* Delphine Batho redit qu'une hausse est "incontournable"

* Près de 7 milliards d'euros de manque à gagner fiscal en 2011

* Chaque centime d'écart coûte 400 millions d'euros

* L'argument écologique pas valable, selon les associations d'automobilistes (Actualisé avec Batho et Schilansky)

PARIS, 1er mars (Reuters) - La ministre de l'Ecologie Delphine Batho a réaffirmé vendredi qu'une hausse de la fiscalité du diesel était "incontournable", après la diffusion d'un rapport de la Cour des comptes estimant que son régime dérogatoire était un obstacle à la transition énergétique et un manque à gagner substantiel pour l'Etat.

Interrogée sur BFM TV, elle a cependant indiqué qu'une telle hausse devrait être "progressive" et s'accompagner de mesures pour atténuer son impact sur le pouvoir d'achat.

Dans un rapport communiqué le 17 décembre aux ministères de l'Economie et de l'Ecologie, dont Libération se fait l'écho, la Cour des comptes juge que la politique fiscale de la France sur l'énergie "répond davantage au souci de préserver certains secteurs d'activité qu'à des objectifs gouvernementaux".

"Les dépenses de l'Etat ne contribuent pas à favoriser la transition énergétique", ajoute la Cour, qui épingle à la fois le gasoil et le kérosène. Elle relève une perte de recettes "très élevée", qu'elle estime à 6,9 milliards d'euros en 2011.

L'augmentation des taxes sur le diesel, qui représente 80% de la consommation de carburant en France, est une des pistes envisagée dans le cadre de la fiscalité environnementale qui doit contribuer au financement du crédit d'impôt pour l'emploi et la compétitivité (CICE) de 20 milliards d'euros.

Delphine Batho juge la hausse "incontournable", essentiellement pour des raisons de santé mais note qu'il faut prendre garde au pouvoir d'achat des habitants des grandes banlieues et due monde rural.

"Ça veut dire qu'une évolution de la fiscalité sur le diesel ne pourra s'envisager d'abord que de façon progressive et surtout devra être accompagnée de mesures de justice sociale", a-t-elle dit.

COMITÉ DE RÉFLEXION

Le ministre des Transports, Frédéric Cuvillier, a indiqué de son côté jeudi qu'il n'était pas favorable à un alignement des taxes sur l'essence et le gasoil "pour une question de compétitivité" dans des secteurs comme le transport routier.

Interrogé sur France Info, Jean-Louis Schilansky, président de l'Union des industries pétrolières (Ufip), a plaidé de même pour un "rééquilibrage progressif" de façon à ce que tant les automobilistes que les constructeurs français, leaders sur le marché des véhicules diesel, puissent s'adapter.

"On est allé trop loin en France", a-t-il dit en soulignant que 60% du parc automobile était aujourd'hui diesel, une proportion qui croît chaque année.

Le président de l'Ufip a récemment proposé une hausse des taxes de l'ordre de un à deux centimes par an, un centime de plus au litre de diesel représentant à l'heure actuelle environ 400 millions d'euros en année pleine.

En plus de l'écart d'environ 20 centimes qui le sépare du sans plomb, de nombreuses dérogations ou remboursements sur les taxes existent, notamment pour les routiers tandis que les pêcheurs sont, eux, exonérés de taxes sur le diesel.

L'association 40 millions d'automobilistes a dénoncé de son côté un argument anti-écologique, soulignant que le diesel émet moins de CO2, un gaz à effet de serre, que l'essence.

En revanche, le diesel émet des particules fines, récemment classées comme cancérigènes par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, ces pollutions seraient responsables de 42.000 morts prématurées par an, selon le ministère du Développement durable.

"Les véhicules diesel mis en cause par les émissions de particules fines sont essentiellement les anciens véhicules diesel et non les nouveaux, mis actuellement sur le marché et équipés de filtres à particules extrêmement performants", rappelle 40 millions d'automobilistes dans un communiqué.

Selon l'association, l'augmentation de la pression fiscale n'est pas justifiée car le renouvellement du parc générera mécaniquement une disparition des véhicules polluants.

Le gouvernement a mis en place un comité sur la fiscalité écologique, dont les premières propositions seront inscrites au projet de loi de finances 2014. (Service France, édité par Yves Clarisse)

Valeurs citées dans l'article : RENAULT, TOTAL, PEUGEOT