PARIS (awp/afp) - Malgré trois mois de négociations, les points de divergence étaient, selon des sources concordantes, au final encore trop nombreux entre Orange et Bouygues pour que l'opérateur historique rachète au groupe industriel sa filiale Bouygues Telecom.

"Le risque d'exécution"

Il s'agit d'une des principales raisons invoquées par Bouygues dans son communiqué. Car une fois l'accord signé entre les différentes parties prenantes, Orange et Bouygues d'une part mais également Iliad-Free et SFR qui devaient récupérer des pans d'activité de Bouygues Telecom, l'attente était encore longue, le temps que l'Autorité de la concurrence ne se prononce sur le dossier.

"Il était assez difficile de répartir les différents actifs de manière à avoir un marché concurrentiel équitable", a expliqué à l'AFP une source proche des discussions. Dans l'attente d'un hypothétique feu vert de l'Autorité de la concurrence, Bouygues Telecom se retrouvait fragilisée, prenant ainsi un retard quasi irrémédiable face à ses concurrents en cas d'échec, une situation inacceptable pour sa maison-mère.

Un point de vue partagé par le ministère de l'Economie, pour qui "il restait différents sujets ouverts, en particulier celui des risques liés à la non exécution" de l'accord, en cas de rejet par l'Autorité de la concurrence.

"Tous les acteurs étaient prêts à partager le risque, ceux qui prétendent qu'il y avait un risque de réalisation concurrentiel fort tentent de noyer le poisson", estime cependant une autre source proche des négociations.

Le rôle du ministère de l'Economie

Le ministre de l'Economie Emmanuel Macron "ne voulait pas que le deal se fasse", a assuré à l'AFP une des sources proches du dossier. "Tout le monde s'était mis d'accord avant que Macron ne revienne ajouter des conditions, cela a rompu le lien de confiance entre l'Etat et Martin Bouygues selon moi", croit savoir un observateur. Durant les derniers jours des négociations, la question de la participation de Bouygues au capital du nouvel ensemble a semblé être un point de crispation. "Il y avait un écart de valeur entre ce que proposait l'Etat, ce qu'avait avancé Orange et ce qu'attendait Bouygues et l'écart n'a pas pu être comblé", résume une des sources proches.

Une difficulté à laquelle s'est ajoutée celle de la gouvernance. Car, de sources concordantes, l'Etat souhaitait imposer à Bouygues un renoncement à ses droits de vote double ainsi que l'impossibilité de monter au capital d'Orange, au-delà de 12%, et ce pendant plusieurs années.

Le ministère se défend en revanche d'avoir modifié sa position. "Il n'y a pas eu de discussion au cours des 72 dernières heures", selon Bercy. "L'Etat avait ses lignes rouges en tant qu'actionnaire et ne s'en est jamais caché. Il a veillé à ses intérêt patrimoniaux", sans bloquer les négociations. "Il restait différents sujets sur la table et la grande majorité n'étaient pas liés à l'Etat actionnaire", assure le ministère.

Les opérateurs eux-même

S'ils affirmaient avoir tout intérêt à ce qu'un accord soit trouvé, afin de mettre fin à la concurrence effrénée qu'ils se livrent depuis l'arrivée de Free sur le marché en 2012, les opérateurs n'en ont pas forcément facilité la conclusion. "Martin Bouygues ne parle pas à Xavier Niel (Iliad-Free) qui refuse de parler avec Patrick Drahi (SFR)", résume un observateur du secteur.

"La direction d'Orange a manqué de poigne (dans ces négociations), les équipes ne suivaient pas, c'est devenu une machine à produire des contrats sans aucun sens. La position de Stéphane Richard est inconfortable désormais", considère un autre.

Mais Orange n'est pas le seul à être montré du doigt. "On a toujours senti que Xavier Niel ne jouait pas le jeu et ajoutait des closes suspensives" donnant le sentiment de pouvoir se retirer à tout moment, précise une source. "Il y avait des blocages à priori insurmontables, sur le réseau et les demandes de garanties, c'était très compliqué", ajoute un connaisseur du dossier.

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