par Myriam Rivet

PARIS, 13 janvier (Reuters) - Près d'un tiers des enseignants étaient en grève ce jeudi en France d'après le ministère de l'Education nationale, soit un taux de participation élevé - bien que nettement inférieur aux estimations syndicales - pour cette journée de mobilisation inédite dans l'Education nationale visant à dénoncer la gestion de l'épidémie de COVID-19 dans les établissements scolaires.

Dans un communiqué de presse publié à la mi-journée, le ministère a fait état d'une moyenne de 31,07% de grévistes parmi les enseignants du primaire et du secondaire en France métropolitaine, le taux de participation s'établissant à 27,34% en moyenne pour l'ensemble des personnels de l'Education nationale.

Les premières estimations fournies un peu plus tôt sur Twitter par le Snes-FSU, premier syndicat des enseignants second degré, évoquent une grève "majoritaire", avec "62% de grévistes dans les collèges et les lycées".

De son côté, le Snuipp-FSU, premier syndicat d'enseignants des écoles primaires, à l'origine du mouvement avec un appel à la grève lancé vendredi dernier, n'a pas encore actualisé ses prévisions de mardi, qui anticipaient 75% de grévistes et la moitié des écoles fermées.

Dans un contexte d'inquiétude sur la sécurité sanitaire du personnel et des élèves avec la propagation très rapide du variant Omicron du coronavirus, et de grogne croissante face à la communication gouvernementale jugée erratique, la majorité des syndicats de l'Education nationale, toutes catégories de personnels confondues, des associations de lycéens et même une fédération de parents d'élèves ont appelé à la mobilisation, dans une alliance inédite.

Face à ce mécontentement généralisé, alimenté par des protocoles fréquemment actualisés qui ont contraint de nombreux parents à faire tester leurs enfants dans des pharmacies débordées, l'exécutif a fait bloc ces derniers jours pour défendre sa stratégie.

"PAS DE GREVE CONTRE UN VIRUS"

"Nous voulons vivre le plus normalement possible malgré le virus (...) notamment à l'école", a souligné mercredi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, lors du compte rendu du conseil des ministres.

"L'éducation ne sera jamais pour nous une variable d'ajustement", a-t-il ajouté en précisant que la fermeture des écoles "doit toujours rester un ultime recours".

De son côté, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, a jugé mardi sur BFM TV qu'il était "dommage d'avoir une journée où on va perturber davantage le système".

"Je sais que c'est dur, mais ce n'est pas une grève qui résout les problèmes, on ne fait pas grève contre un virus", a-t-il déclaré.

Ces déclarations n'ont pas apaisé les organisations syndicales, réunies ce jeudi dans une coalition inédite, à moins de trois mois du premier tour de l'élection présidentielle.

Le Snuipp-FSU, à l'origine du mouvement, a ensuite été rejoint par d'autres fédérations de l'Education nationale, le Snes-FSU (premier syndicat du second degré), les branches éducations de la CGT, de FO, de SUD et de l'UNSA, ainsi que le Snalc (Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur) et le SNE (Syndicat national des écoles).

Trois organisations lycéennes (FIDL, La Voix Lycéenne et MNL) ainsi qu'une fédération de parents d'élèves, la FCPE, se sont jointes à cet appel.

Dans un communiqué commun, ces organisations ont souligné le "niveau inédit" de "l'épuisement et l'exaspération de toute la communauté éducative", liés à la "situation chaotique" due à "des changements de pied incessants, de(s) protocoles intenables et d(e l)'absence de moyens" décidés par le gouvernement.

"EXASPÉRATION"

Même la CFDT, habituellement plutôt partisane de la discussion que de la confrontation avec le gouvernement, a appelé à rejoindre ce mouvement de grève.

"Il y a une exaspération très très forte dans les personnels de l'éducation (...) et contrairement à ce que j'ai entendu, (...) notamment de la part du ministre, ce n'est pas une grève contre le virus, c'est une grève contre l'absence de concertation, contre une forme de mépris", a dit son secrétaire général, Laurent Berger, jeudi sur franceinfo.

"Ce n'est pas une grève anti-Blanquer", même si "je trouve qu'il a très mal géré ce dossier", a précisé Laurent Berger.

En parallèle, des appels à la grève lancés par les organisations syndicales, la FCPE a appelé à une "journée blanche" et invité les parents à ne pas envoyer leurs enfants à l'école.

Au-delà de cette mobilisation inhabituelle d'une association de parents d'élèves, le mouvement a également fédéré - là encore de façon exceptionnelle - des cadres de l'Education nationale, personnels de direction et même inspecteurs.

Le SNPDEN (Syndicat national des personnels de direction de l'Education nationale, majoritaire) a ainsi apporté son soutien à la grève de jeudi, de même que le SUI-FSU, un syndicat de personnels de l'inspection académique.

Interpellé à de nombreuses reprises à l'Assemblée nationale mardi et au Sénat mercredi, Jean-Michel Blanquer a dénoncé les "arrière-pensées politiques" des élus des oppositions en cette période de campagne présidentielle.

Dénonçant ceux qui proposent "toujours la solution de facilité, toujours la démagogie, les classes fermées", il a assuré que le gouvernement "assum(ait) d'avoir les classes ouvertes." (Rédigé par Myriam Rivet, édité par Bertrand Boucey et Sophie Louet)