(Actualisé avec réaction des Etats-Unis, précisions)

par Daniel Wallis et Nelson Acosta

LA HAVANE, 9 janvier (Reuters) - Les autorités cubaines ont relâché 36 opposants au cours des deux derniers jours, dans le cadre d'un accord de normalisation des relations avec les Etats-Unis, annonce vendredi l'Union patriotique de Cuba (UNPACU), l'un des principaux groupes de dissidents.

L'UNPACU précise dans un communiqué que 29 de ses membres figurent parmi les 36 détenus libérés. La plupart ont été relâchés à condition de se signaler régulièrement auprès des autorités.

L'organisation ajoute que le gouvernement les a par ailleurs prévenus qu'ils risquaient d'être renvoyés en prison s'ils poursuivaient leurs activités politiques.

José Daniel Ferrer, dirigeant de l'UNPACU, a appelé les autorités cubaines à mettre fin aux emprisonnements de dissidents.

"Nos prisonniers qui ont été libérés sont déterminés à poursuivre leur combat pour un Cuba démocratique que nous souhaitons tous", a dit José Daniel Ferrer. "Les militants de l'UNPACU ont quitté la prison avec plus d'énergie, de force et de détermination qu'ils n'en avaient avant d'être emprisonnés", a-t-il ajouté.

La plupart des détenus remis en liberté au cours des dernières 48 heures étaient accusés de résistance à l'autorité publique et de menaces contre des officiers de police et purgeaient des peines de courte durée.

Parmi eux se trouve Angel Yunier Remon, un artiste hip-hop connu sous le surnom de "The Critic" (Le Critique), qui avait été arrêté en 2013 pour avoir peint l'inscription "A Bas La Dictature" dans la rue devant chez lui dans la ville de Bayamo dans l'est de l'île.

Condamné à huit années de réclusion, il avait mené plusieurs grèves de la faim et avait contracté le choléra en raison des mauvaises conditions sanitaires dans son lieu de détention.

"POUR UN CUBA LIBRE"

"Je suis tellement content d'avoir retrouvé ma famille, mes enfants et ma femme", a-t-il déclaré joint au téléphone par Reuters, ajoutant qu'il n'avait aucunement l'intention d'abandonner son rôle d'opposant.

"Notre pays demeure une dictature", a-t-il affirmé. "Nous allons continuer à nous battre pour un Cuba indépendant et vraiment libre", a-t-il ajouté.

La libération de détenus politiques est une des composantes de l'accord annoncé le 17 décembre en vue du rétablissement des relations diplomatiques entre Washington et La Havane. Selon Washington, 53 prisonniers doivent être libérés par Cuba.

La Maison blanche a salué ces libérations tandis que la porte-parole du département d'Etat Jen Psaki soulignait que d'autres libérations étaient à venir.

Plusieurs Cubains qui étaient en exil à Miami sont dans les prisons cubaines pour des accusations liées au terrorisme après avoir tenté de faire entrer des armes dans l'île. Certains ont été condamnés à 30 années de réclusion.

Leur situation reste incertaine. On ne sait pas si Washington a demandé leur libération ou celle de Cubains sous les verrous pour avoir transmis des données secrètes aux Etats-Unis.

Elizardo Sanchez, fondateur de la Commission cubaine pour les droits de l'homme et la réconciliation nationale, a évoqué le cas de Miguel Alvarez, un ancien responsable cubain et de sa femme, Mercedes Arce, une universitaire réputée, qui ont été emprisonnés pour crimes non spécifiés contre l'Etat.

Miguel Alvarez a été condamné à 25 ans de prison et son épouse à 15 ans, selon un proche de leurs familles.

Elizardo Sanchez se dit aussi inquiet pour des personnes qui ont manifesté pacifiquement et qui sont toujours derrière les barreaux et pour les nombreux "Cubains de base" qui, dit-il, sont emprisonnés sous un prétexte.

Le gouvernement cubain, qui a pour habitude de ne pas faire de commentaires sur ces questions, dit qu'il n'y a pas de prisonniers politiques à Cuba. Il qualifie en général les dissidents de "mercenaires" payés par les Etats-Unis.

La secrétaire d'Etat américaine adjointe pour l'Amérique latine Roberta Jacobson, doit se rendre à la Havane les 21 et 22 janvier pour des discussions avec des responsables cubains sur la normalisation des relations diplomatiques et les questions d'immigration. (Daniel Wallis; Jean-Stéphane Brosse et Pierre Sérisier pour le service français)