Le mouvement qui se dégage est très clair. Les candidats des partis politiques de gauche ont tendance à désapprouver l’émergence des cryptomonnaies dans notre économie. En revanche, lorsque nous déplaçons le curseur vers la droite, l’accueil est bien meilleur pour les crypto-actifs. Notons tout de même que certains candidats ont botté en touche sur le sujet en mettant en avant le caractère spéculatif et frauduleux de la cryptosphère. Il semblerait même, parfois, que la nuance entre crypto-actif et blockchain ne soit pas tout à fait maîtrisée. La blockchain étant, pour faire simple, la technologie sous-jacente aux crypto-actifs. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de dissocier les deux.


A titre d’exemple, Anne Hidalgo, la candidate du parti socialiste se veut extrêmement prudente pour ne pas dire réticente sur le sujet des actifs numériques en laissant de côté le sujet (vous retrouverez plus bas les réponses intégrales des candidats) alors que ce secteur prend une place de plus en plus importante en France. Dans une
étude menée par KPMG pour l’ADAN, il est montré que 8% des français possèdent, aujourd’hui, des cryptomonnaies en France. Alors ce chiffre reste à relativiser car, quoi qu’on dise, les montants investis par les français restent, en moyenne, plutôt faibles lorsqu’on parle de crypto-actifs. Nous avons fort à parier que pour un bon nombre d’entre eux, qu’il s’agisse d’un investissement “casino”. Mais force est de constater que de plus en plus de citoyens s'intéressent au secteur et il est dommage de se montrer aussi restrictif, ne serait-ce que pour leur sécurité. 

Pour Philippe Poutou et Jean-Luc Mélenchon, le tableau des cryptomonnaies n’est pas reluisant : Les crypto monnaies ne sont en rien un progrès du point de vue de la grande masse de la population. Toute disposition visant à favoriser leur usage doit être supprimée." avance Philippe Poutou.

 

Le caractère criminel des transactions et le côté énergivore du minage est mis en avant dans les réponses du candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste. Il y a forcément une part de vérité dans ces propos. L’algorithme de consensus sous-jacent au Bitcoin, la preuve de travail (Proof-of-Work), consomme, à l’heure actuelle, énormément d'énergie (0,63% de l’électricité mondiale). C'est une quantité stratosphérique. Mais s’arrêter ici est trop restrictif. Des alternatives existent : l’algorithme utilisé par certaines cryptomonnaies, la preuve d’enjeu, réduit quasiment à néant la consommation d’énergie par exemple. Nous ne pouvons pas mettre tous les actifs numériques dans le même panier. Je vous mets ci-dessous, deux articles qui traitent des sujets évoqués dans ce paragraphe car les enjeux sont bien trop importants pour les résumer rapidement ici : 

Article traitant de la consommation d’énergie du Bitcoin : ici
Article traitant de la preuve d’enjeu : ici 

Concernant le côté criminel des transactions en cryptomonnaies, une nouvelle fois, c’est irréfutable. Effectivement des transactions en bitcoins servent des marchés criminels. Mais nous devons mettre en perspective ces agissements. 

Chainalysis, une plateforme de données blockchain qui fournit des données, des logiciels, des services et des recherches aux agences gouvernementales, aux bourses, aux institutions financières et aux compagnies d'assurance et de cybersécurité dans plus de 60 pays a publié un rapport sur le pourcentage de transactions impliquant des adresses illicites en 2021.

Pourcentage de transactions illicites

Les transactions impliquant des adresses illicites ne représentaient que 0,15 % du volume des transactions de crypto-monnaies en 2021. Alors oui, le Bitcoin est utilisé pour des transactions illicites, mais dans une proportion infime. D’après les Nations Unies, le montant en dollars blanchi représente entre 2 et 5% du PIB mondial malgré la difficulté de détecter les montants en raison de la nature clandestine du blanchiment d’argent. Une mise en perspective qui est indispensable pour comprendre, réellement, les enjeux des actifs numériques. 
Alors oui, bulle spéculative il subsiste, consommation d’énergie excessive il subsiste, transactions illicites il subsiste lorsqu’on parle des actifs numériques. Mais il est dommage d’être trop restrictif lorsqu’on examine ces sujets même s' ils doivent être traités avec prudence. Il serait désavantageux pour la France de voir nos pépites du secteur comme Ledger ou Sorare quitter le territoire hexagonal car certains sujets n’auraient pas été traités en profondeur au préalable. 

Pour les autres candidats, Yannick Jadot, Emmanuel Macron et Valérie Pécresse, en plus du caractère énergivore du minage des crypto-actifs, et même s' ils se montrent plus optimistes que les candidats précédents, c’est bel et bien l’aspect réglementaire qui cristallise les discours. La nécessité d’avoir un cadre réglementaire clair au niveau européen est indispensable pour la survie de la crypto-économie. Une homogénéité de la réglementation au sein du vieux continent est prônée par un bon nombre de candidats. En réalité, les mesures restent relativement floues à l’heure actuelle. Nous pouvons noter qu’Eric Zemmour, de son côté, met en avant une carotte fiscale qui a de quoi séduire les crypto-investisseurs : Je propose d'exonérer d’impôts sur la plus-value les cessions de crypto-actifs dès lors qu’au moins 50% de cette plus-value est réinvestie dans le capital d’une entreprise de l’économie réelle.”

Le candidat a également évoqué la création d’un régime fiscal propre aux NFT. Des mesures qui ont été accueillies favorablement par l’écosystème crypto, forcément. Mais nous avons de quoi s'interroger sur la sincérité des propos du candidat de “Reconquête!”. Une bonne partie des mesures ont été initialement soumises par le député pro-crypto de La République en Marche, Pierre Person, lors de l’examen du projet de loi de Finances 2022 en automne dernier. Des mesures qui ont été rejetées car il était trop tôt pour légiférer sur ces sujets d’après le gouvernement en place. Le candidat d'extrême droite se servirait-il des cryptomonnaies comme alibi pour attirer une partie de l’électorat ? Nous pouvons avoir un doute. N’oublions pas que 8% des français détiendraient des cryptomonnaies à l’heure actuelle et les mesures évoquées par Eric Zemmour pourraient potentiellement séduire un bon nombre de citoyens.

En définitive, de nombreuses craintes sont émises, notamment par les candidats de gauche, pour le caractère criminel et énergivore des actifs numériques. La nécessité d’instaurer une réglementation claire à l'échelle européenne revient pour un bon nombre de prétendants à la fonction près. Enfin, les mesures venant soutenir la crypto-économie restent pour l’heure relativement floues, à l’exception des mesures alléchantes d’Eric Zemmour. Pour les propositions de La République en Marche, retrouvez la liste des amendements portés par le député Pierre Person en automne dernier : ici

Maintenant,retrouvez ci-dessous l’intégralité des réponses liées aux cryptomonnaies des candidats à l’élection présidentielle 2022 :

1/ Commençons par Yannick Jadot, le candidat EELV, qui a été le premier candidat à répondre à nos questions. Nous lui avons posé la question suivante : quel cadre fiscal et légal faut-il appliquer aux crypto-monnaies ? 

YJ : "Les crypto-actifs sont des innovations intéressantes, mais posent aujourd’hui à notre système économique, fiscal et social plusieurs problèmes importants. Des efforts de régulation s’imposent si l’on veut à la fois conserver le potentiel d’innovation et maîtriser les risques de fragmentation de notre système monétaire et fiscal. La règle doit rester la même pour tous. Le problème écologique est également central : le minage nécessite une consommation énergétique très importante pour assurer la sécurité du système. Les solutions qui sont souvent invoquées, comme la transformation du système de sécurisation du dispositif, ne sont aujourd’hui pas opérationnelles et rien, pas même un passage aux énergies renouvelables, ne peut justifier une telle consommation, incompatible avec l’exigence de sobriété.

Je parle de crypto-actifs et pas de crypto-monnaies car ce sont bien des actifs, reconnus comme tels par le droit français. A l’exception de pays où le niveau de bancarisation est très bas, comme le Salvador, cela n’a pas de sens de les considérer comme une monnaie. A ce titre et du fait de leur impact environnemental, ils seront concernés par les mesures que je propose : l’ISF climatique et le malus prudentiel pour les investissements polluants. Avant qu’il ne soit trop tard pour intervenir, je limiterai l’investissement des acteurs financiers en crypto-actifs, et notamment en Bitcoin, par une obligation de fonds propres et par l’instauration d’un visa obligatoire et effectif de l’Autorité des marchés financiers. Les acteurs fournissant les accès en crypto-actifs sont des acteurs financiers, ils doivent être soumis aux mêmes réglementations que les acteurs financiers traditionnels. Je reviendrai sur l’anonymat des détenteurs au-delà d’un certain montant de transactions. Enfin, il est crucial de disposer d’un cadre international de régulation, les actions dispersées des Etats ne pouvant avoir qu’un impact limité."


2/
Poursuivons avec Anne Hidalgo, la candidate socialiste à la présidence de la République de la France. La maire de Paris semble très, très prudente sur les décisions à prendre quant au cadre réglementaire à appliquer aux crypto-monnaies.

AH : "Sur un sujet aussi nouveau et sur lequel nous disposons de peu de recul, je crois qu’il faut faire preuve de prudence. Certes, il ne faut pas brider l’innovation, qui caractérise certains projets technologiques, mais il ne faut pas laisser se former des bulles spéculatives dangereuses, voire de véritables arnaques."


3/
Ensuite, Eric Zemmour, le candidat du mouvement politique “Reconquête !” nous a aussi dévoilé ses ambitions et ce qu’il entreprendrait concernant le cadre légal et fiscal à appliquer à la cryptosphère. 

EZ : "Je veux créer un environnement fiscal favorable à la détention et la création de crypto-actifs. Cela s’inscrit dans une stratégie plus large visant à accélérer nos investissements français dans la blockchain et le Web3. C’est pourquoi je propose d'exonérer d’impôts sur la plus-value les cessions de crypto-actifs dès lors qu’au moins 50% de cette plus-value est réinvestie dans le capital d’une entreprise de l’économie réelle. Je souhaite également assouplir le cadre administratif pour les professionnels du secteur des crypto-monnaies, notamment à cause de la surtransposition européenne qui cause là aussi des problèmes à nos entreprises.

Et puis, je veux appliquer un régime fiscal ad hoc pour l’imposition de la cession des NFT (Non Fungible Token) en l’alignant sur le régime fiscal de l’actif sous-jacent. Enfin, j’entends éviter de laisser le monopole des stablecoins à des entités extra-européennes et c’est pourquoi je souhaite favoriser l’émergence de stablecoins euro dans le secteur privé européen sans attendre le projet d’euro numérique porté par la Banque centrale européenne."

4/ Continuons cette fois-ci avec Philippe Poutou, le candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste qui nous a dévoilé sa vision peu favorable de l'émergence des actifs numériques dans notre société .

PP : "Selon une étude du National Bureau of Economic Research (USA) publiée en octobre 2021, 90% des transactions en bitcoin enregistrées sur la blockchain ne sont "pas reliées à des activités ayant du sens, économiquement parlant" mais sont notamment liées "au goût de nombreux participants pour l’anonymat.". Par ailleurs, les criminels aiment les crypto-monnaies. En 2021, les sommes reçues par des adresses illicites ont augmenté : l’équivalent de 14 milliards de dollars américains a transité sur des adresses liées à des activités illégales, contre 7,8 milliards en 2020.

En fait les crypto monnaies, sous couvert de modernité, sont un élément du casino capitaliste. De plus, elles ont un impact écologique catastrophique. Le "minage" consomme une quantité considérable d’énergie.

Les crypto monnaies ne sont en rien un progrès du point de vue de la grande masse de la population. Toute disposition visant à favoriser leur usage doit être supprimée."


5/ Jean-Luc Mélenchon s’est aussi prêté au jeu des questions touchant à l’investissement et à la finance. Le candidat de la France Insoumise a un avis relativement bien tranché de la sauce à laquelle les crypto-actifs devraient être mangés.   

JLM : "Nous ne considérons pas aujourd’hui la blockchain, dans ses modalités actuelles de fonctionnement et d'usages, comme une technologie porteuse de solutions pour les grands défis auxquels l’humanité fait face. Il s’agit pour l’essentiel d’outils de spéculation financière, qui doivent être encadrés et régulés en tant que tels, au même titre que les autres pratiques spéculatives, dès lors qu’elles génèrent de l’enrichissement."


6/ Emmanuel Macron a lui aussi répondu à nos questions. Le candidat de La République en Marche nous a expliqué son point de vue quant aux initiatives fiscales à adopter dans le cadre des crypto-monnaies.

EM : "Sur ce sujet, j’ai défendu une ligne équilibrée en adaptant les règles pour défendre une fiscalité juste et protéger les épargnants, tout en faisant preuve de souplesse pour ne pas brider l’innovation et les nouveaux usages. La loi de finances pour 2022 a encore clarifié le cadre fiscal des crypto-actifs. Nous avançons vers un cadre stable et simple. Je me félicite également de voir des acteurs français s’imposer au niveau mondial dans le domaine des crypto-actifs, comme Ledger ou Sorare, et d’attirer sur notre territoire des grands acteurs étrangers pour leur implantation.

Il faut néanmoins rester vigilant à l’impact environnemental de ces nouvelles technologies et à ce que l’attrait pour les crypto-actifs ne prive pas notre économie réelle des financements dont elle a besoin."

7/ Enfin, Valérie Pécresse, la candidate du parti “Libres”, nous dévoile sa vision plutôt optimiste de l’émergence des crypto-monnaies dans notre économie. Elle nous dévoile ses convictions quant à la régulation à appliquer aux actifs numériques

VP : " Nous devons nous féliciter d’avoir en France un système bancaire de qualité avec des leaders mondiaux et un écosystème Fintech très compétent et très en pointe. Nous devons saisir l’opportunité de la révolution de la blockchain et des cryptomonnaies qui accompagnent l’émergence d’un Internet des entrepreneurs où la valeur est mieux partagée pour rémunérer les créateurs.  

C’est pourquoi je ferai du développement de cette filière une priorité, dans le prolongement de mon combat à la tête de la région Ile-de-France pour renforcer la place financière francilienne post-Brexit.  Pour cela, je favoriserai une régulation pro-innovation. Aussi, le développement de "bacs à sable" réglementaires est une approche expérimentale intéressante qui permet de déroger partiellement et temporairement au cadre juridique en vigueur, avant éventuellement de l’adapter. 

Nous devons aussi former des régulateurs capables de comprendre ces enjeux. J’ai un programme très ambitieux pour réarmer l’Etat en matière numérique à tous les échelons : l’Etat doit être aussi en pointe sur ces technologies ! 

Par ailleurs, l’empreinte climatique de ces technologies est élevée. Je suis aussi consciente du risque de confiance inhérent aux cryptomonnaies qui n’assurent pas la réserve de valeur et font donc peser un risque spéculatif. A cela s’ajoutent la protection des jeunes qui y trouvent un grand intérêt. Demain avec le Metaverse et le développement des NFT, les cryptomonnaies seront peut-être la monnaie des jeunes…

Encourageons l’innovation mais n’oublions pas ce qui a été le fondement de nos régulations monétaires pour protéger les épargnants et la stabilité macroéconomique.  Je vois les actifs numériques comme une filière stratégique et je soutiendrai son dynamisme. Pour autant, comme j’ai eu l’occasion de l’exposer, mon projet pour le numérique est d’abord régalien et souverain. L’adoption d’un cadre européen sur les cryptoactifs avec le projet de règlement va dans le bon sens et je veillerai à ce bon équilibre entre innovation et protection."