PARIS (awp/afp) - Le recyclage des bétons issus de la démolition des constructions anciennes progresse, mais des freins psychologiques et financiers demeurent quant à leur réutilisation à grande échelle dans la fabrication de nouveaux produits, selon les professionnels du secteur.

"On est en bonne voie. On est en route vers les 100%" de réutilisation des bétons anciens concassés, a estimé Laurent Izoret, un responsable du projet national Recybéton, lors d'une table ronde sur l'économie des ressources et le recyclage dans l'industrie du béton.

Le projet Recybéton, lancé en 2013 et qui doit se terminer en 2017, a pour objectif de démontrer la recyclabilité de cet élément essentiel dans la construction. Quelque 20 millions de tonnes de déchets de béton sont produites chaque année, sur un total de 240 millions de tonnes de déchets du BTP, en grande partie employés dans la construction de routes.

Les anciens bétons, une fois broyés, laissent place à des granulats réutilisables pour fabriquer à nouveau du béton, alors que la ressource en granulats naturels est en recul en France, explique Sophie Decreuse, directrice produits chez le cimentier Cemex France et représentante de l'Union nationale des producteurs de granulats.

"Les carrières sont en compétition avec d'autres implantations", indique-t-elle, et les durées d'autorisation d'exploiter sont réduites. En même temps, "il y a une augmentation régulière des granulats recyclés" qui atteignent aujourd'hui 8% du total utilisé par l'industrie du béton. "Plus on améliore le tri, plus on va pouvoir valoriser ces granulats", ajoute-t-elle.

Des essais ont été menés ces dernières années pour employer les produits issus du recyclage dans la fabrication du béton, a rappelé Serge Favre, ingénieur dans le groupe de construction Léon Grosse.

Cette entreprise a mené dès 2005 un programme de reconstruction de bureaux avec 3.500 m3 de béton réalisé à partir de granulats recyclés. Une petite partie a pu employer 100% de matière recyclé, mais la majeure partie était à 90%.

- Besoin de mesures incitatives -

On peut utiliser 100% de granulats de béton recyclés "pour peu qu'on ait un matériau de qualité au départ", souligne M. Favre. Une condition pas forcément facile à remplir.

Il a ainsi fallu 2 ans de recherches à la société Coopérative métropolitaine d'entreprise générale (CMEG), qui voulait réduire sa consommation de granulats naturels, pour trouver un approvisionnement régulier et homogène en béton recyclé pour sa production de préfabriqués, a raconté Matthieu Dufeu, ingénieur chez CMEG.

C'est une entreprise de collecte d'anciens poteaux électriques en béton qui fournit désormais la CMEG en matière première recyclée, couvrant entre 20 et 40% de ses besoins.

Pour développer l'emploi de granulats de béton recyclés, il suffirait d'en utiliser couramment entre 5 et 10% dans la fabrication des bétons neufs, relève Sophie Decreuse. Un taux qui ne pose pas de difficultés techniques majeures, selon les experts.

En Suisse, le standard est de 8%, sans avoir besoin de tests préalables, note d'ailleurs le responsable du projet Recybéton.

Reste à surmonter des obstacles, avant tout psychologiques, notamment des interrogations sur la qualité et la stabilité des bétons ainsi réalisés, relèvent-ils. Des "craintes non rationnelles", balaye Serge Favre.

"Ce serait bien d'obliger à utiliser" les produits recyclés, car "c'est plus cher" et "on manque d'incitations vis-à-vis des marchés", pointe de son côté Matthieu Dufeu.

"On a besoin de mesures incitatives plus que d'injonctions réglementaires", fait valoir le responsable de Recybéton.

D'autant plus qu'un dernier problème technique est en voie d'être réglé, celui de l'utilisation des particules les plus fines issues du broyage des déchets.

Celles-ci, d'une taille inférieure à 4 mm, pourraient être introduites en amont dans la fabrication du ciment, a ajouté M. Izoret. Des premiers essais menés au stade industriel sont concluants, a-t-il dit.

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