ajoute intervention de Giorgia Meloni

CERNOBBIO (awp/afp) - Taux d'emprunt en nette hausse, explosion des coûts de l'énergie, guerre en Ukraine et turbulences politiques: ce cocktail explosif préoccupe les patrons italiens qui sont nombreux à regretter le prochain départ du chef du gouvernement Mario Draghi, garant à leurs yeux de stabilité et crédibilité.

L'enthousiasme débordant ressenti il y a un an au dernier mini-Davos organisé par The European House-Ambrosetti à Cernobbio, sur les rives du lac de Côme, a cédé la place à une préoccupation diffuse parmi le gotha de l'industrie italienne.

Giorgia Meloni, la cheffe du parti post-fasciste Fratelli Italia dont la probable victoire aux législatives du 25 septembre suscite des inquiétudes en Europe, s'est employée à rassurer dimanche les entrepreneurs lors d'un débat mené avec d'autres dirigeants politiques, mais a peiné à les convaincre.

"Je ne suis pas pour une nouvelle rallonge budgétaire" pour dégager des ressources visant à soutenir entreprises et familles, "car nous sommes déjà trop endettés", a-t-elle ainsi affirmé, avant de promettre de "dialoguer avec l'Union européenne".

"Nous sommes presque tous des nostalgiques de Mario Draghi et sommes nombreux à penser qu'elle n'a pas réussi son examen de passage. Son discours n'était pas structuré, pas clair", a jugé ainsi Rosario Rasizza, PDG du groupe de travail temporaire Openjobmetis.

"Changer de chef du gouvernement dans ce contexte de crise géopolitique sans attendre la fin du mandat au printemps 2023, c'est de la folie", déplore Andrea Costantini, vice-président exécutif de la société Agrati, qui fabrique des composants pour l'industrie automobile.

"A regarder les programmes des partis, je pense que 90% des entrepreneurs italiens auraient préféré que Draghi reste au gouvernement. Il nous a donné une forte visibilité et de la sécurité pour les investissements", relève-t-il.

Les promesses électorales les plus inquiétantes sont, selon lui, "l'impôt à taux unique financé par de la dette" proposé par les droites, soit 15% pour la Ligue de Matteo Salvini et 23% pour Forza Italia de Silvio Berlusconi, "qui pourrait coûter entre 30 et 50 milliards d'euros", ainsi que l'avancement de l'âge du départ à la retraite.

Espoir de continuité

"Draghi a donné de la crédibilité au pays, c'est vraiment dommage, j'aurais préféré continuer à être représenté à l'étranger par une personne comme lui", abonde Walter Ruffinoni, PDG de NTT DATA Italia, société spécialisée dans la cybersécurité.

"Il y a l'espoir que quel que soit le vainqueur, le nouveau gouvernement ira de l'avant dans la voie tracée par Draghi", a-t-il ajouté.

D'autant que Mario Draghi a négocié un plan de relance de près de 200 milliards d'euros avec l'Union européenne, dont une partie consacrée à la numérisation de l'Italie, en retard depuis une vingtaine d'années par rapport aux Etats voisins.

"J'espère que le prochain gouvernement restera en place pendant cinq ans, alors qu'en Italie il y a une grande instabilité politique qui ne permet pas de porter à terme les projets. Tous les six mois nous sommes en campagne électorale!", soupire M. Ruffinoni.

Les patrons ont eu beau multiplier les appels du pied pour persuader Mario Draghi de rester, rien n'y a fait: lâché par trois partis de son gouvernement d'unité nationale, d'abord par le Mouvement 5 étoiles, puis par la Ligue et Forza Italia, il a jeté l'éponge le 21 juillet.

"Séisme économique"

Si le deuxième trimestre a réservé une bonne surprise, avec une révision à la hausse de la croissance à 1,1%, les nuages ont commencé à s'accumuler dans la foulée, avec une inflation record de 8,4% en août.

Carlo Bonomi, président de la Confindustria, principale organisation patronale, qui vantait encore l'an dernier un "petit miracle économique", a également changé de ton. "Nous sommes confrontés à un séisme économique, le gouvernement doit y faire face, nous ne pouvons pas attendre pendant deux mois" l'arrivée de son successeur, a-t-il fait valoir jeudi.

Selon Confcommercio, l'organisation nationale du commerce, 120.000 entreprises du secteur des services risquent de mettre la clef sous la porte d'ici le premier semestre 2023 en raison de la flambée des coûts de l'énergie.

"C'est un moment très difficile pour les entreprises", reconnaît Cristina Scocchia, PDG du torréfacteur Illy. "Nous craignons que le changement de gouvernement ralentisse la prise de décision sur des mesures nécessaires pour soutenir sociétés et familles".

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