par Georgina Prodhan

LONDRES, 30 mars (Reuters) - C'est un Rupert Murdoch en colère qui est passé à la contre-attaque jeudi contre les "ennemis" qui accusent son groupe de médias News Corp d'avoir piraté ses rivaux, les qualifiant d'"aristos et de conservateurs" bloqués sur leurs privilèges du siècle dernier.

Déjà fragilisé par le scandale des écoutes téléphoniques clandestines en Grande-Bretagne, News Corp est au centre de nouvelles allégations lancées en Grande-Bretagne et en Australie selon lesquelles une filiale du groupe aurait eu pour mission de favoriser le piratage de chaînes de télévision payante concurrentes.

L'Australian Financial Review a écrit mercredi que News Corp s'était servi d'Operational Security, filiale créée au milieu des années 1990, pour saboter ses concurrents. L'émission Panorama, diffusée en début de semaine en Grande-Bretagne par la BBC, avait déjà fait état de soupçons similaires.

Operational Security était une branche de NDS, filiale de News Corps spécialisée dans le cryptage des signaux, une activité cruciale pour les chaînes de télévision payante.

News Corp comme NDS, sortie depuis de l'orbite du groupe de Murdoch, ont opposé des démentis catégoriques à ces allégations. (voir ).

"Il semble que chacun de nos concurrents et ennemis accumulent mensonges et diffamations", a écrit Rupert Murdoch jeudi sur son compte Twitter, ajoutant que la riposte était en préparation et qu'elle serait sévère.

News Corp, dont les activités couvrent tout le spectre du secteur des médias et dont la puissance est, dit-on, capable de faire ou défaire des carrières politiques, est soumis à de très fortes critiques depuis l'éclatement du scandale des écoutes téléphoniques en Grande-Bretagne qui a notamment conduit à la fermeture du tabloïd News of the World l'été dernier.

Mais face à ces nouvelles accusations, Murdoch, qui confiait en juillet dernier à une commission parlementaire avoir vécu "le jour le plus humiliant de sa vie", semble avoir opté pour une réponse d'un tout autre type.

Toujours sur le site de micro-blogging, il estime que ses "ennemis ont des visées différentes" mais qu'ils sont "les pires vieux aristos et conservateurs qui veulent conserver le statu quo du siècle dernier avec leurs monopoles". Pour un républicain convaincu tel que Murdoch, "aristo" relève de l'insulte lourde.

 

LA BBC ET L'AUSTRALIAN FINANCIAL REVIEW MAINTIENNENT

LEURS INFORMATIONS

Mais la BBC, qui a eu à maintes reprises maille à partir avec BSkyB, dont News Corp détient 39% du capital, a maintenu jeudi les révélations du magazine Panorama.

"Nous avons reçu la lettre de NDS et avons connaissance du rejet par News Corp des révélations de Panorama. Cependant, les courriers électroniques diffusés dans cette émission n'ont pas été manipulés, contrairement à ce que NDS prétend, et rien (...) ne minimise les preuves diffusées dans cette émission", a précisé la chaîne publique.

Aux antipodes, l'Australian Financial Review, propriété du groupe Fairfax Media, principal rival de Murdoch dans la presse australienne, a également maintenu ses informations.

"Pleinement solidaire de l'enquête extraordinaire de Neil Chenoweth", le journaliste qui a sorti l'information, Michael Stutchbury, rédacteur en chef de l'Australian Financial Review, a ajouté que le journal n'était "nullement motivé par quelque désir que ce soit de nuire à un rival financier du groupe qui dirige la Financial Review". "Nous ne faisons que couvrir une affaire et publier ce que nous avons découvert", a-t-il dit.

Aucun élément dévoilé par la BBC comme par l'Australian Financial Review ne laisse entendre que Murdoch ou tout cadre dirigeant de News Corp n'étaient au courant des pratiques prêtées à NDS.

Selon l'Australian Financial Review, Operational Security aurait recruté des pirates informatiques pour décrypter les codes des cartes d'accès fournies par des chaînes payantes concurrentes à leurs abonnés. Ces codes auraient ensuite été diffusés sur le marché noir via des "yes cards" permettant de suivre les programmes de chaînes cryptées sans débourser le moindre centime.

L'Australian Financial Review, qui évoque un manque à gagner se chiffrant en millions de dollars, dit s'appuyer notamment sur 14.400 courriers électroniques récupérés sur le disque dur d'un ordinateur portable qu'utilisait Ray Adams, responsable pour l'Europe de NDS Operational Security de janvier 1996 à mai 2002.

Lundi, un reportage diffusé par la BBC dans le cadre de son émission documentaire Panorama assurait que NDS aurait recruté un consultant pour diffuser via son site internet les codes d'accès à ITV Digital, une concurrente de Sky TV, chaîne qui appartenait alors à Murdoch.

ITV Digital, qui a accumulé les difficultés dès son lancement (rivalités entre actionnaires, absence de programmes phares, guerre des prix avec BSkyB), a disparu en 2002. (avec Sonali Paul à Melbourne; Henri-Pierre André et Benjamin Massot pour le service français)