PARIS/MILAN (Agefi-Dow Jones)--Les groupes PSA et Fiat Chrysler Automobiles (FCA) ont officialisé jeudi des négociations en vue d'une fusion entre égaux qui donnerait naissance au quatrième constructeur automobile mondial, avec 8,7 millions de véhicules produits chaque année, et pourrait générer des synergies annuelles estimées à environ 3,7 milliards d'euros. L'action FCA bondit tandis que celle de PSA chute, les analystes saluant la logique industrielle de cette union mais critiquant ses modalités financières. Les opérateurs doutent aussi de la capacité de l'entité fusionnée à réaliser des économies significatives.

Les deux constructeurs espèrent que l'envergure du groupe fusionné lui permettra d'augmenter sa rentabilité, faible dans ce secteur industriel depuis plusieurs années. Les constructeurs automobiles sont contraints d'investir des milliards de dollars dans leurs activités mais ne parviennent généralement qu'à dégager des marges modestes.

"Formidable sur le papier mais complexe à mettre en oeuvre", a estimé Philippe Houchois, analyste chez Jefferies, avant l'officialisation de l'accord. L'opérateur a néanmoins qualifié la logique qui sous-tend l'accord "d'imparable".

Dans un communiqué commun, les deux groupes ont indiqué que leurs conseils d'administration respectifs étaient "convenus à l'unanimité d'œuvrer" en vue de cette fusion et "ont donné à leurs équipes respectives le mandat de finaliser les discussions et conclure un 'memorandum of understanding' [protocole d'accord, NDLR] dans les prochaines semaines".

Le nouveau groupe réaliserait "un chiffre d'affaires consolidé de près de 170 milliards d'euros, un résultat opérationnel courant de plus de 11 milliards d'euros sur la base de résultats agrégés 2018, excluant (les équipementiers, ndlr) Magneti Marelli et Faurecia", ont précisé PSA et FCA.

Pour permettre la réalisation de cette fusion entre égaux, FCA distribuerait, avant l'opération, un dividende exceptionnel de 5,5 milliards d'euros ainsi que sa participation dans la société de robotique Comau, valorisée autour de 250 millions d'euros.

PSA, de son côté, distribuerait à ses actionnaires l'intégralité de sa participation de 46% dans Faurecia, dont la capitalisation boursière s'établit au total à 5,85 milliards d'euros.

Des termes favorables aux actionnaires de FCA

Après ces annonces, l'action Peugeot SA chute de 12,1% à 22,91 euros, tandis que Fiat Chrysler Automobiles bondit de 8,7% à 13,99 euros. Les deux actions avaient respectivement progressé de 4,5% et 9,5% mercredi après la confirmation par les constructeurs automobiles de l'existence de discussions.

"Ces variations s'expliquent par les valorisations relatives pour parvenir à une fusion entre égaux. Les actionnaires de FCA bénéficieront d'une prime sur la valorisation retenue par le marché et d'un dividende spécial, contrairement à ceux de PSA", souligne Arndt Ellinghorst, directeur de la recherche automobile chez Evercore ISI.

"Les termes du rapprochement sont défavorables aux actionnaires de PSA, car ils incluent une prime de 30% à 50% aux actionnaires de Fiat Chrysler Automobiles par rapport à la capitalisation boursière, et impliquent même une décote sur la valeur d'entreprise de PSA", renchérit Frédéric Rozier, co-responsable de la gestion de portefeuille chez Mirabaud France.

Les analystes espèrent également qu'après avoir redressé PSA, Carlos Tavares sera à même d'améliorer les performances de FCA en Europe.

Aux cours de clôture de mercredi, la capitalisation boursière de PSA s'établissait à 23,3 milliards d'euros et celle de Fiat Chrysler à 20,2 milliards d'euros, selon les données de FactSet.

Pas de fermetures d'usines

Les synergies générées par l'opération s'élèveraient à près de 3,7 milliards d'euros par an, dont 80% seraient réalisées à partir de la quatrième année. Le coût de réalisation de ces synergies est estimé à 2,8 milliards d'euros par les deux entreprises. "Ces estimations de synergies ne sont pas basées sur des fermetures d'usine", ont ajouté PSA et FCA.

Ces synergies "découleraient principalement d'une affectation plus efficiente des investissements dans les plateformes de véhicules, les chaînes de traction, les technologies et une capacité d'achats plus importante inhérente à la nouvelle dimension du groupe", ont-ils indiqué.

Le niveau de synergies annoncé est inférieur aux attentes de plusieurs analystes. Commerzbank estimait ainsi qu'un tel rapprochement devrait générer des synergies proches de celles qui avaient été chiffrées lors du projet de fusion abandonné au printemps entre Renault et FCA, soit 5 milliards d'euros.

Paris favorable à l'accord, Rome reste prudent

Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a déclaré accueillir favorablement l'entrée en négociations des deux groupes. Le gouvernement sera "particulièrement vigilant" au sujet de "la préservation de l'empreinte industrielle en France, la localisation des centres de décision et la confirmation de l'engagement du nouveau groupe sur la création d'une filière industrielle européenne de batteries électriques", a souligné le ministre.

De son côté, le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, a déclaré à à l'agence de presse italienne AGI que les deux groupes devaient veiller à garantir l'emploi et l'investissement en Italie.

Le directeur général de Fiat-Chrysler, Mike Manley, s'est montré prudent lors d'une conférence avec des analystes, indiquant que les deux groupes avaient encore "beaucoup de travail à réaliser avant de parvenir à un accord formel". "Les deux entreprises se connaissent très bien, c'est pourquoi nous avançons rapidement", a-t-il toutefois ajouté, à l'occasion de la présentation des résultats trimestriels de FCA ce jeudi.

FCA reste par ailleurs concentré sur son plan de marche et notamment sur l'amélioration de ses performances opérationnelles en Europe, où il a déjà réduit ses effectifs et entend atteindre un taux d'occupation de la main d'œuvre de 100% d'ici à 2022. "Nous atteindrons nos objectifs quoiqu'il arrive, mais la résolution de ces problèmes sera nettement accélérée en cas de fusion [avec PSA]", a précisé Mike Manley.

Carlos Tavares aux commandes

Au niveau de la gouvernance, le président du directoire de Groupe PSA, Carlos Tavares, deviendrait directeur général du groupe fusionné et le président de FCA, John Elkann, présiderait le conseil d'administration. Chacun siégerait au conseil du nouveau groupe constitué de six administrateurs choisis par PSA, dont Carlos Tavares, et de cinq administrateurs désignés par Fiat Chrysler.

Les actionnaires des deux groupes détiendraient chacun 50% du capital de la nouvelle entité. Un accord de "standstill" (statu quo) concernant les participations d'Exor, la holding de contrôle de FCA, de Bpifrance, de la famille Peugeot et de DFG (DongFeng Motor) serait applicable pendant une période de sept ans à compter de la réalisation de la fusion.

DFG est le partenaire chinois de PSA, avec une participation de 12,2% au capital du groupe français. Bpifrance et la famille Peugeot contrôlent également 12,2% chacun du capital de PSA.

Exxor de son côté détient 29% de Fiat Chrysler.

"Les participations d'Exor, de Bpifrance Participations et de la famille Peugeot seraient soumises à une période d'incessibilité de trois ans", précise le communiqué des deux groupes. "Par exception, la famille Peugeot serait autorisée à augmenter sa participation de 2,5% au sein de l'entité combinée au cours des trois premières années suivant la date de réalisation de la fusion, par acquisition d'actions auprès de Bpifrance Participations et DFG", explique également le document.

La maison mère de la nouvelle entité, dont le siège serait situé aux Pays-Bas, serait cotée à Paris, Milan et New York. Les deux groupes ont indiqué que cette société mère "continuerait de maintenir une présence importante dans les sièges opérationnels des deux groupes, en France, en Italie et aux Etats Unis".

Moderniser FCA en Europe

Pour que l'association soit fructueuse, Carlos Tavares devra résoudre de nombreux problèmes chez Fiat Chrysler, notamment le vieillissement de sa gamme de modèles, un investissement insuffisant dans les nouvelles technologies et la dépendance envers une région : l'Amérique du Nord. Cela, alors que les deux constructeurs ont échoué à s'imposer en Chine.

Un obstacle majeur auquel Carlos Tavares sera confronté est celui de la capacité de production excédentaire de Fiat Chrysler en Europe, que l'ancien patron du groupe italo-américain, Sergio Marchionne, avait échoué à résoudre. L'an dernier, le taux d'utilisation des capacités de Fiat Chrysler s'inscrivait à 57% en Italie, contre 88% aux Etats-Unis, selon LMC Automotive.

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October 31, 2019 11:25 ET (15:25 GMT)