Le génial fondateur de Interactive Brokers Thomas Peterffy est un homme qui parle peu mais qu’on écoute. Unique en son genre, sa fenêtre sur les marchés financiers et le comportement des investisseurs lui donne après tout une perspective très précieuse. Voir à ce sujet Interactive Brokers Group, Inc. : Candidat naturel aux économies d’échelle.

Hier, à la grande conférence annuelle de Goldman Sachs réservée aux acteurs des services financiers, son intervention fut émaillée de deux commentaires glaçants. En premier chef, « les Magnificent 7 », c’est-à-dire Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla, concentrent 70% des volumes de trading.

On ne peut que rester effaré devant le désintérêt massif du public et des investisseurs pour les autres segments des marchés actions, notamment ceux en lien avec l’industrie, la pharmaceutique, les services financiers ou des matières premières. 

A titre d’exemple, Exxon, comme nous l’écrivions hier, entend sur les cinq prochaines années distribuer $165 milliards à ses actionnaires en sus des dividendes réguliers sans que cela ne semble guère emballer grand-monde. Voir à ce sujet Exxon Mobil Corporation : Perspectives babyloniennes.

Ensuite, Peterffy faisait remarquer — non sans manifester une petite grimace — que les prêts sur marge chez Interactive Brokers étaient en hausse de 16% sur les trois derniers mois. Ceci à un moment où, de son propre aveu, les valorisations des marchés actions sont surchauffées — « overextended » en version originale. 

Une progression si nette et si rapide du volume des prêts sur marge est inhabituelle. Elle fleure bon la dernière poussée d’euphorie au sommet de la bulle, et Peterffy n’hésitait pas, avec sa franchise habituelle, à rappeler que si les prix des actions chutaient trop précipitamment, le courtier pourrait se retrouver à porter les pertes de ses clients incapables de satisfaire à leurs appels de marge.

Gageons qu’avec son contrôle du risque réputé paranoïaque, Interactive Brokers a déjà provisionné depuis longtemps ce scénario du pire. Quant à nos amis et traders et investisseurs qui s’en sont mis jusqu’à raz le cou — ils sont nombreux à s’en ouvrir à nous dans le courrier des lecteurs — on serait tenté de les inviter à reconsidérer leur position, et réduire leur exposition.

Le cryptomonnaies prenaient beaucoup d’espace avant-hier, bien sûr — même chez Goldman Sachs, là encore un signe d’euphorie spéculative que certains interpréteront comme annonciateur d’un retournement. Qu’on se figure par exemple que la « meme coin » par excellence, Doge Coin, commande une « valeur de marché » de presque $60 milliards, soit autant que Vinci ou Schlumberger.

Que « Pepe », la crypto de la petite grenouille, commande une valeur de marché de $10 milliards, soit autant que Alstom ou Knight-Swift Transportation Holdings ; que « Apecoin », celle du petit singe, commande elle une valeur de marché de $1 milliard, soit davantage que Verallia ou Smith & Wesson

Quant à « fartcoin », dont la traduction se passe de précision, ell vaut davantage que la très grande majorité des petites capitalisations françaises — des entreprises industrielles bien réelles, bien gérées, profitables, qui créent de la valeur pour leurs actionnaires, leurs employés et la société au sens large, mais n’en demeurent pas moins superbement ignorés et tenus à l’écart des flux de capitaux.