par Dan Wilchins et Glenn Somerville

La banque britannique Barclays semblait favorite pour reprendre la quatrième banque d'affaires des États-Unis, dont le cours de Bourse s'est effondré cette semaine en raison des craintes entourant son avenir. Mais une source a indiqué par la suite que la Barclays s'était retiré de l'appel d'offres.

Pour ce troisième jour consécutif de discussion, l'identité du repreneur ou le scénario envisagé pour Lehman n'apparaissaient pas encore clairement, de même que ce qui pourrait advenir si un accord n'était pas trouvé.

N'ayant pas réussi à lever auprès de partenaires les capitaux nécessaires pour renforcer une situation fragilisée par les retombées de la crise des "subprimes", Lehman n'a eu d'autre choix que de se mettre en vente, au grand dam de son directeur général Dick Fuld qui a toujours clamé que le groupe pouvait survivre tout seul.

Plusieurs scénarios restent à l'étude, parmi lesquels une cession pure et simple de la banque à un tiers.

Selon le Wall Street Journal et une source proche du dossier, la quatrième banque britannique semblait jusqu'ici tenir la corde pour reprendre Lehman, du moins une partie de son activité à l'exclusion des actifs liés au marché du crédit immobilier qui ont ébranlé l'établissement vieux de 158 ans, leur valorisation étant devenue incertaine voire douteuse depuis que la crise de l'immobilier américain a contaminé l'ensemble des marchés de crédit par le biais des "subprimes".

Une autre source a indiqué que Barclays avait fait appel au Crédit suisse et à la Deutsche Bank pour la conseiller sur le dossier Lehman, tout en précisant qu'on ignorait ce que les autorités de tutelle pensaient de la candidature de la banque britannique.

VERS UN DÉMANTÈLEMENT ?

D'autres banques discutent aussi avec Lehman, parmi lesquelles Bank of America. Le site internet d'informations financières Dealbreaker.com rapporte même que c'est BoA qui reprendra l'essentiel des actifs sains de Lehman. L'information n'a pu être confirmée de source indépendante.

Dealbreaker.com ajoute que Barclays et la banque japonaise d'investissement Nomura joueront aussi un rôle dans le montage qui prendrait la forme d'une scission en deux, avec d'une part les actifs sains revendus à un ou plusieurs tiers, et d'autre part 85 milliards de dollars environ d'actifs "toxiques" liés aux crédits immobiliers qui seront transférés dans une autre entité, une "bad bank".

Des sources proches du dossier ajoutent que des banques concurrentes prendraient des participations dans cette entité selon un modèle déjà utilisé dans les années 1980.

L'hebdomadaire dominical britannique Sunday Express évoque pour sa part un scénario à trois: Bank of America, Barclays et aussi Goldman Sachs devraient selon le journal s'entendre sur un démantèlement de Lehman, dont la division de gestion d'actifs irait à la Barclays.

Plusieurs grands banquiers sont arrivés tôt dimanche au siège de la Fed de New York, à Manhattan, où les conditions de sécurité ont encore été renforcées. Parmi eux Vikram Pandit, directeur général du numéro un américain et mondial des services financiers, et Vand Steve Black, vice-directeur général de la banque d'investissement de JPMorgan Chase.

Le Trésor américain et la Réserve fédérale participent aussi aux discussions.

L'ancien président de la Réserve fédérale Alan Greenspan a déclaré dimanche qu'à son avis "Nous assisterons à d'autres faillites de grands établissements financiers", mais a ajouté que cela n'était pas nécessairement un problème.

"Cela dépend de la manière dont c'est traité et de la façon dont les liquidations se passent", a-t-il dit à la chaîne ABC. "Et au fond, il ne faut pas chercher à protéger toutes les institutions. Le cours ordinaire de l'évolution financière a ses vainqueurs et ses perdants".

La réunion au sommet de dimanche rappelle l'époque du renflouement controversé du hedge fund Long-Term Capital Management (LTCM). Les grandes banques, dont la situation financière était alors plus faste, avaient contribué chacune 3,65 milliards de dollars pour faire en sorte que le fonds soit fermé sans accroc.

Faute d'accord, un placement sous la protection du code des faillites est toujours possible, même si les autorités feront sans doute tout - comme dans le cas de la banque Bear Stearns ou des géants du refinancement immobilier Fannie Mae ou Freddie Mac - pour éviter une telle extrémité qui ne manquerait pas de saper davantage encore la confiance dans le système financier.

Selon une source, le secrétaire américain au Trésor Henry Paulson refuse toutefois que cette fois, le contribuable soit de nouveau appelé à la rescousse.

Rédaction de New York, version française Gilles Guillaume