Dans un entretien paru samedi dans le Monde, le directeur général délégué du constructeur, Patrick Pélata, ajoute qu'aucune information sur des innovations majeures ne semble avoir filtré et que le programme du véhicule électrique n'est pas remis en cause.

"Il s'agit en l'espèce d'un travail de professionnels", indique le numéro deux du constructeur. "Renault est victime d'une filière organisée internationale", ajoute-t-il, sans préciser à qui les fuites auraient pu profiter.

"Cette affaire d'espionnage présumé ne change en rien le programme de développement du véhicule électrique qui est au coeur de la vision stratégique voulue par Carlos Ghosn (PDG de Renault)", poursuit Patrick Pélata.

Selon lui, des informations sur l'architecture du véhicule ainsi que sur les coûts et le modèle économique du programme de voiture électrique ont pu fuiter mais "aucune pépite technologique" n'a pu filtrer en dehors de l'entreprise.

"Qu'il s'agisse notamment de la chimie des électrodes, de l'architecture des batteries, de l'assemblage des différents éléments, du chargeur ou du moteur lui-même, nous sommes sereins", ajoute-t-il.

QUATRE MILLIARDS

Renault a investi quatre milliards d'euros avec son partenaire Nissan dans les véhicules électriques, qui constituent une priorité pour l'alliance. Cette technologie, qui permet de ramener à zéro les émissions de CO2 d'un véhicule, est désormais jugée incontournable par l'ensemble des constructeurs et soutenue par les pouvoirs publics à travers le monde.

Les premiers véhicules électriques Renault et Nissan seront lancés cette année, tandis que le modèle phare du programme, la berline Zoé, sortira des chaînes de Flins en 2012.

Sur le site, une coentreprise entre Renault-Nissan, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et le Fonds stratégique d'investissement (FSI) préparent également la production de batteries lithium-ion, élément stratégique de la voiture électrique.

Patrick Pélata précise dans le Monde que le travail avec le CEA sur la batterie du futur n'est pas concerné par l'affaire.

Les trois cadres mis à pied lundi passeront "dans quelque temps" un entretien préalable à un éventuel licenciement, "dans le plus strict respect du code du travail", poursuit Patrick Pélata. "Sur le plan juridique, nous sommes en train d'envisager toutes les options qui conduiront inévitablement à un dépôt de plainte."

Il ne précise pas s'il s'agira d'un plainte contre les cadres, contre X ou contre une société tierce.

L'avocat de l'un des trois cadres mis à pied a accusé Patrick Pélata de dramatiser l'affaire.

"Mon client est maintenant présenté comme un espion international alors qu'à ce jour, il ne dispose toujours d'aucun élément matériel permettant de dire pourquoi Renault l'accuse de la sorte", a déclaré Thibault de Montbrial à Reuters. "C'est surréaliste".

LA PISTE CHINOISE ÉVOQUÉE

Une source proche du gouvernement a indiqué vendredi à Reuters que la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) enquêtait sur le dossier et qu'une piste chinoise était suivie.

Cette dernière n'est pas évoquée par Patrick Pélata dans son entretien au Monde et, selon Eric Besson, rien ne permet pour l'instant de la privilégier.

"La piste chinoise est privilégiée, peut-être, mais moi, je ne suis pas qualifié pour le dire", a dit samedi le ministre de l'Industrie sur Europe 1. "A stade, je ne peux pas l'affirmer. Seule une enquête contradictoire pourra le démontrer."

Eric Besson, qui a appelé à respecter la présomption d'innocence, a ajouté que la DCRI n'avait pas encore été saisie dans un cadre judiciaire mais devrait l'être dès que Renault portera plainte, vraisemblablement lundi.

"Renault va porter plainte et La DCRI sera très vraisemblablement mobilisée par la justice", a précisé le ministre. "A ce moment-là, nous en saurons beaucoup plus sur ce que seraient les commanditaires, les destinataires, etc."

Le délégué interministériel à l'intelligence économique, Olivier Buquen, souligne l'ampleur du problème de l'espionnage économique en France dans un entretien publié dans l'édition de samedi du Journal du Dimanche.

"Le nombre des incidents survenus sur le territoire français, que nous recensons depuis cinq ans, est alarmant. Il s'élève à plusieurs milliers", dit-il.

"Tous les secteurs, toutes les régions, et des entreprises de toutes tailles, sont touchés et le nombre de pays dont les ressortissants se livrent à de l'espionnage industriel est aussi en progression", ajoute-t-il.

Patrick Vignal, avec Gilles Guillaume