"L'année dernière, les nombreuses incertitudes sur la croissance et la politique monétaire et budgétaire à l'échelle mondiale nous avaient incités à émettre des perspectives très prudentes pour 2010. Un an plus tard, certaines incertitudes subsistent tandis que d'autres sont apparues. Les économies développées s'efforcent encore aujourd'hui d'effacer les séquelles de l'éclatement de l'énorme bulle de crédit", estime Vincent Treulet, responsable de la stratégie d'investissement de BNP Paribas Investment Partners.

"Des études universitaires ont montré que cette lente convalescence continuera de peser sur la croissance pendant encore de nombreuses années. Aux États-Unis, le noeud du problème se situe au niveau du marché du logement et de l'endettement des ménages, alors que le gouvernement doit encore prendre des mesures pour s'attaquer à un déficit public abyssal. En Europe, les chiffres globaux positifs de la croissance cachent des réalités bien différentes selon les régions."

"L'endettement des États constitue le principal souci. Pour toutes ces raisons, et à l'instar de l'année dernière, nous ferons preuve de prudence dans nos perspectives relatives aux économies développées. Nous n'anticipons par contre pas de double creux. En effet, la plupart des chiffres de la production, de l'emploi et de l'immobilier ont été corrigés et les bénéfices des entreprises sont sensiblement repartis à la hausse. Ce type de rebond est généralement suivi d'une reprise des dépenses d'investissement et de l'emploi."

"Nous sommes beaucoup plus confiants à l'égard des économies émergentes. D'une part, ces pays ne souffrent pas, dans l'ensemble, des maux du monde développé (notamment le lourd endettement). D'autre part, ils bénéficient depuis plusieurs années de politiques économiques saines qui ont enclenché un processus de développement structurel vigoureux. Nous ne voyons pas l'inflation s'envoler en 2011 en dépit du plan QE II des États-Unis. Nous sommes en réalité quelque peu sceptiques quant à l'efficacité réelle de ce plan. Certes, des liquidités supplémentaires seront injectées dans le circuit économique, mais le manque de liquidités ne constitue pas l'obstacle majeur."

"Ce n'est que si l'économie venait soudain à connaître une forte croissance, chose peu probable, que le risque d'inflation serait réel. La réapparition de nouvelles bulles d'actifs constitue un risque bien plus grand. En ce qui concerne la zone euro, la BCE réfléchit de nouveau à la sortie la plus adéquate de sa politique monétaire très accommodante.
"Les liquidités créées par la Fed pourraient trouver leur chemin vers les marchés émergents, de sorte qu'afin d'empêcher la création de nouvelles bulles, ils disposeront d'un argument supplémentaire pour relever leurs taux. Le vent peut rapidement tourner sur les marchés des devises. La faiblesse du dollar face à l'euro juste avant l'annonce officielle du plan QE II a été suivie par un fléchissement de la monnaie unique en raison des tensions dans la zone euro. Les perspectives de mesures d'austérité budgétaire sévères risquent de peser sur l'euro."

"Au Japon, nous ne pensons pas que le yen restera aussi fort qu'il l'a été récemment vu la fragile reprise de l'économie intérieure. Les marchés émergents poursuivront leur lutte contre l'appréciation de leur monnaie. Nous considérons d'ailleurs le thème des devises comme un des risques pesant sur nos perspectives pour l'année 2011."

"S'agissant de l'allocation d'actifs, nous pensons que la quête du rendement sera le thème dominant de l'année 2011. Dans ce contexte de croissance et d'inflation faibles, les obligations d'entreprises tendent à surclasser les actions en termes de performance corrigée du risque. Dans un tel contexte, les entreprises se portent suffisamment bien pour garder des bilans sains mais pas assez pour accroître sensiblement leurs bénéfices. Elles s'abstiendront probablement de s'aventurer dans des acquisitions excessives.
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"Les taux sont historiquement bas et ne pourraient baisser davantage que dans un scénario déflationniste à la japonaise, que nous ne prévoyons pas. Même une légère hausse des taux pourrait annihiler la performance de la classe d'actifs. Par ailleurs, les matières premières affichent des rendements négatifs en raison de facteurs techniques sur le marché.
"En conclusion, nous assisterons à plusieurs changements de vitesse en 2011, qui offrira à l'investisseur actif de nombreuses opportunités intéressantes d'accroître le risque de son portefeuille pour réaliser ensuite des prises de bénéfices, tandis que le moral des investisseurs oscillera entre l'optimisme à l'égard de la dynamique de croissance et l'inquiétude quant à l'efficacité finalement limitée des politiques monétaires dans les économies fortement endettées."