par Matthias Blamont

Une source proche du ministre de l'Économie Christine Lagarde a confirmé dimanche soir à Reuters que l'État se préparait à injecter indirectement cinq milliards d'euros via la Société de financement de l'économie française (Sfef) en vue d'aider la principale division du groupe européen EADS à sécuriser ses contrats .

"Nous saluons l'initiative forte du gouvernement français, laquelle vise à protéger des livraisons mises en danger par la crise du crédit", a déclaré un porte-parole d'Airbus, avant d'ajouter qu'il appartenait aux pouvoirs publics de préciser les modalités d'application de cette aide. À Bercy, personne n'était immédiatement disponible pour apporter des précisions.

Sur LCI, Louis Gallois, président exécutif d'EADS, s'est félicité de l'appui français et a plaidé en faveur d'un soutien européen. "Je souhaite que les autres pays du consortium s'inspirent de l'exemple français. Ce que fait la France pour dégeler les financements à l'économie est très utile, nous souhaitons que cela puisse se produire de la même manière dans les autres pays", a-t-il dit.

L'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne, autres terres d'accueil industrielles d'Airbus, n'ont pas réagi officiellement au projet français.

Celui-ci pourrait susciter le mécontentement de l'américain Boeing qui accuse régulièrement Airbus de recevoir des aides publiques indues. Les deux groupes ont porté leur différend devant l'Organisation mondiale du commerce.

"Nous nous attendions à une aide renforcée du gouvernement et de ses agences mais il semble que les pouvoirs publics agissent de façon un peu compliquée", observe Sandy Morris, analyste auprès d'ABN Amro. Selon lui, l'État pourrait prêter directement et éviter de passer par la case banques.

De son côté, Georges Pauget, directeur général de Crédit agricole, a déclaré lundi à Reuters en marge d'une conférence de presse que son groupe faisait partie "des acteurs mondiaux du financement aéronautique" et que sa filiale Calyon continuerait à financer les achats d'avions Airbus .

CHAOS DANS L'AÉRIEN

Le déblocage de fonds publics pour soutenir les ventes du constructeur marque néanmoins une deuxième grande étape de l'action gouvernementale en faveur de la filière aéronautique en France après la création, l'été dernier, du fonds "Aerofund II" destiné aux équipementiers.

John Leahy, directeur commercial d'Airbus, a déclaré le 15 janvier que ses équipes espéraient engranger 300 à 400 commandes brutes cette année (contre 900 en 2008), un chiffre susceptible de diminuer si les compagnies aériennes éprouvaient des difficultés à obtenir des crédits .

Confrontés au durcissement de la conjoncture et à un prix du pétrole volatil, les transporteurs doivent parer à un retournement de cycle qualifié de violent par tous les spécialistes et bon nombre d'entre eux pourraient renoncer, ou être contraints de renoncer, à certains investissements en cas de désaccord avec les établissements bancaires.

En vertu des pratiques de financement actuelles, près de 80% du prix d'un avion est réglé au moment de la livraison, la compagnie ayant versé un acompte de 5% lors de la prise de commande et un autre de 15% quelques mois avant la sortie de l'usine. Selon le quotidien Les Echos, la part du financement bancaire de l'achat d'un avion atteindrait 40% en moyenne.

AMORTISSEURS

Pour la première fois depuis 2003, les livraisons d'Airbus devraient être supérieures aux commandes en 2009 mais l'entreprise dispose de plusieurs amortisseurs:

Son carnet de commandes total dépasse les 3.700 appareils, ce qui représente près de sept années de production, et Airbus a dit être prêt à se substituer partiellement aux banques.

Tom Enders, président d'Airbus, avait fait valoir le 25 novembre que le budget de financement réservé à sa clientèle était au plus bas depuis environ 20 ans, soit légèrement au-dessus d'un milliard d'euros, et que la société était capable de monter jusqu'à cinq ou six milliards d'euros.

De son côté, Louis Gallois indiquait début janvier que le groupe européen disposait à fin 2008 d'une trésorerie de quelque neuf milliards d'euros.

Airbus veut à tout prix éviter la constitution de stocks. Tom Enders a plusieurs fois prévenu qu'il ralentirait les cadences de production si nécessaire.

L'action EADS a progressé de 4,21% à 13,13 euros à la Bourse de Paris dans un marché en hausse de 3,73%.

En juillet 2008, Dominique Bussereau, secrétaire d'État aux transports, annonçait la création du fonds de soutien à l'investissement "Aerofund II" à l'attention des équipementiers aéronautiques, notamment partenaires d'Airbus.

Les experts avaient néanmoins souligné que son montant, 75 millions d'euros, était insuffisant et que l'État serait certainement amené à faire davantage.

Avec la contribution d'Helen Massy-Beresford et de Matthieu Protard, édité par Jacques Poznanski