Paris (awp/afp) - Ventes et bénéfice en forte hausse, objectifs atteints: le distributeur Carrefour, porté par la hausse des prix des produits alimentaires dans les différents pays où il est implanté, a affiché mardi sa bonne santé pour l'exercice 2022, mais les spécialistes avertissent sur le peu de visibilité pour le secteur en 2023.

Un chiffre d'affaires qui progresse de 16% à 90,8 milliards d'euros, un bénéfice net qui bondit à 1,35 milliard d'euros en 2022, soit 26% de mieux que l'année précédente... Le PDG du groupe Alexandre Bompard s'est félicité mardi de "performances 2022 remarquables" dans un "contexte d'inflation inédit", preuve à ses yeux de la "solidité du modèle" de son entreprise.

De fait, le numéro deux français de la distribution derrière E.Leclerc a réalisé une "belle performance", apprécie auprès de l'AFP Clément Genelot, spécialiste du secteur de la distribution chez Bryan, Garnier & Co. Elle s'explique par la hausse du prix des produits vendus dans les grandes surfaces, qui "accélère sur l'ensemble des géographies" du groupe, "surtout en Europe et en France".

En vendant plus cher les produits sur ses rayonnages, Carrefour gonfle mécaniquement ses ventes, mais l'analyste observe aussi que "les volumes de ventes tiennent encore très bien".

Faible visibilité pour 2023

Il se montre toutefois prudent pour 2023: Carrefour, comme l'ensemble du secteur, "n'a pas beaucoup de visibilité sur l'ampleur du choc inflationniste pour l'année 2023", qui "peut avoir des répercussions assez fortes en terme d'arbitrage d'achat des consommateurs et de baisse des volumes", explique M. Genelot.

Dans un contexte inflationniste, la crainte des distributeurs et des fabricants est que les prix augmentent tellement que les clients "déconsomment", en d'autres termes se privent de produits devenus trop chers.

L'alimentaire est logiquement le dernier poste de dépense de consommation sur lequel les consommateurs vont rogner et, tant qu'ils peuvent, ils privilégient plutôt ce que les spécialistes appellent une "descente en gamme", en se tournant vers des produits moins chers comme ceux dits de marque distributeur (Marque Repère chez E.Leclerc, Simpl' chez Carrefour par exemple).

Mardi, Carrefour a expliqué vouloir continuer à "améliorer la compétitivité de sa politique commerciale", "développer la marque Carrefour, qui permet d'allier compétitivité prix et grande qualité alimentaire", et "poursuivre (ses) promotions qui sont très appréciées" par les clients, selon les mots du directeur exécutif Finances et Gestion Matthieu Malige, lors d'un point de presse.

M. Genelot estime toutefois que "si l'inflation alimentaire est trop forte, le risque existe que les marques propres" ou les promotions "ne suffisent plus" à soutenir les ventes et que les clients se tournent vers des enseignes jugées moins chères que Carrefour, notamment les discounters Aldi et Lidl ainsi que le leader français E.Leclerc.

Un milliard d'euros d'économies

En outre, les offres commerciales et promotionnelles pèsent sur la marge du distributeur, qui entend financer une politique de prix plus bas par une "forte discipline" pour comprimer ses coûts. Cela s'est traduit en 2022 par un milliard d'euros d'"économies de coûts", ce que Carrefour prévoit de rééditer en 2023.

Par ailleurs, le groupe a annoncé lancer un nouveau programme de rachat d'actions à hauteur de 800 millions d'euros en 2023, une mesure destinée à soutenir son cours de Bourse. En 2021, Carrefour avait déjà racheté pour 700 millions d'euros de ses actions, puis pour 750 millions en 2022, "en vue de leur annulation".

Et le distributeur entend choyer ses actionnaires en augmentant le dividende par action, de 0,52 à 0,56 euro, lors de son assemblée générale programmée le 26 mai.

A la clôture mardi, l'action Carrefour valait 16,42 euros, en hausse de plus de 2% sur la journée et de 4,99% depuis le début de l'année. Une moindre progression que celle de l'ensemble du CAC 40 (+11,4%).

Disant avoir "atteint l'ensemble de ses objectifs opérationnels" en 2022, il "anticipe une croissance de ses principaux agrégats" financiers en 2023, notamment l'Ebitda, le résultat opérationnel courant et le cash-flow libre net, des indicateurs de rentabilité et de niveau de trésorerie.

afp/rp