(Actualisé avec Merkel, Juncker §§6-8)

par Natalia Zinets et Adrian Croft

VILNIUS, 28 novembre (Reuters) - Le gel du rapprochement avec Bruxelles au profit des relations avec Moscou risque d'être néfaste pour l'avenir économique de l'Ukraine, ont averti jeudi les dirigeants de l'Union européenne avant des retrouvailles tendues avec Viktor Ianoukovitch.

Le président ukrainien est arrivé à Vilnius pour un dîner dans le cadre du troisième sommet du Partenariat Oriental de l'UE, entamé en 2009 avec six anciens membres du bloc soviétique: l'Arménie, l'Azerbaïdjan, la Biélorussie, la Géorgie, la Moldavie et l'Ukraine.

Au terme de plusieurs années de négociations, il devait y signer un accord d'association et de libre échange avec les "Vingt-Huit". Or, sous la pression de Moscou et de la crise économique, le chef de l'Etat ukrainien a renoncé à cet accord pour relancer la coopération avec la Russie.

"L'économie ukrainienne a besoin d'énormes investissements, mais ce ne sont pas des coûts. Ils représentent des revenus futurs, plus de croissance, plus d'emplois et plus de prospérité", a souligné le Commissaire européen à l'élargissement, Stefan Füle, évoquant la facture des réformes nécessaires au rapprochement avec l'UE.

"Les seuls coûts que je vois sont ceux de l'inaction qui produit plus de stagnation et qui menace l'avenir et la prospérité du pays", a-t-il poursuivi dans le cadre d'un forum économique organisé à Vilnius quelques heures avant le sommet.

A son arrivée dans la capitale lituanienne, la chancelière allemande Angela Merkel a répété que l'offre de partenariat entre l'UE et l'Ukraine était toujours sur la table, mais qu'elle ne s'attendait pas à un revirement soudain de la part de Viktor Ianoukovitch.

Le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, s'est montré moins catégorique mais a souligné que Kiev n'avait pas rempli toutes les conditions posées par l'UE.

"J'ai encore un petit espoir que nous puissions parvenir à un accord ce soir. Je ne l'exclus pas. Nous avons posé nos conditions. Elles n'ont pas été remplies", a-t-il dit.

Bruxelles a appelé Kiev à mettre fin à la "justice sélective", une façon de demander la libération de Ioulia Timochenko, chef de file de l'opposition ukrainienne condamnée à 7 ans de prison en 2011 pour abus de pouvoir du temps où elle était Premier ministre.

L'égérie de la "révolution orange" a entamé une grève de la faim pour dénoncer le gel des discussions avec l'UE et a apporté son soutien aux dizaines de milliers d'Ukrainiens qui ont manifesté récemment contre cette décision.

"LES UKRAINIENS ONT BESOIN DE L'EUROPE"

Viktor Ianoukovitch n'a toutefois montré aucun signe de fléchissement. Mardi, il a même fustigé l'aide financière proposée par l'UE. "Nous n'avons pas à être humiliés de la sorte. Nous sommes un pays sérieux. Un pays européen", s'est-il indigné.

Sa présence à Vilnius montre toutefois qu'il n'a pas l'intention de couper les ponts pour se tourner exclusivement vers Moscou. Selon son gouvernement, il ne s'agit que d'une pause dans le processus d'intégration.

Kiev a accepté l'aide à court terme de la Russie, qui fournit la moitié du gaz consommé en Ukraine, sans toutefois s'associer à l'union douanière de la Communauté des Etats indépendants, organisée autour de Moscou. Malgré les tensions que sa présence risque de susciter, le président ukrainien a souhaité se rendre à Vilnius pour expliquer sa décision.

Selon son premier vice-Premier ministre Serhi Arbouzov, Kiev ne peut signer un accord d'association et de libre échange avec l'UE "si la situation socio-économique n'est pas équilibrée".

"Il n'y a pas eu de revirement. Nous progressons en confiance sur la voie que nous nous sommes tracée. Les Ukrainiens ont besoin de l'Europe et l'Europe est la seule voie possible pour nous", a-t-il assuré, lors du forum économique.

A Vilnius, l'Union doit par ailleurs finaliser les négociations relatives aux accords d'association avec la Géorgie et la Moldavie, qui pourraient être signés d'ici un an. Un accord de facilitation de l'octroi des visas sera par ailleurs conclu avec l'Azerbaïdjan.

Biélorussie et Arménie, toutes deux membres de l'union douanière de la CEI, seront également représentées mais aucun rapprochement avec l'UE n'est prévu à l'occasion du sommet, dont le clou devait être l'accord d'association avec l'Ukraine et ses 46 millions d'habitants. (Avec Andrius Sytas; Jean-Philippe Lefief et Tangi Salaün pour le service français)