Zurich (awp) - Les marchés financiers ont connu une évolution étonnamment favorable sur les six premiers mois de l'année en cours, mais il faut se garder de tout excès d'optimisme dans la mesure où les risques de récession ne cessent de grimper, préviennent les stratèges de Raiffeisen.

"L'inflation a certes atteint son point culminant, mais les taux sous-jacents restent souvent obstinément supérieurs aux objectifs d'inflation des banques centrales, (qui) devront probablement poursuivre leur politique monétaire restrictive pendant une période prolongée", affirme Matthias Geissbühler, directeur des investissement (CIO) de la coopérative bancaire, dans un point de situation publié jeudi.

En raison des effets exceptionnels liés à la pandémie de Covid-19, le resserrement monétaire met plus de temps que la normale à se concrétiser. D'un côté, les entreprises affichaient fin 2022 des carnets d'ordres pleins en raison du retard pris dans la livraison des commandes, alors que de l'autre, l'augmentation du taux d'épargne a eu un effet stabilisateur sur la consommation, deux phénomènes appelés à disparaître, prévient le stratégiste de Raiffeisen.

Selon lui, les derniers indicateurs conjoncturels avancés, en particulier ceux en provenance du secteur industriel, laissent présager une récession, et les experts du groupe saint-gallois s'attendent à un nouveau ralentissement de la croissance mondiale au cours des prochains trimestres.

Alléchantes obligations

Dans ce contexte et dans une perspective d'investissement, les titres de dette présentent des opportunités intéressantes, car si les taux directeurs sont appelés à se maintenir encore un certain temps à un niveau élevé, le cycle de hausses de taux des banques centrales va sans doute se terminer cet été.

Un dernier relèvement de la part de la Réserve fédérale américaine (Fed) et de la Banque centrale européenne (BCE) de 25 points de base (pb) fin juillet devrait voir culminer les taux directeur des deux instituts d'émission à respectivement 5,5% et 3,75%, a prédit en téléconférence le CIO de Raiffeisen.

Pour ce qui est de la Banque nationale suisse (BNS), la question reste ouverte: "le marché s'attend à une nouvelle hausse en septembre en direction des 2%, une hypothèse qui n'est pas à exclure, mais nous nous attendons à ce que la conjoncture et la dynamique inflationniste se seront affaiblies d'ici là, rendant moins nécessaire une intervention de la BNS".

Optimisme excessif

Les actions en revanche présentent un sérieux risque de correction, dans la mesure où la progression des marchés boursiers n'est portée que par un nombre limité de titres, dont la valorisation s'est envolée. "Le battage autour de l'intelligence artificielle a particulièrement stimulé les grandes valeurs technologiques américaines", fait remarquer Matthias Geissbühler.

Alors que la saison des résultats semestriels a débuté, les estimations de bénéfices sont selon lui par trop optimistes. Après avoir atteint des sommets historiques en 2022, la rentabilité des entreprises, en particulier dans des secteurs cycliques comme la construction ou la chimie, risque de se trouver une nouvelle fois sous pression, comme cela a été le cas lors de précédents épisodes de dégradation conjoncturelle.

Le cycle sans précédent de relèvement des taux d'intérêts a littéralement réduit à néant la prime de risque des actions par rapport aux obligations. "Il n'y a plus vraiment d'avantage à s'aventurer sur les marchés boursiers quand on peut obtenir le même rendement pour des placements beaucoup plus sûrs", estime Matthias Geissbühler, signalant que le rendement des bons du Trésor US à deux ans est quasiment équivalent à celui des valeurs du S&P 500.

Or et immobilier en complément

Les investisseurs seraient bien avisés de placer une partie de leurs avoirs dans l'or, qui s'est apprécié de 5% depuis le début de l'année, notamment sous l'effet de la demande des banques centrales, ainsi que dans l'immobilier, de préférence suisse et résidentiel, dont le rendement de distribution avoisine les 2,5%.

Après un premier semestre "très positif", les marchés financiers risquent d'être confrontés à des vents contraires conjoncturels croissants, ce qui va se traduire par un regain de volatilité sur les places boursières, selon les experts de Raiffeisen.

Ces derniers tablent sur un fort ralentissement de la croissance mondiale, avec une progression du produit intérieur brut (PIB) attendue à 2,4% pour l'année en cours et 2,3% pour la suivante (+3,4% en 2022), portée toutefois presque exclusivement par la Chine, dont le redressement post-Covid n'a pas été à la hauteur des attentes, alors que les Etats-Unis et l'Europe - mais pas la Suisse - se dirigent vers une stagnation, voire une récession.

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