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Quel regard portez-vous sur l'évolution du marché du pétrole ? 
On observe une grande contradiction quant à l'évolution du secteur par rapport à la constitution des stocks ces six dernières semaines (22,4 millions de barils soit près de 8% de hausse). Il me semble que le véritable point de résistance du prix du baril se situe aux alentours de 104 $.
Nous surveillons toutes les semaines quels sont les inventaires aux Etats-Unis et quel est l'écart entre le niveau effectif et le niveau escompté. La semaine dernière, nous avons eu 4,2 millions de barils alors que nous attendions 2,3 millions.

La demande apparaît être toujours soutenue. Il y a eu cet hiver une demande relativement importante avec des pics de froids assez exceptionnels, que ce soit en Chine ou en Etats-Unis.
Deux tendances saisonnières sont identifiées pour l'énergie, la première est basée sur une forte demande l'hiver : heating oil, la deuxième concerne le pic de demande sur le gas oil pour les vacances d'été, période où les américains prennent leur voiture pour les vacances.

Enfin, le développement de véhicules à bas coût comme ceux qui sont conçus en Inde pour un prix de 2000 euros, devrait stimuler davantage l'augmentation de la consommation en carburant.

Ce qui oriente la tendance sur le long terme, c'est la décision de l'OPEP.
La réunion de l'OPEP aura lieu le 5 Mars à Vienne : si l'OPEP  baisse le plafond de production, le pétrole risque de casser ses niveaux de résistance. Dans le cas d'une production inchangée, une légère correction serait en route pour revenir à un niveau de 90$ le baril.

Même s'il n'y a pas de baisse de la production décidée par l'OPEP, en considérant le fait que les raffineries fonctionnent à hauteur de 83,5%, sur le court terme, nous nous attendons à une correction pour opérer un ajustement à tout ce qui est saisonnier.
La correction devrait se faire à la fin de l'hiver en raison du fait de la demande sur le heating oil

Quel est votre avis sur la position de l'OPEP ?
Le marché aujourd'hui s'attend à une évolution à la baisse mais nul ne sait quelle en sera l'ampleur.
Il y a au sein du cartel une division entre le clan Amérique centrale, Amérique latine et le clan Arabie saoudite, autrement dit entre ceux qui composent avec la politique des Etats-Unis et ceux qui ne souhaitent pas le faire.

Quelle est la situation des métaux précieux ?
Dans l'univers des métaux précieux, le platine, le paladium et l'or sont en train de connaître un essor considérable.

L'or est à 960$ l'once et frôle les 1000$. Ce métal précieux a vocation à servir de valeur refuge dans un contexte de forte inflation.
Le compartiment matières premières pousse les prix à la hausse. Certains pays ont des niveaux d'inflation record, la Chine par exemple connaît son plus haut niveau d'inflation depuis 11 ans.
Les prix liés aux dépenses de consommation (PCE) aux Etats-Unis ont grimpé de 4,1% (contre 3,9% attendu) et l'indice PCE de base, qui ne prend en compte ni l'alimentaire ni l'énergie, croît de 2,7%.

La Fed très inquiète de l'évolution de l'économie américaine, essais de gérer sa politique de taux. Mais malgré la réactivité de la banque centrale, le fed general economic index est à son niveau le plus bas : -24. Cet indice est surveillé de très près habituellement pour tester l'optimisme du secteur commercial aux Etats-Unis.
Nous sommes précisément dans une situation de stagflation : les prix orientés vers le haut bloquent des consommateurs déjà affectés par la crise des subprimes.

S'agissant du platine, la crise est beaucoup plus structurelle. Nous avons eu une hausse de près de 30% sur le platine en 2007 (de 1500 dollars l'once en début d'année, le prix atteint 2200 dollars l'once aujourd'hui). Cette hausse s'explique par la tension qui pèse sur le marché.
Du coté de l'offre, l'Afrique du Sud qui représente  80% de la production mondiale de platine connaît une importante crise énergétique qui affecte la production des mines et semble annoncer l'interruption de certaines exploitations minières.
En janvier, la compagnie publique d'électricité Eskom a procédé à des délestages massifs qui ont paralysé l'économie et révélé l'obsolescence de ses infrastructures. Or, la crise devrait durer jusqu'à l'entrée en service de nouvelles centrales en 2012 et d'ici là, l'industrie devrait se priver d'environ 10% de sa consommation électrique.
Du coté de la demande, les considérations de protection de l'environnement et de diminution de la pollution ont amenés les constructeurs automobiles à s'intéresser de près au platine pour la construction de pots d'échappement plus propres.
L'envolée des prix du platine est telle que certains constructeurs automobiles pensent se réorienter vers le paladium. C'est ainsi que nous observons le prix de ce dernier métal grimper, de 360 $ l'once le prix a progressé à 550 $.

L'argent a assez bien performé ces derniers mois. Dans la foulée de l'or, le métal gris a touché un nouveau pic. Alors que nous étions en septembre à 12$ l'once,  nous sommes à présent à 17$, soit une augmentation de 75%.

Qu'en est-il des métaux de base ?
Depuis le mois de septembre, il y a eu des corrections à la baisse sur les métaux de base. Seuls  le zinc et le nickel avaient tenus en raison d'une demande importante de la Chine.
Depuis janvier 2008, la progression a repris, nous sommes pratiquement revenus au niveau de septembre 2007.

Pensez-vous que la demande provenant des pays émergents est à même de compenser l'affaiblissement de la demande provenant des pays développés ?
Habituellement ces métaux de base étaient très liés au Dow Jones mais depuis deux ans la corrélation se fait davantage par rapport à la croissance économique des pays émergents. 
Les chantiers en Chine et en Inde sont des chantiers de long terme. Les plans relatifs à la construction de voies ferrées, de câbles électriques, de liaisons de télécommunication, d'autoroutes, sont établis sur plusieurs années.
La demande est indéniablement structurelle.

Quel regard portez-vous sur la progression des prix des matières premières agricoles ?
Les matières premières agricoles liées aux biocarburants ont connu une progression considérable.
Nous avons vu il y a quelques jours le soja atteindre son plus haut historique. La demande est calculée en fonction d'un existant en terme d'hectares et de terres arables.

Le rallye de ce compartiment a commencé  fin 2006, début 2007. Il y a eu un phénomène de rattrapage du maïs par le blé et le soja. La plupart des terres arables avaient été mises à la disposition de la culture du maïs, identifié comme la composante leader des biocarburants et énergies propres. Progressivement, le nombre d'hectares destinés au blé et au soja a beaucoup diminué.

Il y a eu des ajustements. Les chiffres dernièrement publiés par le département agricole des Etats-Unis révèlent une baisse des plantations concernant le maïs de 3,8% (à l'origine 90 millions d'hectares), une augmentation de 6% s'agissant du blé (64 millions d'hectares contre 60 millions), une hausse de  12% pour le soja à 71 millions d'hectares, la plus faible augmentation depuis 1995.

Qu'en est-il du sucre ?
En 2006, il y avait eu énormément d'engouement pour le sucre. Le sucre de canne étant utilisé pour le biocarburant. L'engouement s'est essoufflé dans la deuxième partie de 2006. Nous étions descendus jusqu'à 10 cents la livre. Nous sommes aujourd'hui à 14 cents la livre.

L'augmentation concerne également la consommation de viande ?
On observe que la consommation de viande par individus dans les grands pays émergents est en augmentation en comparaison avec ce qui s'est passé en Corée et au Japon à la fin du siècle dernier. Lorsque ces deux pays ont connu leur développement économique, il y a eu une augmentation importante de la consommation du kilo de viande.

La courbe est beaucoup plus tendue aujourd'hui pour des pays comme la Chine.
Alors qu'on estime une augmentation du PIB à 15 sur la Corée, avec une augmentation de 1,5 jusqu'à 12 en terme de kilo de viande consommé par le coréen, en Chine l'augmentation du PIB est évaluée à 7, avec une multiplication par 5 pour la consommation en terme de kilo de viande.

Quels sont les principaux éléments que vous prenez en considération dans l'analyse de la gestion des matières premières ? 
L'analyse de la gestion des matières premières suppose la prise en compte de l'aspect spot qui reflète les considérations macro économiques ainsi que les points de forward qui renseignent sur la performance sur un indice matière première que ce soit sur le moyen ou le long terme.
Les forwards peuvent prendre en compte la constitution des matières premières, le coût de stockage et les intérêts qui vont composer le forward en plus.

En cas de crise en shortage sur la livraison immédiate, on risque de tomber dans une situation de backwardation où le spot se trouve inlivrable du fait de difficultés sur le pôle de production, d'explosions sur les plateformes offshores…

Ceux qui ont bouclé leur livraison depuis longtemps ne peuvent plus s'alimenter par cette source et sont obligés de se tourner vers d'autres sources de production qui ne seront peut être pas libres et qu'il faudra alors surpayer pour avoir les besoins immédiats.

Quel est le profil de vos produits ?
Nous avons lancés 4 produits depuis 2005, depuis que nous avons créé la plateforme easyETF. Nous ne sommes pas des gérants de matières premières futures.
Nous procédons à une réplication synthétique des indices de Goldman sachs.

Nous avons un premier fonds dont la pondération  en énergie est la plus importante et représente 70% du portefeuille.
Ce fonds a une étroite corrélation avec les contrats futurs de pétrole mais avec une moindre volatilité : 20% au lieu de 40%. Ce produit convient aux asset managers qui n'ont pas le droit d'investir dans des dérivés.

Par suite, nous avons un autre fonds qui réplique des indices représentant la production des matières premières en retirant le secteur énergie. L'idée de ce produit est d'échapper à la correction sur le pétrole.

Dans un autre de nos fonds, nous avons capé le secteur énergie pour qu'il ne soit plus surpondéré. L'indice est global et représente les 5 secteurs de matières premières. Ce produit correspond à un investisseur qui n'a pas d'idée préconçue sur un timing ou sur un secteur en particulier.

Dans un autre de nos fonds, il n'y a que du monétaire, avec la possibilité de faire des dérivés à hauteur de 10%, pour faire le swap de performance entre le monétaire et la performance de l'indice sous jacent.
Indice : secteur agricole (80%) et bétail 20% (consommation plus protéinique). 

Enfin nous avons lancé BNP parworld agriculture dans le courant du second semestre 2007. Ce produit constitue une réponse à une demande des clients, à savoir diversifier l'investissement sur l'agriculture en étant sur plusieurs méthodologies : le goldman sachs agriculture, le dow jones agriculture : au-delà de la production, sont pris en compte la liquidité et la représentativité sur les marchés.

Quelle a été la performance des indices ?
En 2006, l'indice gagnant était goldman sachs non energy EasyETF GSNE alors que le  pétrole baissait.
Sur un an  le Goldman Sachs Commodities index  EasyETF GSCI a performé de près de 44%. L'indice agricole EasyETF GSAL a quant à lui performé de  35%.

Propos recueillis par Imen Hazgui

- 04 Mars 2008 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

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