"

(Easybourse.com) De quelle manière se caractérise votre stratégie d'investissement ?
Nous sommes aujourd'hui «très peu innovants» autrement dit très proches de nos benchmarks.

Il faut faire très attention à ce que le gérant ne se trompe pas de priorité et n'oublie pas  l'objectif de son client. Il ne s'agit pas de prendre des risques excessifs de « market timing » pour découvrir le jour exact où le marché se retourne, même si ce timing est évidemment très important.
Le but est d'abord  d'essayer d'atteindre ce que souhaite le client, en particulier en termes de prise de risque. Aujourd'hui, il faut d'abord que les objectifs de liquidité et, si possible, de rendement soient atteints.
 
C'est pourquoi, dans notre allocation de type diversifiée, nous sommes globalement très proches de la neutralité, avec une petite poche de liquidités pour profiter des exagérations de marchés.

Comment percevez-vous l'évolution de la conjoncture économique en 2009 ?
L'économie n'a pas de raison de rebondir très rapidement malgré les moyens considérables mis en place pour éviter une dépression. La courbe exprimant la croissance du PNB devrait davantage suivre la forme d'un U à la base assez élargie, plutôt que celle d'un V !
Aussi les marchés vont hésiter. Nous aurons sans doute des faux départs, entrecoupés de rebonds peut-être brutaux…. comme à chaque fin de période de baisse.

Quelle est votre préférence en termes d'allocation géographique ?
Nous ne sommes pas très enthousiastes sur la zone européenne aussi bien dans le domaine des actions que dans le domaine des obligations.
Et la crise étant  partie des États-Unis, nous  avons tendance à penser qu'elle devrait aussi se résoudre plus rapidement en Amérique du nord.

Pour la plupart des gérants, il y a tout lieu de concentrer les investissements sur le marché domestique. Qu'en pensez-vous ?
Un comportement naturel veut que lorsque les choses vont mal, on ait tendance à « retourner à la maison ».
Les gérants cherchent protection sur le marché qu'ils connaissent le mieux, où ils sont le plus en sécurité  par rapport à leurs clients, à leurs indices de référence,…éventuellement par rapport à leurs concurrents ou à leur hiérarchie.

Ce retour à la maison est tout à fait visible.
Si l'on compare l'indice MSCI Europe et MSCI Monde, alors qu'il y avait ces dernières années une très grande corrélation entre ces deux indices, le retour à la maison de tout un ensemble de gérants qui ont réduit leur exposition internationale à fortement amoindri cette corrélation.

Qu'en est-il de vos choix s'agissant des classes d'actifs ?
Il y a clairement de la valeur pour les obligations de crédit dans lesquelles nous avons décidé d'investir, sous réserve d'une sélection très rigoureuse.
Nous étions  encore très légèrement  sous pondérés, en fin d'année,  par rapport à nos objectifs, dans la classe actions.

Plus qu'une question de produit, ou de secteur, le choix d'investissement doit reposer sur une analyse de structure...
La capacité d'innovation, le dynamisme d'une entreprise, son potentiel de croissance, l'énergie de son management, le bilan solide,  étant données les difficiles conditions de refinancement, sont autant de facteurs primordiaux à prendre en compte.
On ne peut pas se contenter d'acheter une idée, un concept.
Les entreprises dans lesquelles on investit doivent disposer d'un free cash-flow élevé,  d'un business plan de qualité garantissant une meilleure stabilité de la société en cette période de turbulences, et évidemment d'une bonne santé financière.

Quelles thématiques seraient- elles judicieuses de jouer ?
Nous recherchons des actions à dividende élevé et protégé,  même si les rendements apparents de 10 ou 12 %, supérieurs  au rendement des obligations, paraissent particulièrement fragiles ; ou encore des valorisations attrayantes, même si nous sommes  très méfiants sur les profits 2008, et plus encore 2009 ! De manière générale, la sélection de valeurs l'emporte sur la sélection sectorielle.

Nous sommes encore dans un environnement où les consensus affichés sont particulièrement élevés même s'ils sont révisés au quotidien. Cet optimisme de circonstance ne vous paraît pas raisonnable : comment l'expliquez-vous ?
Le problème est que le réajustement des prévisions se fait beaucoup à partir des perspectives  des dirigeants d'entreprises, et que la plupart d'entre eux, très pessimistes sur le niveau d'activité, ne s'expriment plus guère sur la « guidance » ….
Dans un marché particulièrement sensible aux mauvaises nouvelles, chacun veille  à ne pas  mal communiquer et préfère, dans le doute, s'abstenir. Il y a donc un effet de retard….et en attendant, les analystes sont un peu seuls !

Les marchés ne pensent pas que la croissance des bénéfices par actions en 2008 et 2009 sera au niveau annoncé par le consensus des analystes.

Les multiples de PE ne vous semblent-ils pas historiquement très attrayants ?
Il est vrai que nous avons atteint des niveaux comparables à ceux de la crise de 98, ce  qui montre les excès commis par le marché.
Mais d'un autre coté, dans le PE, la seule chose dont on soit sûr c'est le P…car nous ne sommes pas du tout certains de la manière dont les « earnings » vont évoluer.
Dans un environnement où l'activité est mauvaise, où les marchés se sont préparés à des corrections à la baisse, la tendance naturelle sera sans doute de « charger » l'année 2008, sans trop essayer de faire beaucoup mieux que les voisins….

Ainsi, nous nous attendons, à court terme,  à peu de surprises positives sur le marché des actions, les  investisseurs n'étant pas prêts à les saluer.

La distinction entre grandes et petites capitalisations est à relativiser. Pourquoi ?
On pense souvent que les petites capitalisations sont plus fragiles et plus volatiles. Depuis le début de la crise ces petites capitalisations ne se sont pas beaucoup plus  mal comportées en termes de résultats, même si elles font un peu moins bien que les grandes capitalisations pour des raisons de liquidités.
La distinction est à relativiser dès lors que des menaces apparaissent mêmes sur les plus grands noms des différents marchés internationaux.

Le marché ne fonctionne pas de manière complètement désordonnée, même si il a exagéré ses tendances...
Par rapport à l'indice MSCI Euroland, le marché a effectué un certain  tri. On peut avoir  l'impression que les investisseurs ont paniqué et abandonné toute rationalité lorsque l'on regarde les performances absolues, mais  en analysant la situation plus en détail, on se rend compte que les secteurs les mieux protégés, ceux qui s'inscrivent un peu en dehors de la conjoncture : la santé, les télécoms, les services publics, ont joué, relativement, leur rôle défensif.

Parallèlement, les investisseurs se sont écartés de ce qui apparaissait comme le plus fragile dans un tel contexte : les matériaux, l'industrie pure, la finance, les techniques d'information et de communication.

Suivant les données chiffrées, le Royaume-Uni apparait comme une région plus résistante en relatif. Comment expliquez-vous ?
Cela tient essentiellement à la composition des indices. Il y a dans ce pays un poids plus important des entreprises pharmaceutiques qui donnent l'impression d'un meilleur comportement.
En réalité l'économie britannique ne se situe pas dans une situation plus confortable. L'effet de levier a été particulièrement significatif non seulement dans l'immobilier mais également dans beaucoup d'entreprises.

Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur les marchés en cette nouvelle année ?
La révision à la baisse de la croissance des profits des entreprises,  la détérioration des termes de l'échange, la décélération du commerce international, et plus généralement la déflation et le protectionnisme !
 
Un des problèmes majeurs que nous avons est que cette crise est auto réalisatrice…
Cette crise fabrique un sentiment de peur telle que tout projet de moyen et long terme est  bloqué, ou tout au moins différé. La chute de l'investissement menace l'emploi qui menace à son tour la consommation !

Au-delà des mouvements déraisonnables constatés en octobre dernier où nous avons vu des particuliers chercher à retirer leurs avoirs de leurs banques- et il a suffi que  les gouvernements  garantissent les dépôts pour que ce comportement cesse-, il y a un problème général de confiance dans l'économie qui doit être rétablie.
Les plans de relance mis en place partout dans le monde devraient permettre de calmer ces inquiétudes, dans un premier temps,  avant de restaurer cette confiance des agents économiques.
 
A quand prévoyez-vous un retournement durable du marché ?
Il y aura un retournement du marché lorsque celui-ci sera capable d'absorber les mauvaises nouvelles (chiffres d'affaires,  résultats, déceptions par rapport au consensus des prévisions) sans mouvement brutal de baisse, voire avec de légères hausses ! Cela voudra dire que « tout ce qui devait être vendu l'a été »  et que le consensus était simplement devenu trop pessimiste !

Propos recueillis par Imen Hazgui

- 06 Janvier 2009 - Copyright © 2006 www.easybourse.com

"