L'Etat a dû se résoudre à intervenir, près d'un an après la déconfiture de la banque franco-belge Dexia qui avait également nécessité l'apport de garanties publiques, et ce à quelques semaines de nouveaux arbitrages dans le cadre de la réforme bancaire envisagée par le gouvernement.

Le CIF, qui compte quelque 2.500 salariés dont l'avenir est désormais menacé, a cherché en vain un repreneur ces dernières années. La Banque postale, un temps pressentie pour faire une offre, n'a pas donné suite.

"Ce qui est surprenant, c'est qu'aucune banque n'ait voulu prendre en main le CIF. C'est bizarre. Soit on a peur qu'il y ait des cadavres dans les placards et que ce soit plus grave qu'une crise de liquidité, soit les banques françaises ne se sentent pas assez fortes", note Marc Touati, président du cabinet ACDEFI.

"Il ne faut pas que cette banque fasse faillite, le système bancaire français ne peut pas se le permettre", dit-il.

Pour l'heure, les analystes estiment qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter outre mesure.

"Nous considérons qu'il s'agit d'un événement isolé et nous ne nous attendons pas à une contagion au reste du secteur", écrivent les analystes de Barclays dans une note de recherche.

"Les investisseurs semblent capables de faire la différence entre les émetteurs et les spreads (écarts de taux, NDLR) des autres institutions françaises restent resserrés", ajoutent-ils.

A titre d'illustration, BNP Paribas a placé mercredi 325 millions d'euros d'obligations à trois ans assorties d'un intérêt annuel de 0,25%.

MALAISE DANS L'IMMOBILIER

Même si les encours du CIF restent limités au regard de la production totale de crédits à l'habitat en France - et si son modèle de financement constituait une exception - certains professionnels du secteur immobilier sont préoccupés de constater la disparition d'un acteur dont les activités ont permis aux ménages les plus modestes d'accéder à la propriété, notamment grâce au dispositif de prêt à taux zéro (PTZ+).

"(C'est) une vraie catastrophe pour le monde de l'immobilier dont le grand public n'a pas encore pris la mesure", déplore notamment Jérôme Robin, président et fondateur du courtier vousfinancer.com.

"Le CIF est un vrai distributeur de prêts à caractère social (PAS), bon nombre de ses clients sont des foyers à revenus modestes et à endettements élevés", ajoute-t-il.

A mesure que les banques restreignent leurs volumes de crédit et reconstituent leurs fonds propres pour satisfaire aux exigences réglementaires de Bâle III, le rapport de forces des ménages les moins favorisés a peu de chances de s'inverser à court terme.

Les prix de l'immobilier devraient légèrement refluer au niveau national en 2012 mais demeurent à des niveaux historiquement élevés.

La ministre du Logement Cécile Duflot a déclaré mercredi que les dispositifs destinés à faciliter l'accession sociale seraient maintenus sans définir de quelle manière.

VENTE À LA DÉCOUPE ?

Reste à déterminer ce que peut devenir le périmètre du CIF. En mai, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, avait indiqué que le modèle économique de l'établissement, qui ne collecte pas de dépôts, était difficile à conforter face à l'évolution du contexte prudentiel.

L'Etat a obtenu le départ de l'ancien dirigeant, Claude Sadoun et son remplacement par un ancien administrateur, Bernard Sevez. Les contours de sa mission n'ont pas été précisés.

Sauf à envisager une diminution progressive de l'activité puis la fermeture de l'établissement, un adossement à un groupe bancaire plus important est toujours envisageable. Mais pour l'heure, le gouvernement n'a pas communiqué ses intentions.

"Je ne vois qu'une banque qui puisse reprendre (le CIF), BNP Paribas, la banque la plus solide de France aujourd'hui. Avec 2,4 milliards d'euros de fonds propres (chez CIF), ça peut valoir le coup", souligne Marc Touati.

Une porte-parole de BNP Paribas s'est refusé à tout commentaire. Personne n'était immédiatement joignable au CIF mercredi soir.

A défaut de trouver un repreneur, le CIF pourrait faire l'objet d'une vente par "appartements", à l'image de ce qui se pratique pour Dexia.

"C'est en tout état de cause un processus qui prendra du temps. Le groupe a beaucoup de filiales, un actionnariat complexe, ce sera beaucoup plus compliqué que pour Dexia", signale un banquier qui entrevoit une résolution du dossier sur plusieurs années.

Engagées dans des programmes de cession d'actifs destinés à renforcer leur capitaux propres, les grandes banques françaises sont toujours considérées comme robustes, même si des accidents de parcours impliquant des structures spécifiques ne peuvent être exclus.

Invité de France Inter dimanche, Jean-Marc Ayrault a estimé que le système bancaire français était "globalement" solide, même si "certain nombre de banques ou d'établissements" posait "problème". Matignon a précisé ensuite à Reuters que le Premier ministre faisait allusion uniquement à la situation de Dexia et du CIF.

Avec Matthieu Protard, Julien Ponthus et Jean-Baptise Vey, édité par Jean-Michel Bélot

par Matthias Blamont