Plusieurs analystes interrogés par Reuters estiment que le net ralentissement de l'activité - la croissance a été nulle en France les trois derniers trimestres et s'annonce du même ordre pour la fin de l'année - empêchera le gouvernement de réduire ce déficit de 4,5% attendu fin 2012 à 3% en 2013.

Mais ils ajoutent que les efforts menés devraient permettre d'atténuer l'impact sur la crédibilité de la France.

A tout le moins, ils s'attendent à des correctifs budgétaires courant 2013, à mesure que la prévision de croissance gouvernementale sera révisée en baisse, ce qui leur paraît inéluctable.

A 0,8%, cette prévision est quasiment le double du consensus des économistes. Elle est le principal facteur d'incertitude du projet de budget, chaque dixième de point de pourcentage de produit intérieur brut en moins imposant un effort supplémentaire d'un milliard d'euros pour tenir les déficits.

"Les tours de vis annoncés ne vont pas suffire pour atteindre les 3% mais ce n'est pas plus mal", estime Ludovic Subran, économiste chez l'assureur crédit Euler Hermes, qui appelle à préserver le peu de croissance envisageable.

Pressé par des économistes et l'aile gauche de sa majorité de différer le retour à 3%, le gouvernement a fait le choix de le confirmer pour conserver la faveur des marchés financiers et de ses partenaires allemands.

"Le gouvernement sait très bien que s'il ne se tient pas à ce réalisme économique, derrière, il y aura les marchés financiers et la Commission européenne qui l'attendent au tournant", a déclaré Dominique Barbet, économiste chez BNP Paribas, lors d'une présentation.

COHÉRENT AVEC LA COUR DES COMPTES

Le ministre délégué au Budget, Jérôme Cahuzac, l'a réitéré mardi devant les députés. "Ces engagements, nous les tiendrons car il y va de la réputation de la France et de la qualité de sa signature", a-t-il dit.

Malgré la dégradation de sa note par l'agence Standard and Poor's, la France s'est en effet financée ces derniers mois à des taux exceptionnellement favorables, et même négatifs sur des durées courtes, ce qui lui a permis de réaliser au moins 1,4 milliard d'euros d'économies.

Pour Ludovic Subran, "à 3,5% de déficit on continuerait de rassurer les marchés". "1,5 point de réduction c'est beaucoup et si on veut arriver à 3%, on aura une croissance zéro en 2013, et là ça devient dangereux", prévient l'économiste.

Les économistes de JP Morgan estiment eux aussi que "le dérapage est probable" et attendent un déficit à 3,3% du PIB.

Au total, l'effort de redressement prévu pour 2013 serait d'environ 37 milliards d'euros, le gouvernement attendant, en plus des 30 milliards annoncés par François Hollande pour le budget 2013, environ 7 milliards du budget rectificatif voté en juillet.

Le chiffre est cohérent avec les estimations de la Cour des comptes, qui calculait en juin qu'il faudrait trouver 33 milliards d'euros pour atteindre 3% de déficit si la croissance était de 1% en 2013, 38,5 milliards si elle était de 0,5% et 44 milliards si elle était nulle.

Si l'ampleur du redressement est contestée pour le risque de spirale récessive qu'elle fait peser sur le pays, le choix de privilégier les hausses d'impôts aux économies inquiète aussi certains économistes.

"L'EFFROI" DU MEDEF

Les efforts prévus dans le projet de loi de finances se répartissent en 10 milliards d'impôts supplémentaires sur les ménages et autant sur les entreprises, alors que les économies sur le train de vie de l'Etat apporteront le reste.

Cette répartition a provoqué l'"effroi" des chefs d'entreprise, selon les mots de la présidente du Medef.

"Nous craignons que les ménages et les entreprises adoptent des comportements qui ne seront pas favorables à la consommation ou à l'investissement, et donc à la stimulation de la croissance", a dit Laurence Parisot.

"Nous ne nous attaquons toujours pas au coeur du problème", la dépense publique, qu'il faudrait selon elle réduire deux fois plus qu'on augmente les impôts.

Le gouvernement fait valoir en retour qu'il a choisi de cibler les ménages les plus aisés et les grandes entreprises pour préserver autant que faire se peut la consommation et l'activité des PME.

Symboliquement, une tranche d'imposition à 45% sera créée pour les revenus supérieurs à 150.000 euros et ceux dépassant un million d'euros seront taxés à 75%. Surtout, le barème de l'impôt sur le revenu sera gelé, celui de l'impôt de solidarité sur la fortune sera relevé et le plafond de niches fiscales abaissé.

Pour les entreprises, "les PME-PMI sont non seulement préservées mais aidées", a assuré Pierre Moscovici.

Côté économies, le gouvernement n'a pas vraiment précisé comment il comptait parvenir à 10 milliards d'euros, expliquant simplement que tous les ministères devraient se serrer la ceinture, à l'exception de l'Education, de la Justice et des missions de sécurité.

Les règles de maîtrise des dépenses ont été fixées pour l'ensemble du quinquennat, avec pour horizon l'équilibre des comptes publics fin 2017, pour la première fois depuis 1974.

La hausse de l'ensemble de la dépense publique serait limitée à 0,8% par an en moyenne sur le quinquennat et les dépenses de l'Etat seraient gelées en valeur, hors dette et pensions.

"On fait une politique de coupes fortes, d'économies de dépenses puissantes", a dit Pierre Moscovici, en excluant toutefois de suivre l'exemple de pays en crise comme l'Italie et l'Espagne. "Je ne veux pas d'une politique d'austérité, c'est-à-dire une politique qui touche les salaires, qui affaiblit l'Etat, qui paupérise l'Etat, qui touche le pouvoir d'achat."

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, présenté le 10 octobre en conseil des ministres, apportera lui aussi son lot d'économies, annoncées à 2,5 milliards d'euros.

Edité par Yves Clarisse

par Jean-Baptiste Vey et Yann Le Guernigou