Ce phénomène a été favorisé par l’accumulation détaillée ci-avant d’un surplus d’épargne, par un effet de rattrapage se cumulant à des aides de l’état pour stimuler la demande (notamment dans le secteur automobile7) et une volonté de profiter au maximum de la saison estivale, qui s’est également retrouvée dans les dépenses liées au tourisme. La France a surtout pu bénéficier de la résilience de son marché domestique, y compris dans le cadre du tourisme. Cela a facilité son rebond relativement à ses voisins, particulièrement ceux d’Europe du Sud (dont les exportations et le tourisme dépendent fortement des pays d’Europe du Nord), mais aussi ceux d’Europe du Nord (qui sont globalement plus tournés vers l’international). En juillet et août, la France a donc pris la tête du peloton européen en matière de reprise de la fréquentation touristique.
III- Le rebond économique a commencé a s’essouffler en août
L’activité économique a continué de croître au mois d’août mais son rythme de progression s’est tassé par rapport aux mois précédents, comme le montre l’indice composite mensuel développé par Markit9, qui a atteint 51,610 en août, soit un plus bas à 3 mois. Concernant le domaine des services, le rapport a souligné que « le rebond observé dans le secteur “hôtels & restaurants “ au cours du mois a été partiellement éclipsé par une baisse des niveaux d’activité dans les secteurs “poste & télécommunications” et “location & autres services aux entreprises” ».
Si les ménages se sont accordés une parenthèse estivale, notamment dans les territoires où le tourisme de villégiature est important, la dynamique a toutefois fortement décéléré courant août :
Sources : MKG Consulting, christophe-barraud.com
Elle s’est même s’inversée en fin de mois, en réponse au regain d’inquiétude vis-à-vis de la situation sanitaire (notamment avec le passage des Bouches-du-Rhône et de Paris en « zone rouge ») et à l’atonie de la demande constatée par les entreprises de nombreuses filières des services.
En parallèle, dans le secteur manufacturier, l’indice Markit a replongé sous le seuil des 50, indiquant une contraction. A ce titre, on peut supposer que l’activité dans le secteur automobile a marqué le pas du fait de la rechute des immatriculations de voitures neuves. Selon le Comité des constructeurs français d’automobiles (CCFA), au mois d’août11 le marché français des voitures particulières neuves a chuté de 19,8% en données brutes par rapport à août 2019. Ce déclin s’explique en partie par des effets de base défavorable (base de comparaison solide en août 2019) mais il reflète également un contrecoup après les excellents chiffres de juillet, dopés par la fin de la prime à la casse exceptionnelle.
Même si dans l’ensemble le rebond de l’activité a perdu de son intensité en août, l’effet de base positif accumulé depuis la fin du T2 implique tout de même que la croissance française rebondira très fortement au 3ème trimestre. Plus précisément, son rythme de progression sera le plus important jamais enregistré, et sans doute bien au-dessus de la moyenne de la zone euro. Dans ce contexte, le gouvernement devrait réviser en hausse sa prévision de croissance pour 2020, actuellement fixée à -11%. Un chiffre proche du consensus Bloomberg (soit environ -10%) semble approprié afin de tenir compte de potentielles turbulences qui pourraient intervenir au 4ème trimestre.
PIB 2020
IV- Les risques de stagnation ou de rechute de l’activité sont nombreux pour cette fin d’année
Comme l’illustre la rechute de l’activité touristique depuis la mi-août, nous entrons dans une période charnière où ce sont les entreprises qui vont devoir prendre le relais. Ce constat est tout autant valable pour l’hôtellerie, dont il faut rappeler que 65% du chiffre d’affaires annuel est généré la semaine (du lundi au jeudi), principalement par les clientèles business donc, et pour laquelle septembre marque d’ordinaire un pic d’activité. Cette réalité est renforcée par l’évolution récente du contexte sanitaire, car la France ou certains de ses territoires-clés font à nouveau l’objet de restrictions (comme une quatorzaine d’isolement obligatoire au retour) imposée par différents pays européens, comme le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne. Il convient également de préciser que des mesures nationales, pouvant aller jusqu’à des confinements localisés, seraient susceptibles de pénaliser l’activité très significativement. Le risque serait d’autant plus important si deux des régions les plus touchées actuellement par le virus, à savoir la PACA et l’Île de France, subissaient des restrictions. En effet, ces dernières concentrent plus de 35% du PIB national et plus de la moitié du chiffre d’affaires de l’hôtellerie.
En parallèle, même si le gouvernement a décidé de mettre en place un plan de relance ambitieux de 100 Md€, les nouveaux effets attendus ne se feront ressentir qu’à partir de 2021, ce qui laisse craindre une période de flottement pour cette fin d’année. Dans le même temps, de nombreuses faillites sont d’ores et déjà attendues pour le mois d’octobre. Comme l’ont souligné Les Echos12, « depuis le 24 août, les entreprises qui ne peuvent pas régler leurs factures ont 45 jours pour se déclarer en cessation de paiements auprès du tribunal de commerce », ce qui devrait se traduire par une remontée des défaillances d’entreprises dès le mois d’octobre. Ce phénomène pourrait alors peser sur le moral des ménages et se traduire par un coup de frein sur la consommation.
Enfin, sur un plan géopolitique, l’environnement sera particulièrement défavorable. En effet, les dernières négociations entre l’Europe et le Royaume-Uni suggèrent que le scénario d’un « Hard Brexit » reste crédible. Et Outre-Atlantique, les incertitudes relatives aux élections du 3 novembre vont s’accentuer, d’autant que différents scénarios synonymes d’instabilité sur le plan du commerce international ne peuvent être écartés. Ce facteurs se cumulant au manque de visibilité sur la reprise post-Covid, les entreprises risquent de retarder leurs investissements et embauches, amplifiant alors la phénomène de stagnation voire de rechute. Pour l’économie aussi, il va donc falloir combattre le risque d’une 2ème vague.
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1 Pour rappel, historiquement, on observe une corrélation forte entre le chiffre d’affaires de ce secteur et le PIB.
2 Un retour à la normale en partant d’un point plus bas implique une progression plus importante.
3 https://twitter.com/ofceparis/status/1276417260274552833
4 Soit moins de 10% de l’ensemble du choc à l’échelle nationale estimé à 165 Md€.
5 https://www.banque-france.fr/statistiques/conjoncture/enquetes-de-conjoncture/point-de-conjoncture
6 https://www.insee.fr/fr/statistiques/4647235
7 Les ventes de véhicules neufs ont augmenté en rythme annuel en juin et juillet.
8 Taux d’occupation effectif = taux d’ouverture x taux d’occupation des hôtels ouverts
9 https://www.markiteconomics.com/Public/Home/PressRelease/631d1632d7bb48599d3ff2fac696fbee
10 Un indice au-dessus de 50 implique une expansion par rapport au mois précédent.
11 https://ccfa.fr/wp-content/uploads/2020/09/cp-09-2020.pdf
12 https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/coronavirus-une-vague-de-faillites-menace-la-france-cet-automne-1237957