Les menaces qui planent n'annoncent pas de catastrophe immédiate mais imposent une diversification des allocations, précise Philippe Müller, responsable des thématiques d'investissement pour la banque suisse.

"A l'échelon global, je ne vois pas de récession dans les 12 mois à venir", dit-il. "Le moment n'est pas venu d'être nerveux ni de vendre pour se préparer à un retournement du marché mais ce moment pourrait venir vers la fin de l'année prochaine. Il est néanmoins important de se préparer et d'ajuster dès à présent son portefeuille."

UBS est passé de "surpondération" à "neutre" sur les actions, ce qui ne signifie pas qu'il faille bouder cette classe d'actifs, selon Philippe Müller : "On peut continuer à investir dans les actions, avec une préférence pour les actions mondiales, mais il faut bien diversifier les portefeuilles", dit-il.

Du côté des obligations, UBS adopte une sous-pondération sur les obligations à taux très élevés mais une surpondération en revanche sur la dette émergente souveraine libellée en dollars, ajoute-t-il.

UN ÉTÉ "PERFIDE"

"L'été a été perfide pour les investisseurs mais positif pour ceux dont le portefeuille est bien diversifié", dit Philippe Müller.

"Il y a eu beaucoup de volatilité et il va y en avoir encore mais les actions ont continué à monter, les taux sont restés à des niveaux raisonnables et d'autres classes d'actifs se sont bien comportées."

Les investisseurs viennent de voir la dette italienne grimper, le yuan chinois baisser fortement, la devise turque connaître des difficultés et l'action Facebook subir une perte de 25%, énumère-t-il avant de dédramatiser.

"Beaucoup de ces risques sont toutefois largement idiosyncratiques", dit-il. "C'est notamment le cas de l'Italie ainsi que des difficultés des marchés émergents, dont les fondamentaux restent sains dans l'ensemble malgré les problèmes rencontrés par des pays comme la Turquie ou l'Argentine."

Des risques majeurs existent bel et bien, ajoute-t-il en évoquant le dossier brûlant du moment qu'est l'affrontement commercial entre les Etats-Unis et la Chine.

"Le fait que Donald Trump soit de plus en plus menaçant sur les questions commerciales est un risque majeur, notamment avec des incertitudes qui pourraient contraindre la Réserve fédérale à renoncer à une hausse de taux en décembre", et donc à opter pour un seul relèvement d'ici à la fin de l'année au lieu des deux qu'anticipent actuellement les marchés, estime Philippe Müller.

"Toute la question, qui est difficile à trancher, est de savoir si Donald Trump va déclarer victoire juste avant les élections de mi-mandat du 6 novembre ou s'il joue une stratégie à long terme dans le but de sécuriser la domination des Etats-Unis", ajoute-t-il.

LA FIN DE CYCLE SE RAPPROCHE

Un autre risque important, selon lui, réside dans la perspective de la fin du cycle de resserrement monétaire aux Etats-Unis, une période qui signale toujours historiquement une entrée en récession.

La courbe des taux américains ne signale toutefois pas une récession imminente et l'économie américaine reste très solide avec une croissance du produit intérieur brut (PIB) supérieure à 4% en rythme annualisé au deuxième trimestre, même si elle devrait ralentir un peu au troisième trimestre, autour de 3%, toujours selon Philippe Müller.

"Le cycle économique, qui s'avère particulièrement long, reste très robuste et peut résister au fait qu'un seul risque se matérialise", dit-il. "On pourrait devenir un peu plus nerveux si l'Italie commençait à devenir un problème ou si la Fed était contrainte de resserrer sa politique davantage que ne l'anticipent les marchés."

Si la fin du cycle n'est pas pour tout de suite, quelques signaux indiquent quand même qu'elle se rapproche, comme par exemple un couple croissance-inflation moins favorable aux marchés ou encore l'accélération des salaires aux Etats-Unis, avertit le stratège de la banque suisse.

La prudence et la diversification des portefeuilles s'impose donc, insiste-t-il.

"L'allocation qui était valable dans les conditions de marché des dernières années ne sera pas forcément idéale dans les mois à venir", dit-il avant de souligner un contexte favorable aux "hedge funds", habitués à naviguer dans des marchés volatils, ainsi qu'à la gestion active.

(édité par Blandine Hénault)

par Patrick Vignal