Le groupe de Xavier Niel, qui a pris tout le monde de court en pactisant pendant le week-end avec son grand rival Bouygues, apparaît désormais comme le mieux placé pour tirer parti de la recomposition en marche du secteur des télécoms, ce que la Bourse a salué en portant lundi son action à un plus haut historique.

Bouygues Telecom a annoncé dimanche qu'il prévoyait de vendre à Iliad la totalité de ses 15.000 antennes ainsi qu'une grande partie de ses fréquences mobiles, espérant faire la différence dans le duel qui l'oppose à Numericable pour mettre la main sur la filiale de Vivendi, SFR.

"On nous donne les outils pour aller se battre contre deux monstres", a déclaré Xavier Niel en faisant référence au possible duo Bouygues-SFR et à Orange dont les chiffres d'affaires avoisineraient 15 milliards d'euros.

"Nous ferons quatre milliards d'euros et nous n'aurons qu'un seul but : devenir plus gros qu'eux", a-t-il ajouté en se livrant à un véritable plaidoyer pour l'offre de Bouygues, la plus favorable selon lui pour le marché, pour l'emploi, pour le consommateur et pour la France.

L'opération, qui est conditionnée à la possibilité pour Bouygues de prendre le contrôle de SFR, permettrait en effet à Free de faire un bond en avant en termes de couverture en intégrant la totalité du réseau que Bouygues a patiemment bâti depuis 20 ans en investissant des milliards d'euros.

L'opérateur, qui mettrait aussi la main sur les précieuses fréquences de son rival en 2,3 et 4G, aurait le double avantage de réduire la facture de l'itinérance qu'il verse à Orange, estimée par les analystes autour de 700 millions d'euros par an, et d'améliorer son offre en matière de 4G, le très haut débit mobile.

"Cet accord nous permettra clairement d'accélérer notre indépendance et continuer à jouer le rôle de 'maverick'", a expliqué le directeur financier Thomas Reynaud. Il a rappelé que l'opération, si elle se concrétisait, prendrait du temps et ne serait sans doute pas totalement achevée avant l'été 2016.

"Une telle transaction impliquerait une diminution notable du risque pesant sur l'activité mobile d'Iliad. Le groupe pourrait éviter les risques liés au déploiement d'un réseau, limiter le risque lié à la régulation, refaire son retard en termes de couverture 4G et améliorer sa génération de trésorerie", expliquent les analystes d'UBS dans une note.

Ce nouveau développement est largement salué en Bourse, où l'action Iliad a touché en matinée un plus haut historique à 222,85 euros. A 15h20, le titre progressait de 11,3% à 212,25 euros, plus forte hausse de l'indice SBF 120, dans des volumes représentant 4,9 fois leur moyenne quotidienne des trois derniers mois sur NYSE Euronext. Dans son sillage, les actions de Bouygues et d'Orange prenaient respectivement 7,7% et 2,9% alors que le CAC 40 était stable au même moment.

"Nous pensons qu'il s'agit du meilleur accord pour Vivendi, Bouygues, Iliad et Orange, en réduisant les pressions sur les prix dans le mobile comme dans le fixe", estime Robin Bienenstock, analyste à Bernstein Research. A contrario, Numericable, qui a soumis une offre concurrente sur SFR, dégringole de près de 12% en Bourse, le marché estimant que l'initiative de Bouygues pourrait réduire les chances de la filiale d'Altice (-7,5% à la Bourse d'Amsterdam) de l'emporter.

"Altice va devoir probablement relever son offre pour ne pas être hors course", estime ainsi Robin Bienenstock. Toutefois, selon des sources proches du dossier, Altice n'entend toujours pas relever son offre sur SFR en dépit du coup de théâtre du week-end de Bouygues et Iliad.

Les grandes manoeuvres dans le secteur des télécoms ont éclipsé en partie les résultats d'Iliad qui ont pour la première fois en 2013 dépassé le seuil symbolique du milliard d'euros pour son excédent brut d'exploitation, alors que sa filiale mobile, désormais rentable, a recruté 2,8 millions de nouveaux clients, contrôlant 12% du marché français du mobile.

A la fin de l'an dernier, Free mobile comptait ainsi huit millions de clients, moins de deux ans après son lancement en janvier 2012.

Le groupe de Xavier Niel a également profité du dynamisme de ses activités dans le fixe qui ont vu leur Ebitda s'améliorer encore de 13% l'an dernier.

Au global, la société, qui a investi 900 millions d'euros dans le fixe et le mobile l'an dernier, a vu son Ebitda consolidé progresser de 30,7% à 1,2 milliard tandis que son résultat net est ressorti en hausse de 42,3% à 265 millions. Le chiffre d'affaires a par ailleurs augmenté de 18,9% à 3,75 milliards.

(Avec Alexandre Boksenbaum-Granier, édité par Jean-Michel Bélot)

par Gwénaëlle Barzic et Leila Abboud