Le PDG de Shell, Wael Sawan, a subi des pressions internes sur sa stratégie après que deux employés ont publié une rare lettre ouverte l'exhortant à ne pas réduire ses investissements dans les énergies renouvelables, ce qui a déclenché un débat interne.

La lettre ouverte, publiée au début du mois sur le site interne de Shell et consultée par Reuters cette semaine, fait suite à la présentation par M. Sawan, lors d'une journée des investisseurs en juin, de projets visant à ralentir les investissements dans les énergies renouvelables et les activités à faible émission de carbone, dans le cadre d'une stratégie visant à accroître les rendements.

La société a également scindé ses activités à faible émission de carbone et supprimé le poste de responsable mondial des énergies renouvelables, ce qui a été suivi par le départ du titulaire de ce poste, Thomas Brostrom, après moins de deux ans à ce poste.

"Depuis longtemps, l'ambition de Shell est d'être un leader dans la transition énergétique. C'est la raison pour laquelle nous travaillons ici", indique la lettre adressée à M. Sawan et au comité exécutif de Shell.

"Les récentes annonces faites lors de la journée des marchés financiers et après celle-ci nous inquiètent profondément... Nous ne pouvons qu'espérer que les annonces de la CMD nous trompent et que Shell poursuive son chemin en tant que leader de la transition énergétique."

La lettre a été signée par Lisette de Heiden et Wouter Drinkwaard, qui travaillent tous deux dans la division "low carbon" de Shell. Mme de Heiden et M. Drinkwaard n'ont pas répondu à une demande de commentaire.

La lettre a reçu plus de 80 000 vues et 1 000 likes, et a suscité un long échange de commentaires sur la plateforme ouverte, y compris de la part de Sawan, selon des sources de l'entreprise.

PAS DE RÉPONSES FACILES

"Pour une organisation au cœur de la transition énergétique, il n'y a pas de réponses faciles et les dilemmes et défis ne manquent pas", a écrit M. Sawan dans sa réponse.

"Il se peut que nous ne soyons pas toujours d'accord sur la voie à suivre, mais je me sens bien dans le rôle que Shell joue et continuera à jouer. Je suis fier de la manière dont nous fournissons chaque jour une énergie abordable et sûre à la population, tout en nous efforçant de proposer à nos clients des solutions à faible émission de carbone, dans le cadre d'une transition vers une entreprise à zéro émission nette."

M. Sawan, qui a pris ses fonctions en janvier, s'est attaché à améliorer les performances opérationnelles et la rentabilité de Shell en s'appuyant davantage sur les activités pétrolières et gazières, les biocarburants et la recharge des véhicules électriques.

Ces derniers mois, Shell s'est retirée de projets éoliens offshore en Irlande et en France, a vendu son activité de vente d'électricité au détail au Royaume-Uni et a déclaré qu'elle cherchait à vendre des participations dans des projets d'énergie renouvelable en Inde afin d'augmenter les rendements. Elle envisage également de vendre tout ou partie de la société de stockage de batteries Sonnen qu'elle a acquise en 2019, selon des sources industrielles.

Shell a refusé de commenter le processus de vente de Sonnen.

Un porte-parole de Shell a déclaré : "Nous apprécions le fait que notre personnel soit engagé et passionné à la fois par la transition énergétique et par Shell... Shell joue un rôle important dans la transition énergétique et, lors de notre récent Capital Markets Day, nous avons défini les domaines du système énergétique d'aujourd'hui et de demain dans lesquels nous sommes les mieux placés pour investir, être compétitifs et gagner".

Plusieurs cadres supérieurs de Shell ont quitté la division "faible émission de carbone et énergies renouvelables" depuis le changement de stratégie.

Il s'agit notamment d'Oliver Bishop, qui dirigeait l'activité mondiale de mobilité de l'hydrogène de Shell et qui a rejoint BP en septembre dans la même fonction, de Roberto Jimenez, qui dirigeait l'énergie terrestre européenne de Shell, et de Colin Crooks, vice-président principal des énergies renouvelables et des solutions énergétiques pour l'Europe, qui partira à la fin du mois, selon un porte-parole de l'entreprise.

Shell a pour objectif de devenir une entreprise à émissions nettes nulles d'ici 2050.