(Actualisé avec réaction américaine, détails)

par Richard Balmforth et Thomas Grove

KIEV, 30 novembre (Reuters) - L'opposition en Ukraine a appelé samedi à une grève générale pour obtenir le départ du président Viktor Ianoukovitch après la répression violente par la police anti-émeute dans le centre de Kiev d'une manifestation de plusieurs centaines de pro-européens.

D'autres rassemblements sont prévus dimanche à Kiev et dans d'autres villes du pays. La police s'est engagée à ce que les actes de violence de samedi, inédits à Kiev, ne se reproduisent pas.

Dans un discours publié sur son site internet, Viktor Ianoukovitch s'est dit "profondément révolté" par les violences et a demandé l'ouverture d'une enquête pour identifier les responsables, sans mettre en cause spécifiquement les forces de l'ordre.

Des policiers équipés de casques et de boucliers sont intervenus tôt le matin sur la place de l'Indépendance, dans le centre de la capitale, pour déloger des manifestants installés dans des campements de fortune depuis la veille.

Les policiers ont tiré tout d'abord des grenades assourdissantes en direction de la foule, puis sont intervenus à coup de matraques pour les chasser des lieux, poursuivant certains manifestants dans les rues avoisinantes.

Les tensions n'ont cessé de s'accroître depuis que Viktor Ianoukovitch est revenu sur sa décision de signer un accord de partenariat et de libre échange avec l'Union européenne lors d'un sommet des Vingt-Huit réunis à Vilnius, en Lituanie.

Vers 05h00 locales samedi, une partie de la place a été bouclée par les policiers anti-émeute. Neuf ans plus tôt, en 2004, cette même place de l'Indépendance avait connu de grandes manifestations de la "révolution orange" contre la fraude électorale.

Vendredi soir, quelques incidents s'étaient produits entre les manifestants pro-européens et les policiers. Au moins quatre personnes avaient été passées à tabac par des policiers, dont un caméraman et un photographe de Reuters. Ce dernier, frappé à la tête, a eu le visage en sang.

Catherine Ashton, porte-parole de la diplomatie européenne, a dénoncé samedi un "usage excessif" de la force, tandis que les Etats-Unis condamnaient "la violence et l'intimidation".

"Nous continuons à soutenir les aspirations du peuple ukrainien à parvenir à une démocratie européenne prospère. L'intégration européenne constitue le voie la plus sûre vers la croissance économique et le renforcement de la démocratie en Ukraine", a dit le département d'Etat dans un communiqué.

"L'utilisation injustifiée de la force va à l'encontre des principes de tous les participants au sommet de Vilnius", précise un communiqué commun de Catherine Ashton et de Stefan Füle, commissaire à l'Elargissement européen.

LE RÊVE EUROPÉEN "VOLÉ"

Dix mille manifestants pro-européens s'étaient rassemblés vendredi sur la place de l'Indépendance en accusant le président Ianoukovitch d'avoir "anéanti leur rêve" d'un rapprochement avec l'Union européenne.

"Nous avons pris la décision commune de former un quartier général de résistance nationale et nous avons entamé des préparatifs pour mener une grève nationale dans l'ensemble de l'Ukraine", a annoncé l'ancien ministre de l'Economie, Arseny Iatseniouk, un des chefs de l'opposition.

Devant une mer de drapeaux bleus et jaunes, les couleurs à la fois de l'Ukraine et de l'UE, les protestataires avaient scandé "l'Ukraine, c'est l'Europe".

"Aujourd'hui, ils nous ont volé notre rêve, le rêve de vivre enfin dans un pays normal", avait lancé à la foule l'opposant Vitali Klitschko, qui veut se présenter à l'élection présidentielle de 2015.

"Ne pas avoir signé l'accord d'association (avec l'UE) relève de la trahison", a-t-il ajouté.

La police aurait procédé aux arrestations de 35 personnes et aucun blessé ne serait, selon elle, à déplorer mais des témoins affirment que plusieurs dizaines voire centaines de personnes ont été violemment molestées.

Une centaine de militants pro-européens ont trouvé refuge dans un monastère dans le centre de Kiev pour échapper aux forces de l'ordre qui les poursuivaient.

Les manifestants ont érigé une barricade à l'aide de banc contre la porte d'entrée du monastère afin d'empêcher leurs poursuivants de pénétrer dans les lieux.

L'ancienne chef du gouvernement Ioulia Timochenko, emprisonnée depuis 2011 après une condamnation pour abus de pouvoir, a appelé au soulèvement national.

"Des millions d'Ukrainiens doivent se soulever. Il est esssentiel de ne pas quitter la place tant que les autorités n'auront pas été renversées par des moyens pacifiques", déclare-t-elle dans une lettre adressée à la presse.

(Richard Balmforth, Thomas Grove et Pavel Polityuk; Pierre Serisier et Pascal Liétout pour le service français)