et Wells Fargo vendredi, se poursuivra la semaine prochaine aux Etats-Unis.

Sur les 500 entreprises constituant le S&P 500, 23 d'entre elles publieront leurs résultats la semaine prochaine, dont Goldman Sachs et Morgan Stanley, mardi.

Après une année 2023 durant laquelle les entreprises ont surpris les investisseurs par leur performance opérationnelle, 2024 pourrait être plus compliquée.

"Notre scénario macroéconomique pour les Etats-Unis n'est pas catastrophique, mais nous n'anticipons pas non plus de facteurs forts de soutien pour les entreprises", résume Frédérik Ducrozet, économiste chez Pictet Wealth Management, qui souligne que les valorisations demeurent élevées et que les marges sont vouées à se comprimer avec l'affaiblissement de l'économie américaine.

Les marchés ont de fait revu leurs anticipations de croissance des résultats à la baisse: ils tablent sur une progression de 7%, contre 11% fin novembre, selon des données Factset.

La saison des résultats éclairera également l'une des grandes inconnues pour 2024. Les "sept magnifiques", les sept entreprises technologiques ayant fortement contribué à la croissance des marchés actions américains l'an dernier, pourraient avoir du mal à afficher des performances compatibles avec leurs valorisations élevées, mais l'engouement pour l'IA pourrait continuer de fournir un soutien à ces titres.

La trajectoire de ces sept entreprises pourrait s'avérer tout aussi décisive pour les actifs risqués américains en 2024 que l'année dernière.

3/ PIB CHINOIS

De nombreuses données sont attendues en Chine la semaine prochaine, dont l'indicateur de PIB pour décembre qui permettra de déterminer si le pays a ou non atteint l'objectif de 5% de croissance fixé par le gouvernement.

L'ensemble des indicateurs devraient confirmer le ralentissement de l'économie chinoise, empêtrée dans une crise immobilière qui pèse sur l'ensemble de l'activité et menace toujours de se transformer en crise financière.

Parmi la salve de données, "les chiffres des ventes au détail, qui ont été une poche de résistance ces derniers mois, sont l'indicateur à surveiller" et pourraient apporter un peu de soulagement, souligne aussi ING, qui estime que la croissance pour 2023 atteindrait 5,2%.

"L'indicateur demeure néanmoins un peu supérieur à sa tendance de long terme et pourrait ne pas être en mesure de le demeurer pendant longtemps".

L'économie demeure à la traîne malgré l'ampleur des plans de relance: des données chinoises retraitées par Pictet Wealth Management montrent que le déficit total (incluant les émissions de dette hors budget) a atteint 9% du PIB en 2023, supérieur aux 8,7% déployés en 2020 pour pallier l'impact de l'épidémie.

L'impulsion budgétaire est vouée à se poursuivre en 2024, puisque le gouvernement a prévu de maintenir un déficit officiel à 3% du PIB, tout en se réservant la possibilité d'émettre davantage de dette hors budget pour soutenir son économie.

4/ INCERTITUDE YÉMÉNITE

Les marchés du fret ont fortement réagi aux

tensions en mer Rouge

- l'indice composite WCI des prix du fret pour un équivalent quarante pieds a bondi de 85% depuis le 21 décembre - mais la situation pourrait avoir des impacts bien plus larges.

La hausse simultanée des prix du brut, qui progressent après l'arraisonnement d'un pétrolier par

l'Iran

, ravive les inquiétudes d'un retour des pressions inflationnistes alors que les tensions sur les chaînes logistiques mondiales, l'un des principaux déclencheurs de la poussée d'inflation en 2021, venaient à peine de se normaliser.

Certes, il faudra que les prix demeurent élevés pendant plusieurs mois pour se transmettre à l'inflation des pays développés, mais ces développements interviennent au pire moment pour les investisseurs et les banques centrales, qui ont prévenu à de nombreuses reprises que le "dernier kilomètre" de la désinflation serait le plus dur à parcourir.

Le léger rebond de l'inflation aux

Etats-Unis

et en

Europe

en décembre est ainsi venu rappeler l'importance pour les grands argentiers de maintenir des postures restrictives de façon prolongée.

5/ DAVOS ET DONNÉES EUROPÉENNES

Plusieurs indicateurs sont attendus en zone euro dans les prochains jours, et devraient aider les investisseurs à préciser leurs scénarios pour la croissance européenne cette année.

Lundi, seront publiées la balance commerciale et la production industrielle en zone euro, suivies mardi par l'indicateur de sentiment ZEW en Allemagne, et vendredi par les prix à la production allemands et la confiance des consommateurs en zone euro.

L'inflation définitive pour décembre en Allemagne sera publiée mardi, et l'inflation définitive en zone euro mercredi.

Au Royaume-Uni, l'inflation pour décembre, attendue mercredi, et les ventes au détail (vendredi) pourraient animer les échanges.

Le 54e forum économique mondial débutera par ailleurs lundi à Davos, en Suisse, dans un contexte géopolitique et économique particulièrement délicat.

Se tiendra notamment mercredi la réunion des dirigeants de services financiers, qui rassemblera une centaine de dirigeants du monde de la finance.

VOIR AUSSI:

LE POINT sur les perspectives de marché 2024 des gérants et analystes (Rédigé par Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)

par CORENTIN CHAPPRON