Adidas a annoncé jeudi qu'elle allait continuer à travailler sur la fin de son partenariat avec le rappeur controversé Kanye West. Le conseil d'administration veut examiner comment il peut utiliser les produits Yeezy issus de la collaboration mode avec l'artiste, mais calcule aussi qu'il restera assis sur la marchandise. Cela réduirait le chiffre d'affaires d'environ 1,2 milliard d'euros et le résultat d'exploitation d'un demi-milliard d'euros. Les actionnaires n'ont pas du tout apprécié l'annonce de jeudi soir : avec une chute du cours, ils ont envoyé l'action Adidas en queue du Dax vendredi matin.

Le cours était encore en baisse de 11% à 138,80 euros. Par rapport au début de l'année, il a ainsi encore gagné environ neuf pour cent.

Début novembre, l'action avait chuté jusqu'à un plus bas de plusieurs années d'environ 93 euros suite à un avertissement sur les bénéfices et le chiffre d'affaires. La nomination du nouveau président du groupe, Björn Gulden, a déclenché un mouvement inverse : Au cours de celui-ci, le cours s'est redressé jusqu'à plus de 160 euros début février.

Mais Adidas vient de surprendre avec une mauvaise nouvelle. Le groupe de mode sportive a annoncé jeudi soir à Herzogenaurach que son chiffre d'affaires devrait baisser d'un pourcentage élevé à un chiffre en 2023, hors effets de change. Même en l'absence d'éléments exceptionnels, le résultat d'exploitation ne devrait être que proche du seuil de rentabilité.

Si Adidas décidait en outre de ne plus du tout utiliser les produits Yeezy, le stock devrait être amorti, ce qui pèserait sur le bénéfice à hauteur d'un demi-milliard d'euros. Le directoire s'attend en outre à des coûts non récurrents liés à des mesures visant à remettre le groupe sur les rails. Si ces deux effets devaient se concrétiser pleinement, il en résulterait une perte d'exploitation totale de 700 millions d'euros, a-t-on précisé.

Les analystes ont été unanimes sur les avertissements concernant les prévisions : Volker Bosse de Baader Bank a qualifié les perspectives de "très décevantes" et "nettement inférieures aux attentes". Toutefois, il s'attendait déjà à ce que le nouveau président du groupe, M. Gulden, commence son mandat par des paroles prudentes et quelques "travaux de nettoyage". Il poserait ainsi les bases d'une croissance rentable.

Selon l'analyste de RBC Piral Dadhania, la fin du partenariat avec West a un impact beaucoup plus négatif sur l'activité d'Adidas que ce que l'on craignait. Il s'attend à ce que le groupe déprécie entièrement son stock de Yeezy. Adidas a des devoirs à accomplir. Il faut changer la culture de l'entreprise et éviter que les produits finis restent trop longtemps en stock. L'expert du secteur a réduit son objectif de cours pour l'action Adidas de 20 euros à 110 euros et conseille aux investisseurs dans ce segment de se tourner vers les actions des concurrents Puma et Nike.

Chiara Battistini, analyste chez JPMorgan, attend un message clair de la part de la direction d'Adidas lors de la présentation des résultats définitifs début mars afin d'évaluer la nature à court ou long terme des problèmes. Elle a qualifié les nouvelles de jeudi d'"effectivement troisième avertissement sur les bénéfices en quatre mois".

Le nouveau président d'Adidas, M. Gulden, n'a pas caché les problèmes : "Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Nous ne sommes actuellement pas aussi performants que nous devrions l'être", a-t-il déclaré, selon le communiqué. Le manager n'a pris la tête du groupe qu'en début d'année, succédant à Kasper Rorsted. "2023 sera une année de transition pour jeter les bases d'une entreprise à nouveau en croissance et rentable".

Gulden, qui est arrivé de chez le rival local Puma, veut soumettre le groupe à un examen stratégique afin de retrouver le chemin d'une croissance rentable en 2024. Le groupe s'attend à des coûts non récurrents pouvant atteindre 200 millions d'euros en 2023. Gulden veut renforcer à nouveau la marque et améliorer le développement des produits et la distribution. "Nous devons remettre les pièces en place, mais je suis convaincu que nous pouvons faire briller Adidas à nouveau. Mais pour cela, il nous faudra un peu de temps".

L'année dernière, Adidas a dû faire face à une inflation élevée et à des problèmes en Chine. A cela s'est ajoutée la résiliation de la coopération avec Kanye West, notamment en raison d'accusations d'antisémitisme à l'encontre du rappeur. Selon les chiffres provisoires publiés jeudi, le chiffre d'affaires a augmenté de 6% pour atteindre 22,5 milliards d'euros. Hors effets de change, la hausse a été de 1 %. Le fabricant n'a donc réussi qu'à atteindre la limite inférieure de ses prévisions de croissance, plusieurs fois revues à la baisse.

La marge brute, très surveillée par les analystes, a baissé de 50,7 à 47,3 pour cent, a encore indiqué Adidas. Le résultat d'exploitation a chuté d'environ deux tiers par rapport à l'année précédente, à 669 millions d'euros. Au final, le bénéfice des activités poursuivies s'est établi à 256 millions d'euros. En 2021, Adidas avait encore gagné environ 1,5 milliard dans ce domaine. L'année dernière, le groupe avait également abaissé à plusieurs reprises ses prévisions de bénéfices. Il a désormais atteint le dernier chiffre prévu /ngu/nas/stw/mis.