* Pasqua et son ancien conseiller diplomatique entendus

* L'ancien ministre de l'Intérieur conteste les faits

* Il se dit victime d'une usurpation d'identité

par Chine Labbé

PARIS, 30 janvier (Reuters) - L'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua a affirmé mercredi devant le tribunal correctionnel de Paris que les faits qui lui sont reprochés dans le volet français du dossier "Pétrole contre nourriture" ne tenaient pas "debout une seule minute".

Mis en place par l'Onu de 1996 à 2003 en Irak pour assouplir en partie l'embargo visant alors le pays, ce programme a été largement détourné par le régime de Saddam Hussein, impliquant de nombreuses sociétés et personnalités dans plusieurs pays.

Renvoyé en correctionnelle pour "trafic d'influence passif" et "corruption d'agents publics étrangers", l'ex-sénateur français est soupçonné d'avoir reçu du régime irakien des allocations pour 11 millions de barils de pétrole entre 1999 et 2000 en remerciement d'actions favorables au pays.

Les opérations de récupération de ces allocations et de revente des barils auraient été menées par son conseiller diplomatique de l'époque, Bernard Guillet, également entendu mercredi.

Charles Pasqua, contre qui le parquet avait requis un non-lieu, a toujours nié les faits, et conteste avoir appartenu à un lobby pro-Irak. Il encourt jusqu'à 10 ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende.

"Ça ne tient pas debout une seule minute", a-t-il dit mercredi soir devant la 11e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

"Moi je suis un serviteur de l'Etat (...) l'argent n'a jamais été pour moi la valeur essentielle", a-t-il ajouté. "On ne peut pas me présenter comme allocataire de barils de pétrole. Je n'ai rien reçu du tout."

Le programme "Pétrole contre nourriture" avait pour objectif de soulager les souffrances du peuple irakien en permettant à Bagdad de vendre une partie de son pétrole malgré l'embargo imposé après la première guerre du Golfe sur l'intégralité de son commerce extérieur.

Les revenus des deux tiers de ces ventes, placés dans un compte séquestre administré par l'Onu à New York, devaient servir à l'achat de fournitures humanitaires et de biens d'équipement. Le reste devait dédommager le Koweït après la guerre.

RÉCEPTION DE TAREK AZIZ EN 1993

Mais un rapport de l'ancien chef de la réserve fédérale américaine Paul Volcker révélait en 2005 un vaste système de détournement de ce programme par le régime de Saddam Hussein, lui permettant de détourner 1,8 milliard de dollars.

Deux mécanismes étaient mis à jour dans le rapport Volcker : l'exigence de paiements supplémentaires -ou "surcharges"-, et l'allocation de bons de pétrole à des personnalités jugées "amis" en contrepartie d'un lobbying pour la levée de l'embargo.

Les allocataires présumés, dont le rapport de l'Onu dressait une liste dans laquelle figurait le nom de Charles Pasqua, agissaient sous couvert de sociétés agréées. Ils bénéficiaient de commissions de 0,02 à 0,08 dollar par baril lors de leur revente.

L'ancien ministre de l'Intérieur est poursuivi en sa qualité de président du Conseil général des Hauts-de-Seine de 1988 à 2004. Selon l'instruction, Charles Pasqua a noué des liens étroits avec le régime irakien dès 1993, et était considéré par ses dirigeants comme un ami.

Pour étayer ce propos, l'accusation s'appuie notamment sur sa réception, en octobre 1993, au Conseil général des Hauts-de-Seine, du vice-Premier ministre irakien Tarek Aziz.

Charles Pasqua est soupçonné d'avoir perçu des allocations de barils de pétrole en remerciement de cette réception, entre autres.

L'ancien ministre d'Etat, qui rappelle ne jamais avoir été en Irak, a dit ne pas être étonné que le régime irakien ait pu avoir cette idée, mais nie avoir été approché à ce sujet et estime avoir été victime d'une usurpation d'identité.

D'après son conseiller diplomatique, le régime irakien a bien eu l'intention de lui octroyer une allocation de pétrole, demande à laquelle Bernard Guillet n'aurait toutefois pas donné suite.

Interrogé avant Charles Pasqua, ce dernier a dit regretter d'avoir "embarqué" le ministre dans cette affaire, sans donner plus de précisions. "J'ai été lâche", a-t-il dit mercredi.

Le procès, qui s'intéressera la semaine prochaine à la société TOTAL, ainsi qu'à plusieurs de ses anciens cadres, et à son actuel PDG Christophe de Margerie, doit durer jusqu'au 20 février. (Edité par Marine Pennetier)