PARIS (awp/afp) - La filière pharmaceutique attend beaucoup du prochain Conseil stratégique des industries de santé (Csis) qui se réunira mardi à Matignon, réclamant un "changement de logiciel" du sommet de l'Etat pour redonner des couleurs à leur secteur et restaurer la confiance.

Créé en 2004 et se réunissant tous les deux ans sous l'égide du Premier ministre, le Csis est une instance de dialogue entre l'Etat et les industries de santé (médicaments, technologies et dispositifs médicaux).

Il sera précédé cette année d'un dîner lundi à l'Elysée entre Emmanuel Macron et une trentaine de dirigeants de groupes pharmaceutiques français et internationaux.

"L'implication de l'Elysée dans la construction du Csis est un élément nouveau, cela donne plus de poids" à l'événement, salue Patrick Errard, président du Leem, la fédération française des industriels du médicament, interrogé par l'AFP.

"On semble être sur un Csis de mesures concrètes, avec un suivi, plutôt que d'intentionnalités" sans beaucoup d'effets lors des éditions précédentes, ajoute-t-il.

"Mais c'est ici et maintenant que ça se passe, ou alors pas avant un bon bout de temps (...). Si l'impulsion n'est pas assez puissante, on peut craindre que la suite ne soit pas cohérente avec nos attentes", prévient-il.

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"Mal chronique"

Les industries de santé constituent un poids lourd de l'économie française: la fédération chapeautant le secteur, la Féfis, regroupe plus de 2.500 entreprises de toutes tailles, totalisant un chiffre d'affaires de 90 milliards d'euros et représentant 455.000 emplois directs et associés. C'est le troisième secteur exportateur du pays, derrière l'aéronautique et l'automobile

Mais la filière s'estime malade depuis plusieurs années, touchée de plein fouet par les baisses de prix et d'encadrement strict de la progression des dépenses de médicaments par l'assurance maladie.

La part du médicament a contribué en 2017 à 43% des économies réalisées dans le cadre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), alors qu'il ne représentait que 16,6% de ces dépenses totales, contre plus de 51% pour l'hôpital, souligne le Leem.

"A cela s'ajoute un mal chronique: une complexité administrative hallucinante" freinant la mise en place d'essais cliniques en France, les collaborations avec des instituts de recherche publique, et allongeant fortement les délais d'autorisation de mise sur le marché des médicaments, dénonce M. Errard.

"Cela ne se fait pas sans impact sur l'attractivité, la compétitivité, notre capacité à investir et la possibilité que l'industrie pharmaceutique installée en France puisse rayonner" à l'étranger, ajoute-t-il.

Le chiffre d'affaires spécifique des médicaments remboursables en France a reculé de 0,6% en moyenne sur la période 2013-2017, et les exportations françaises de médicaments ont reculé de 3,7% l'an dernier, selon le Leem.

Rémunération "juste"

A ces difficultés s'ajoute la mauvaise réputation des industriels du médicament, particulièrement prégnante en France depuis le scandale sanitaire du Mediator, et plus récemment avec les polémiques récurrentes sur les prix des innovations thérapeutiques.

"Mais ce n'est pas parce qu'il y a eu le Mediator que l'on doit être banni de la scène publique pendant 30 ans" s'indigne Emmanuelle Quilès, PDG de Janssen France, filiale biopharmaceutique du géant américain Johnson and Johnson.

"Et ce n'est pas parce que l'on fait de l'argent avec le médicament que l'on est responsable du péché originel. Pour créer, pour innover, il faut investir" et cela mérite une rémunération "juste", ajoute Mme Quilès, par ailleurs candidate à la succession de M. Errard à la tête du Leem en septembre (avec Philippe Tcheng, responsable des relations gouvernementales à Sanofi).

Les prix de nouveaux médicaments capables de soigner des maladies auparavant incurables devraient être aussi évalués en fonction des économies qu'ils génèrent pour la collectivité en entraînant par exemple moins d'hospitalisations et de suivi de malades chroniques, plaide-t-elle.

"On ne doit pas avoir honte de cette industrie", résume la dirigeante. "Monsieur Macron ne parle que d'innovation, mais la +tech+, c'est en santé que cela se passe aussi" avec les biotechnologies, ajoute-t-elle, avouant redouter que le Csis ne fasse la part belle au numérique et à la santé connectée au détriment des autres composantes du secteur.

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